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Mohamed Ali Toumi : « La destination Tunisie, un produit exempt du COVID-19 »

Le ministre tunisien du Tourisme a reçu MEE pour expliquer comment il espère relancer le secteur, actuellement au point mort à cause de l’épidémie de coronavirus
Le très touristique village de Sidi Bou Saïd, à 15 km de Tunis (AFP)
Le très touristique village de Sidi Bou Saïd, à 15 km de Tunis (AFP)
Par Maryline Dumas à TUNIS, Tunisie

Il a pris ses fonctions le 2 mars, le jour même où était officiellement annoncée la présence d’un premier malade du COVID-19 en Tunisie. Mohamed Ali Toumi, qui a pris la place du très médiatique René Trabelsi, a dû prendre ses marques en temps de crise.

Dès le confinement général annoncé le 20 mars, la plupart des hôtels tunisiens fermaient leurs portes, faute de touristes, les frontières ayant été également fermées. Alors que l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) a annoncé une baisse de 60 à 80 % du nombre de touristes internationaux en 2020, la Tunisie espère aujourd’hui relancer son secteur touristique, qui pèse environ 14 % du PIB.

Avec 1 051 malades et 48 décès, la crise semble avoir été évitée et le déconfinement est lancé depuis le 4 mai. Mohamed Ali Toumi souhaite à présent rouvrir les entreprises touristiques. Pour cela, l’ancien président de la Fédération des agences de voyage mise sur des mesures sanitaires strictes.

Selon Mohamed Ali Toumi, les hôtels tunisiens vont ouvrir à 50 % de leur capacité (MEE/Maryline Dumas)
Selon Mohamed Ali Toumi, les hôtels tunisiens vont ouvrir à 50 % de leur capacité (MEE/Maryline Dumas)

Middle East Eye : Le gouvernement a annoncé la réouverture des hôtels le 4 juin. Dans quelles conditions les touristes seront-ils accueillis en Tunisie cet été ?

Mohamed Ali Toumi : Depuis quelques semaines, nous travaillons à l’élaboration d’un Protocole sanitaire du tourisme tunisien [PSTT]. Les équipes de l’hygiène et du produit à l’Office national du tourisme tunisien [ONTT] ont travaillé dur en faisant du benchmarking [technique marketing qui consiste à analyser les techniques de gestion, les modes d’organisation des autres entreprises afin de s’en inspirer et d’en tirer le meilleur], en regardant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, en étudiant ce qui se passe dans d’autres pays, en discutant avec la profession – car ce sont les entreprises touristiques qui vont appliquer ce protocole – et en prenant l’avis du ministère des Affaires sociales et de la santé.

Ce protocole consiste à s’assurer de la sécurité sanitaire de l’accueil, aux niveaux des postes frontaliers ou de l’aéroport, à son départ.

C’est une garantie d’offrir un produit exempt de COVID-19 au client. Il sera décliné sous forme d’actions claires en matière de capacité d’occupation des hôtels, de distanciation, de traitement des bagages, de mesures prises dans les restaurants.

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MEE : Ce protocole doit être publié dans les prochains jours. Pouvez-vous nous en donner les grandes lignes ?

MAT : Les hôtels vont ouvrir à 50 % de leur capacité, il y aura des tests des clients à l’entrée et au départ, les bagages seront désinfectés, les contacts limités... et le personnel sera équipé, selon sa fonction, de gants et de masques.  

Nous avons préparé une campagne publicitaire qui va accompagner le lancement de ce protocole pour le marché local, le marché régional et, surtout, le marché européen pour tenter de rassurer.

MEE : Justement, dans cette situation exceptionnelle, quels marchés ciblez-vous pour remplir vos hôtels cette année ?

MAT : Nous allons nous attaquer en premier au marché local. C’est une démarche logique : il faut profiter de la situation sanitaire franchement rassurante en Tunisie.

Nous ferons donc campagne auprès des touristes locaux, suivis par nos touristes régionaux avec nos amis libyens et algériens. J’espère que la situation va s’améliorer, surtout en Algérie. Nous allons tout préparer pour eux au niveau des postes frontaliers.

MEE : Avez-vous fait une croix sur le marché européen ?

MAT : Non, pas du tout. À l’heure actuelle, il est question d’une reprise tardive en septembre. Mais nous avons débuté des négociations directes avec certains pays, donc nous pourrons probablement avancer ces dates.

Nous allons présenter tous les arguments pour rassurer cette clientèle. Les Européens, qui penchent pour le moment pour le tourisme local, pourraient évoluer en fonction de l’amélioration de leur situation interne et la pression de leurs entreprises opérant dans le secteur touristique.

Les États pourraient autoriser leurs ressortissants à partir en voyage. Ils commenceront alors à réfléchir sur les destinations qui présentent le plus d’assurances et de sécurité sanitaires. Ils s’apercevront que la Tunisie en fait partie. Et nous pourrions recevoir des étrangers en juillet ou août.

Un homme marche avec ses chameaux le long de la plage d’Hammamet (AFP)
Un homme marche avec ses chameaux le long de la plage d’Hammamet (AFP)

MEE : Vous avez d’ailleurs discuté avec des ambassadeurs européens...

MAT : Je reçois les ambassadeurs amis de la Tunisie pour expliquer ce que nous faisons pour accueillir les clients européens dans de bonnes conditions sanitaires. Je fais mon job de relations publiques.

MEE : Lors d’une conférence de presse, vous avez évoqué la possibilité d’une ouverture à la République tchèque.

MAT : Nous savons que la République tchèque prépare une short list de destinations de vacances. Nous sommes intéressés par l’idée que la Tunisie en fasse partie. J’ai donc rencontré l’ambassadeur et je suis confiant.

MEE : Quelles mesures allez-vous mettre en place pour encourager le tourisme local ?

MAT : Notre rôle est de booster les mécanismes qui existent déjà, comme la vente de séjour en pack [hôtel, transport compris].

Nous souhaitons motiver les professionnels à faire plus d’efforts sur les prix et les services car les besoins du tourisme local sont différents du tourisme étranger.

L’administration [de ces entreprises] a également des efforts à faire car certains [membres du personnel] ont écumé tous leurs congés. Des idées restent à explorer pour donner ce coup de pouce nécessaire.

MEE : Baisse de la demande, révolution en 2011, crise sécuritaire en 2015, faillite du voyagiste Thomas Cook : les hôteliers tunisiens souffrent depuis plusieurs années, comment allez-vous les aider à traverser la crise du coronavirus ? 

MAT : Le gouvernement a annoncé une batterie de mesures au profit de tout le secteur touristique avec pour condition sine qua non la préservation de l’emploi [le secteur représente près de 500 000 emplois]. Il s’agit d’une ligne de crédit de 500 millions de dinars [159 millions d’euros].

Les entreprises qui en bénéficieront doivent avoir enregistré une baisse de 25 % ou plus du chiffre d’affaires entre mars 2019 et mars 2020, ou 40 % entre avril 2019 et avril 2020.

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Ces crédits bénéficieront d’un taux de bonification de deux points par rapport au taux moyen du marché et seront accordés pour sept ans avec deux années de grâce. Il sera possible d’en profiter jusqu’en mars 2021 car nous estimons que la crise du tourisme risque de durer un peu plus.

Une commission sera également mise en place au ministère du Tourisme pour faire le suivi de l’attribution de ces crédits. Pour les artisans, nous avons prévu une ligne de dix millions de dinars [3,16 millions d’euros]. Nous estimons couvrir ainsi plus de 80 % du secteur.

MEE : Et si le secteur du tourisme, qui représente entre 7 et 14 % du PIB, selon les calculs, ne parvenait pas à se relancer cette saison, quel serait le coût pour le pays ?

MAT : Il faut attendre deux à trois semaines pour établir un premier bilan. Si l’activité ne reprend pas, le secteur pourrait perdre six milliards de dinars [1,9 milliard d’euros], un chiffre assez important pour l’économie tunisienne.

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