« Balance ton hôpital » : une initiative pour dénoncer le délabrement de la santé publique en Tunisie
Le décès tragique de douze nouveau-nés dans le service de néonatalogie de l’hôpital Wassila Bourguiba, à Tunis, a provoqué un scandale en Tunisie. Selon les éléments préliminaires d’une enquête en cours, ces nouveau-nés sont morts d’une infection nosocomiale liée aux soins, contractée au cours de l’hospitalisation.
Le décès subit de nourrissons a déclenché une vague d’indignation dans toute la Tunisie conduisant à la démission du ministre de la Santé Abderraouf Cherif.
L’ancien ministre a été remplacé par Sonia Ben Cheikh, ministre de la Santé par intérim. « Tout le secteur de la santé est dans un état d’urgence. Il y a des problèmes dans ce secteur. Les professionnels ont lancé 20 000 fois des cris d’alarme », a déclaré Sonia Ben Cheikh dans une conférence de presse, lundi 11 mars.
La ministre par intérim a notamment appelé à des réformes pour « rétablir la confiance » entre le citoyen et les professionnels du secteur de la santé publique.
Des hôpitaux infestés de rats
Le décès des nourrissons a poussé des jeunes médecins tunisiens à dénoncer publiquement l’état de délabrement qui sévit dans le secteur de la santé publique. Dans un communiqué publié sur leur page Facebook, l’organisation tunisienne des jeunes médecins a accusé ouvertement le gouvernement de « nonchalance vis-à-vis de ce secteur marginalisé ». L’organisation a aussi lancé le hashtag #Balancetonhopital, une initiative qui jette une lumière crue sur la dégradation de la santé publique en Tunisie.
La page Facebook « balance ton hôpital » a dépassé les 40 000 abonnés depuis quelques jours. Dans leurs publications, les médecins décrivent dans des témoignages glaçants des hôpitaux infestés de rats, des hôpitaux régionaux qui n’ont plus de budget, des médecins qui assurent la ventilation manuellement lors d’une panne d’électricité, des chats qui circulent à l’intérieur de l’hôpital et mangent le placenta des patientes etc.
Mohamed Douagi, chef du service de réanimation néonatale à l’hôpital militaire de Tunis, un hôpital réputé, a écrit sur son compte Facebook : « Ça sert à rien de changer les fusibles quand le moteur est déjà hors service. J’ai bien peur que ce soit la mort de la santé publique ».
Depuis le début de l’année 2018, près de 800 médecins auraient quitté la Tunisie. Dans un entretien accordé à Middle East Eye, Nezih Zghal, secrétaire général de l’Ordre national des médecins a déclaré : « En 2015, 26 % des médecins fraîchement diplômés sont partis en vue de s’inscrire dans une spécialité. En 2018, ils sont 59 %. Et il n’y a pas de renouvellement. On commence à le constater dans la démographie médicale. La densité médicale est de 130 médecins pour 100 000 habitants. »
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