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Égypte : Mohamed Morsi est mort

L’ancien président était détenu dans des conditions pénibles, selon une commission britannique indépendante
Mohamed Morsi au siège des Nations unies, en septembre 2012 (AFP)

L’ancien président égyptien issu des Frères musulmans, Mohamed Morsi, est décédé lundi après une audition au tribunal au Caire, ont indiqué à l’AFP des sources sécuritaires et judiciaires.

Selon ces mêmes sources, l’ancien président de 67 ans, en détention depuis 2013, a parlé lundi devant un tribunal avant de s’effondrer, puis d’être emmené à l’hôpital où il est décédé.

« Le tribunal lui a accordé le droit de parler pendant cinq minutes [...] Il est tombé sur le sol dans la cage des accusés [...] a été immédiatement transporté à l’hôpital [...] » où il est décédé, selon un communiqué du parquet général égyptien.

« Il est arrivé à l’hôpital à exactement 16 h 50 et il n’y avait pas de nouvelles blessures visibles sur le corps », est-il précisé.

L’ancien président comparaissait lundi dans la cage réservée aux accusés à l'intérieur du complexe pénitentiaire de Tora, dans le sud du Caire.

Interrogé par l'AFP, l’un de ses avocats, Abdelmoneim Abdel Maksoud, a déclaré : « Nous n’avons même pas pu le voir au tribunal à cause des parois de verre blindé [du box] insonorisé. Mais d’autres détenus nous ont fait signe qu’il n’avait plus de pouls. »  

« Je l’ai vu emporté sur une civière dans le complexe judiciaire » de la prison de Tora, a-t-il ajouté.

Mohamed Morsi était devenu en 2012 le premier président librement élu de l’histoire de l’Égypte, un an après la « révolution du Nil » et la chute de son prédécesseur Hosni Moubarak.

Mort en plein procès 

Il purgeait plusieurs peines de prison, dont une de vingt ans pour le chef d'accusation consistant à avoir ordonné le meurtre de manifestants en 2012, et une à la perpétuité pour espionnage au profit du Qatar, pays avec lequel il aurait partagé des documents confidentiels, selon la justice égyptienne.

Il comparaissait lundi dans une autre affaire d’espionnage en raison de contacts jugés suspects avec le Hamas palestinien.

Mohamed Morsi a toujours nié les accusations à son encontre et a fait appel de chaque condamnation.

Depuis son renversement le 3 juillet 2013, son ancien ministre de la Défense, l’actuel président Abdel Fattah al-Sissi, a lancé une campagne de répression contre ses partisans des Frères musulmans, faisant des milliers de morts et de détenus.

Le chef d’État turc Recep Tayyip Erdoğan a rendu hommage au « martyr » Mohamed Morsi. 

« Que Dieu accorde à notre martyr, notre frère Morsi, sa  miséricorde », a déclaré Erdoğan à un groupe de journalistes.

L’ancien chef de l’État égyptien était maintenu à l’isolement 23 heures par jour dans des conditions de détention qui pourraient relever de la torture ou du traitement cruel, inhumain ou dégradant, affirmait en mars 2018 un rapport d’une commission britannique indépendante chargée d’enquêter sur le sort de Mohamed Morsi. Ce dernier avait des antécédents de diabète et d’insuffisance rénale.

« C’est terrible, mais c’était ENTIÈREMENT PRÉVISIBLE, vu que le gouvernement ne lui a pas permis de recevoir des soins médicaux adéquats, ni même les visites de sa famille »

- Sarah Leah Whitson, Human Rights Watch

Selon Crispin Blunt, président de cette commission, « l’ensemble de la chaîne de commandement jusqu’au président actuel » pourrait être tenue « responsable » de cette situation. Ces conditions de détention pourraient « entraîner sa mort prématurée », avait appuyé cette commission.  

Sarah Leah Whitson, directrice de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient, a déclaré que Mohamed Morsi était décédé des suites d’un accident vasculaire cérébral.

« C’est terrible, mais c’était ENTIÈREMENT PRÉVISIBLE, vu que le gouvernement ne lui a pas permis de recevoir des soins médicaux adéquats, ni même les visites de sa famille », a-t-elle tweeté.

Ayman Nour, ancien candidat à la présidence et rival politique de Morsi, a déclaré que ce dernier avait été « soumis à une mort lente au cours des six dernières années ».

« Sissi et son régime sont entièrement responsables de cette issue et il n’y a d’autre choix que de recourir à l’arbitrage international sur ce à quoi il a été soumis : la négligence médicale et la privation de tous les droits », a tweeté Nour, qui vit maintenant en exil.

Dans une déclaration publiée sur son site, l’organisation des Frères musulmans a pour sa part déclaré que la mort de Morsi constituait un « meurtre à part entière » et a appelé à des rassemblements devant les ambassades égyptiennes à travers le monde.

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En mars 2018, le fils de Mohamed Morsi, Abdullah, avait écrit dans le Washington Post que les conditions dans lesquelles son père était détenu étaient « épouvantables ».

« Nous craignons que les autorités égyptiennes le fassent exprès, car elles veulent le voir mort ‘’de causes naturelles’’ le plus rapidement possible », ajoutait-il.

« Ces conditions sont le reflet de l’état actuel de la démocratie égyptienne : emprisonné sous le prétexte de procédures dites antiterroristes, maltraité et oublié de la plupart des membres de la communauté internationale. »

Sur Al Jazeera, Amr Darrag, membre des Frères musulmans et ancien ministre de la présidence Morsi, a appelé à l’ouverture d’une enquête internationale sur la mort de Mohamed Morsi. Il a déclaré douter de la version officielle et estime que l’ancien président aurait peut-être été tué.

Mohamed Morsi a été enterré rapidement sans enquête appropriée sur la cause du décès, selon la presse. Sa famille s’est vu refuser sa demande pour qu’il soit enterré dans son village natal et seuls ses fils ont été autorisés à assister à la cérémonie.

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