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Des enregistrements audio remettent en cause la condamnation à mort de Morsi

Des enregistrements audio impliquant l’ancien commandant en chef de l’armée égyptienne révèlent que celle-ci « n’a jamais entendu parler » de l’implication du Hamas et du Hezbollah dans l’évasion des Frères musulmans
L’ancien Président égyptien Mohamed Morsi lors de son procès le 8 mai 2014 (AFP)

Un enregistrement sonore récemment divulgué d’une conversation tenue par l’ancien commandant en chef de l’armée égyptienne, Sami Annan, fournit une preuve supplémentaire du manque de crédibilité de l’accusation d’espionnage à l’origine de la condamnation à mort de l’ancien Président Mohamed Morsi.

Dans l’enregistrement publié par la chaîne satellitaire d’opposition Mekameleen vendredi, un jour avant le procès de Morsi, on peut entendre le juge Ahmed Refaat demander à Sami Anan s’il avait été informé par les agences du renseignement militaire que des membres armés du Hamas ou du Hezbollah s’étaient infiltrés en Egypte via les tunnels à la frontière.

« Cette information n’a jamais été communiquée ni à moi ni au Conseil [Conseil suprême des forces armées]. Je n’en avais jamais entendu parler auparavant », affirme Annan dans l’enregistrement.

Le juge demande ensuite à Sami Annan, lors d’une conversation s’apparentant à un interrogatoire, si au cours de la période récente et pendant les soulèvements de 2011, des agences du renseignement militaire avaient intercepté des membres du Hezbollah, du Hamas ou d’autres groupes étrangers alors qu’ils tentaient de pénétrer dans le Sinaï.

A nouveau, Annan répond par la négative : « Non, nous n’en avons pas été informés ».

Samedi, Mohamed Morsi et des dizaines d’autres membres des Frères musulmans ont été condamnés à la peine capitale suite à ce que de nombreux observateurs internationaux ont décrit comme une parodie de procès, politiquement motivé, où les règles d’une justice en bonne et due forme n’ont pas été respectées.

Morsi a été condamné à la peine de mort par un tribunal égyptien pour son rôle présumé dans l’affaire Wadi al-Natroun, une évasion de prison qui avait eu lien en 2011 alors que lui-même et plusieurs autres membres des Frères musulmans étaient incarcérés par le gouvernement d’Hosni Moubarak.

Parmi les chefs d’inculpation, Morsi et d’autres dirigeants des Frères musulmans ont été accusés de communiquer les plans de leur prison de haute sécurité à des membres du Hamas, des Gardiens de la révolution islamique iraniens et du Hezbollah. Le tribunal militaire affirme que partager des plans de prison avec les membres de ces groupes est une forme d’espionnage.

Le 28 janvier 2011, trois jours après le début des manifestations de masse contre Moubarak, Mohamed Morsi et des milliers d’autres prisonniers s’étaient tout à coup retrouvés sans surveillance alors que la police et le personnel de sécurité avaient ostensiblement disparu des rues de la capitale égyptienne. 

Dans une interview accordée à Aljazeera à la veille de l’évasion de Wadi Natroun, Morsi avait clairement affirmé qu’un groupe d’hommes non-identifiés avait fait irruption dans la prison pour aider les détenus à s’échapper mais que lui et sept autres membres du Conseil d’orientation des Frères musulmans avaient choisi de rester dans leurs cellules.

« Nous vous le disons et nous le disons au monde entier, nous ne fuirons pas », avait-il déclaré à cette occasion.

« Si un représentant officiel égyptien veut entrer en contact avec nous, nous sommes ici… nous ne nous enfuirons jamais. »

Mohamed Morsi et certains des plus hauts dirigeants des Frères musulmans sont également inculpés pour avoir supposément conspiré avec le Hamas dès début 2005 afin de semer le trouble dans le pays – un plan qui aurait engendré la révolution de 25 janvier 2011. 

Commentant cette accusation, Juan Cole a écrit dans un article publié dimanche : « Affirmer que Moubarak a été renversé par les Frères musulmans, ou plus précisément par le Hamas palestinien, est absurde ».

Lors du procès samedi, plusieurs prévenus palestiniens, dont deux déjà décédés et un autre en prison depuis dix-neuf ans, ont aussi été condamnés à la peine de mort par le tribunal égyptien. 

La sentence sera confirmée lors d’une session ultérieure après l’approbation du grand mufti, qui est l’interprète officiel de la loi islamique. La décision finale sera rendue le 2 juin.  
 

Traduction de l’anglais (original).

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