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Les avocats des Frères musulmans font pression sur l’UA contre l’usage de la peine de mort par l’Egypte

La dernière offensive contre les condamnations à mort de masse a lieu en amont d’un sommet potentiellement décisif des chefs d’Etat de l’Union africaine
Les proches des partisans de Mohamed Morsi en pleurs devant le palais de justice de Minya en mars dernier après la décision du tribunal d’exécuter les 529 prévenus (AFP)

Les avocats du Parti liberté et justice des Frères musulmans ont à nouveau fait pression sur la plus haute autorité judiciaire africaine samedi afin qu’elle intervienne contre l’utilisation massive de la peine de mort par l’Egypte.

Lors de la procédure judiciaire qui a eu lieu à Banjul, la capitale gambienne, les avocats du Parti liberté et justice ont présenté leur dossier sur l’usage de la peine de mort par Le Caire à la Commission des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine (UA) et ont pour la première fois tenu une rencontre en face-à-face avec les avocats représentant l’Egypte.

La Commission va maintenant procéder à l’examen de la documentation présentée par les parties et exposer ses conclusions et recommandations aux autorités de l’UA.

L’Egypte est signataire de la Charte africaine, l’instrument de l’UA dédié aux droits de l’homme qui rejette la peine de mort et garantit le droit à un procès équitable. Au cours de l’année dernière, la Commission a essayé à deux reprises au moins d’intervenir en Egypte en faveur des centaines de personnes condamnées à la peine de mort lors de procès collectifs, mais sans guère de résultats.

La procédure de samedi survient en amont d’une réunion des chefs d’Etat de l’UA, prévue pour juin, durant laquelle les dirigeants pourraient décider « au plus haut niveau » de prendre des mesures politiques contre l’Egypte, y compris des sanctions économiques, selon les avocats du Parti liberté et justice.

« L’UA peut prendre différentes mesures contre l’Egypte afin de faire appliquer les décisions de la Commission », a indiqué dimanche à MEE depuis la Gambie Rodney Dixon QC, du cabinet londonien Temple Garden Chambers.

Tayab Ali, avocat auprès du cabinet ITN Solicitors à Londres et membre de l’équipe de défense des Frères musulmans qui était également présent en Gambie, a déclaré que les condamnations de masse « faisaient partie d’une imposition vaste et systémique de la peine capitale visant à réprimer l’opposition démocratique et pacifique ».

« Le système judiciaire en Egypte est utilisé pour soutenir de graves actes de répression étatique, et la Commission africaine doit continuer à demander à l’Egypte de rendre des comptes », a-t-il ajouté.

Depuis le coup militaire de juillet 2013, des centaines d’Egyptiens ont été condamnés à mort lors de ce qui est considéré comme la condamnation à la peine capitale la plus massive de l’histoire récente du continent africain. Au moins 20 000 autres Egyptiens sont actuellement en détention en attente de leur procès.

A la demande des avocats, la Commission des droits de l’homme de l’UA a essayé au moins deux fois l’année dernière de forcer les responsables politiques égyptiens à revenir sur les condamnations à mort.

En avril dernier, la Commission a envoyé une lettre au Président en exercice de l’époque, Adly Mansour, exhortant les responsables du pays à suspendre les peines de mort de 529 Egyptiens condamnés par un tribunal de Minya, en Haute Egypte, suite à un procès ayant duré moins de deux jours.

La plupart des prévenus, accusés de plusieurs crimes en relation avec un attentat perpétré contre un commissariat de police de Minya en août 2013, dont le meurtre d’un agent, ont été condamnés in absentia et sans représentation légale, d’après les avocats du Parti liberté et justice.

Trois jours après l’envoi de la lettre, le juge chargé de l’affaire a confirmé la sentence de 37 des 529 prévenus initialement condamnés à mort. Dans une autre affaire, il a condamné 683 autres individus à la peine capitale pour l’assassinat d’un policier, également en août 2013.

Le 26 février, en amont de l’exécution de Mahmoud Ramadan – le premier Egyptien à être exécuté depuis le coup d’Etat –, la Commission a envoyé un autre courrier demandant aux autorités de ne pas appliquer sa condamnation à mort et de mener une investigation complète sur les allégations de Ramadan selon lesquelles sa confession lui avait été soutirée sous la torture.

Mahmoud Ramadan a été reconnu coupable l’année dernière d’avoir jeté un adolescent du haut d’un toit d’Alexandrie pendant les troubles qui avaient fait suite à l’éviction de Mohammed Morsi.

Dix jours après la lettre, Ramadan a été exécuté par pendaison.

« J’imagine qu’il existe un certain sentiment de frustration face aux tentatives [de la Commission] qui visent à régulariser la situation en Egypte et restent lettre morte », a indiqué à MEE en mars Toby Cadman, spécialiste du droit international et avocat au cabinet Nine Bedford Row International Chambers de Londres. Cadman a conseillé différents groupes impliqués dans les affaires égyptiennes.

« Nous savons qu’ils ont essayé de les pousser dans la bonne direction, mais en vain apparemment. [Le Président Abdel Fattah al-]Sissi ne semble écouter personne. »


Traduction de l'anglais (original).

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