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Morsi, condamné à vingt ans de prison, échappe à la peine de mort

Un tribunal égyptien a condamné l'ex-Président Mohamed Morsi à vingt ans de prison
L'ancien Président égyptien Mohamed Morsi au palais de justice cette semaine (AFP)

Mardi, un tribunal égyptien a condamné Mohamed Morsi, le Président déchu, à vingt ans de prison pour violences, au terme de ce qui est considéré par les spécialistes comme un procès politique.

Mohamed Morsi, premier Président librement élu d'Egypte, a été reconnu coupable d'incitation à la violence contre des manifestants devant le palais présidentiel Ittihadiya au Caire en 2012.

Cependant, le tribunal a acquitté Mohamed Morsi des accusations de meurtre d'un journaliste et de deux manifestants lors d'affrontements devant le palais présidentiel en 2012, meurtres pour lesquels il aurait pu être condamné à mort.

Avant le verdict, plusieurs observateurs s'attendaient à ce que Mohamed Morsi soit condamné à mort. D'autant que, lundi, un tribunal égyptien a condamné vingt-deux membres des Frères musulmans, accusés d'avoir perpétré une attaque contre un commissariat dans le quartier Kerdasa près du Caire en 2013, tandis qu'un autre tribunal a condamné à mort le chef des Frères musulmans, Mohamed Badie, plus tôt ce mois-ci.

Les avocats de la défense ont déclaré qu'ils feront appel du verdict de mardi.

Dans une déclaration commentant le verdict, Amnesty International a indiqué : « La condamnation de Mohamed Morsi à vingt ans de prison aujourd'hui est une parodie de justice et démontre, une fois de plus, que le système judiciaire pénal égyptien semble être absolument incapable de garantir un procès équitable aux membres ou sympathisants du gouvernement de l'ancien Président et aux Frères musulmans. »

L'organisation des droits de l'homme a également appelé à un nouveau procès équitable par un tribunal civil, en adéquation avec les normes internationales, ou à la libération de Mohamed Morsi.

Un procès politique

Le verdict de mardi était le premier contre Mohamed Morsi depuis son éviction et son emprisonnement par l'armée mi-2013. Depuis, il a été assommé par de nombreux chefs accusations, qui, selon lui et ses partisans, relèvent de motifs politiques.

« Nous avons affaire à un gouvernement qui n'a pas de véritable légitimité et à un système judiciaire complètement sous l'influence des meneurs du coup d'Etat militaire », a déclaré le spécialiste en droit international Toby Cadman.

« Ces événements montrent un mépris total pour la justice, un mépris total pour les droits de ceux qui comparaissent devant le tribunal, et démontrent simplement que le processus judiciaire est utilisé comme extension de l'exécutif et constitue un outil politique visant à faire taire la dissidence », a-t-il ajouté.

En accord avec Toby Cadman, le cabinet d’avocats ITN, qui représente la branche politique des Frères musulmans, le Parti liberté et justice, a également dénoncé le verdict dans un communiqué publié mardi.

« Le recours continuel à des procès politisés pour imposer la peine de mort en masse est une préoccupation majeure, d’autant que lorsque le Président Mohamed Morsi comparaitra à nouveau en mai, il risquera réellement d'être condamné à la peine capitale. »

« Suite à la divulgation d'enregistrements audio de conversations entre les membres haut-placés du régime militaire, vérifiés et authentifiés ensuite par des spécialistes en acoustique, il est devenu clair que le système judiciaire égyptien fait l'objet de manipulations de la part du régime », précisait le communiqué.

Une série de rapports ont révélé que les enregistrements audio divulgués par les médias exposent des discussions privées portant sur une multitude de sujets, dont le procès de Mohamed Morsi.

L'équipe du cabinet ITN a confirmé que la peine d'emprisonnement de Mohamed Morsi sera évoquée auprès de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples lors d'une audience qui se tiendra en Gambie début mai.

L'équipe juridique va également demander à la Commission africaine de se pencher sur les 500 peines de mort prononcées jusqu’à présent et sur le cas de Mahmoud Ramadan, accusé d'avoir tué deux adolescents en les poussant d'une corniche et exécuté en mars 2015 – la première fois que l'Egypte menait à bien l'une des condamnations à mort.

Le verdict a suscité de vives critiques parmi les opposants au gouvernement actuel, d’autant que le système judiciaire a autorisé la libération de l'ancien Président Hosni Moubarak plus tôt cette année.

En novembre 2014, un tribunal égyptien avait cassé le jugement et la condamnation à perpétuité d’Hosni Moubarak pour avoir ordonné le massacre de centaines de manifestants lors du soulèvement de 2011 qui a mis fin à ses quelque trente années à la tête du pays.

Le verdict de l'audience de Moubarak, qui portait sur la mort d'au moins 239 des 900 manifestants tués, avait suscité l'indignation de nombreuses familles pour qui le procès n’était qu’une farce.

« Il n'y a pas de justice pour les pauvres », avait déclaré Ramadan Ahmed au quotidien The Independent à l'époque.

Son fils Mohammed avait été abattu à Alexandrie pendant le soulèvement. « C'est la loi de Moubarak ! »

Affrontements devant le palais Ittihadiya

Bien qu'au total onze personnes (dont huit partisans de Mohamed Morsi) aient été tuées dans les violences, le procès ne porte que sur la mort d'un journaliste, Hosseini Abou Deif, et de deux manifestants hostiles à Mohamed Morsi.

Le 5 décembre 2012, des affrontements avaient éclaté entre les membres des Frères musulmans et des manifestants qui refusaient un amendement à la constitution émis par Mohamed Morsi, censé lui accorder des pouvoirs extra-judiciaires.

Suite aux affrontements qui avaient eu lieu devant le palais présidentiel Ittihadiya dans la banlieue d'Héliopolis au Caire, des dizaines de manifestants avaient été blessés et arrêtés, principalement des membres des Frères musulmans et leurs partisans.

Au départ, quatorze dirigeants des Frères étaient aux côtés de Mohamed Morsi sur le banc des accusés pour le meurtre des manifestants, mais l'audience de mardi a condamné seulement deux autres accusés à dix ans pour les mêmes faits.

Autres chefs d'accusation

L'ancien Président sera également poursuivi pour collusion avec des militants étrangers conspirant dans le but de libérer massivement des prisonniers lors des soulèvements de 2011 et pour espionnage et conspiration en vue de commettre des actes terroristes en Egypte, en collaboration avec le mouvement palestinien du Hamas, le Hezbollah libanais et les Gardiens de la révolution iraniens.

En outre, il fait également l'objet d'accusations de mise en danger de la sécurité nationale pour avoir supposément divulgué des secrets d'Etat et des documents secrets au Qatar via le réseau d'informations d'Al Jazeera.

Les verdicts de ces différentes affaires doivent être rendus le 16 mai.

Mohamed Morsi a été évincé par un coup d'Etat militaire en juillet 2013 – après seulement un an de mandat – à la suite de manifestations contre sa présidence.

Depuis la destitution de Mohamed Morsi, les autorités égyptiennes ont lancé une campagne de répression de la dissidence implacable qui a particulièrement touché les partisans islamistes de Mohamed Morsi, causant des centaines de morts et mettant des milliers de personnes derrière les barreaux.

 

Traduction de l'anglais (original) par VECTranslation.

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