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Égypte : ces dix icônes de la révolution croupissent en prison

Autrefois honorés pour leur rôle dans la chute de Hosni Moubarak, ces activistes, avocats et hommes politiques comptent parmi les milliers de prisonniers politiques jetés en prison par Sissi
Ces activistes, avocats et hommes politiques font face à une série d’accusations dans des affaires dénoncées par les groupes de défense des droits de l’homme (AFP/capture d’écran)
Par MEE

En ce neuvième anniversaire de la révolution qui a contribué à chasser le président Hosni Moubarak du pouvoir, beaucoup de ses plus célèbres leaders croupissent désormais en prison.

Selon Human Rights Watch, des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées arbitrairement et des centaines condamnées à mort au cours de procès de masse depuis 2013, lorsque le ministre de la Défense de l’époque Abdel Fattah al-Sissi a renversé le président Mohamed Morsi par un coup d’État militaire.

Sissi, aujourd’hui président, dément l’existence de prisonniers politiques en Égypte. Son gouvernement justifie la répression des dissidents par la guerre contre le terrorisme.

Voici les profils de dix personnalités centrales du soulèvement du 25 janvier 2011, dont la détention est dénoncée par de nombreux groupes des droits de l’homme comme étant motivée par des considérations politiques.

Israa Abdelfattah

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Israa Abdelfattah (Twitter)

L’une des meneuses les plus iconiques de la révolution de 2011, Israa Abdelfattah, 41 ans, se trouve en détention provisoire depuis octobre 2019.

Il a été signalé que sa santé se dégrade à la suite d’une grève de la faim qu’elle a commencé le 8 décembre pour protester contre le fait que les autorités n’enquêtent pas sur ses plaintes de torture.

Elle a été arrêtée le 12 octobre puis ajoutée à une affaire impliquant un groupe de dissidents, tous accusés d’appartenance à un groupe interdit, de propagation de fausses informations et d’usage abusif des réseaux sociaux. Elle réfute ces accusations.

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Son arrestation est survenue alors que les autorités réprimaient une recrudescence des manifestations en septembre, la plus grande démonstration publique de mécontentement à l’égard du gouvernement de Sissi depuis des années.

Les manifestations ont éclaté le 20 septembre en lien avec une série d’allégations de corruption portées par un célèbre acteur et homme d’affaires, Mohamed Ali, à l’encontre de Sissi et d’autres responsables haut placés. Israa Abdelfattah ne s’était toutefois pas jointe aux manifestations.

Elle est devenue célèbre après avoir cofondé le Mouvement du 6 avril en 2008, avec Ahmed Maher, pour promouvoir les droits des travailleurs et rassembler les Égyptiens autour d’une série d’exigences démocratiques.

Ce groupe figurait parmi les principaux organisateurs des manifestations de 2011 et est désormais interdit.

Avant son arrestation en octobre, elle travaillait en tant que spécialiste des médias numériques et journaliste au journal pro-gouvernemental Al-Youm Al-Sabea. 

Alaa Abdel Fattah

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Alaa Abdel Fattah (AFP)

Alaa Abdel Fattah est l’un des principaux porte-paroles de la gauche égyptienne. Il est emprisonné depuis le 29 septembre 2019. C’est sa seconde incarcération.

Ce trentenaire est accusé d’« appartenance à une organisation illégale » et de « propagation de fausses informations ».

Selon ses avocats, Abdel Fatah a été battu, menacé et détroussé en prison depuis son arrestation.

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Il avait été précédemment emprisonné pour avoir manifesté sans autorisation en 2013 et avait été relâché en mars 2019.

Cependant, les termes de sa libération conditionnelle lui imposaient pendant cinq ans de passer toutes les nuits dans une cellule du commissariat de son quartier, où il a été arrêté en septembre.

Ses avocats rapportent que lors de sa dernière arrestation, les agents de police lui ont bandé les yeux lorsqu’ils l’ont emmené du commissariat de Dokki à la prison de sécurité maximale de Tora.

Il a été giflé et a reçu des coups de pied lorsqu’il a passé la porte de la prison. On lui a ordonné de se mettre en sous-vêtements avant d’être forcé de passer à côté de personnes alignées pendant qu’on lui frappait le dos et la nuque, un passage à tabac qui a duré quinze minutes.

Lorsque les coups ont cessé, poursuivent les avocats, Abdel Fatah a de nouveau eu les yeux bandés et a été emmené auprès d’un officier qui, selon une déclaration de la famille, lui a asséné qu’« il détestait la révolution et le détestait, lui ».

Mahienour el-Massry

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Mahienour el-Massry (Twitter)

Mahienour el-Massry, 34 ans, est une avocate spécialisée dans les droits de l’homme, déjà récompensée pour ses actions. Elle est allée en prison à trois reprises depuis que Sissi est arrivé au pouvoir.

Sa dernière arrestation remonte au 24 septembre, lorsqu’elle a été appréhendée devant les bureaux du procureur, où elle représentait des clients arrêtés pour avoir participé à des manifestations « illégales ».  

Selon ses collègues, des membres des forces de sécurité en civil l’ont enlevée et l’ont emmenée dans un minibus. Ce n’est qu’après qu’il a été établi clairement qu’elle avait été arrêtée.

Au-delà de sa carrière juridique, Mahienour el-Massry est une fervente activiste pro-démocratie. Elle participe à l’organisation de manifestations et d’événements en solidarité avec les prisonniers politiques et pour promouvoir l’indépendance de la justice.

Massry a été emprisonnée à deux reprises en 2015 et 2017 sur des accusations liées à ses manifestations appelant la libération des prisonniers politiques.

Ziad el-Elaimy

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Ziad el-Elaimy (Twitter)

Visage célèbre de la révolution de 2011, Ziad el-Elaimy a été arrêté en juin 2019 avec un certain nombre d’activistes de gauche et d’activistes libéraux.

Elaimy est avocat et ancien député.

Pendant la révolution de 2011, Elaimy fut membre et porte-parole du principal groupe de jeunesse qui organisait les manifestations, la Coalition des jeunes de la révolution.

Selon sa mère, il a été arrêté par des agents en civil chez un ami dans le quartier de Maadi au Caire en juin.

Ses amis ont prévenu à plusieurs reprises qu’il souffrait de diabète, d’hypertension et d’asthme, qui pourraient s’aggraver en prison.

Mohamed el-Qassas

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Mohamed el-Qassas (Facebook)

Mohamed el-Qassas est un des membres les plus importants de la Coalition des jeunes qui a contribué à coordonner la révolution de 2011.

Il a été arrêté le 8 février 2018 et accusé d’appartenance aux Frères musulmans, le groupe désormais interdit dont était issu Mohamed Morsi, et de « propagation de fausses informations ».

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Il a également été ajouté à l’affaire 977/2017, qui implique plusieurs activistes, blogueurs et journalistes.

Mohamed el-Qassas est le vice-président du parti Pour une Égypte forte. Son parti avait appelé au boycott de l’élection présidentielle de 2018 à laquelle s’est présenté Sissi pratiquement sans adversaire.

Il a été libéré le 8 décembre après avoir passé deux ans en isolement.

Mais il a été à nouveau arrêté le 21 janvier 2020 pour une affaire que les groupes pour les droits de l’homme qualifient de « recyclage d’une affaire précédente ».

L’affaire actuelle, selon un communiqué commun des groupes de défense des droits de l’homme égyptiens, ne repose que sur des « enquêtes de la sécurité nationale » et accuse Mohamed el-Qassa d’avoir organisé des réunions au sein de sa cellule d’isolement ainsi que d’avoir rejoint un groupe terroriste et de le financer depuis l’intérieur de la prison.

Abdel Moneim Aboul-Fotouh

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Abdel Moneim Aboul-Fotouh (AFP)

Aboul-Fotouh, 69 ans, est le fondateur et président du parti Pour une Égypte forte, qu’il a créé après avoir quitté les Frères musulmans en 2011 en raison de désaccords avec ses dirigeants.

À l’époque, il faisait partie des dirigeants qui ont soutenu les manifestations du 25 janvier contre Moubarak, et participa à l’une des premières manifestations. 

Il se trouve en détention préventive depuis février 2018, accusé de propagation de fausses informations en vue de nuire aux intérêts nationaux. Abdel Moneim Aboul-Fotouh est, depuis, en isolement à la prison de Tora. Sa cellule fait deux mètres sur trois. 

Il s’est présenté à l’élection présidentielle de 2012 et a fini quatrième avec 17,4 % des voix. Il a été arrêté avant l’élection présidentielle de mars 2018, au cours de laquelle Sissi a été appuyé par son seul opposant et a remporté l’écrasante majorité des voix.

Il aurait été arrêté en raison d’interviews accordés à des journalistes londoniens le mois précédent, au cours desquelles il critiquait Sissi et l’exclusion de tous les rivaux potentiels du président avant les élections.

Mohamed el-Beltagy

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Mohamed el-Beltagy (AFP)

Mohamed est le secrétaire général des Frères musulmans et fut l’une des personnalités politiques qui ont soutenu et participé aux manifestations pro-démocratie de 2011 sur la place Tahrir. 

Il a été élu au Parlement en 2005 et 2012. 

Médecin et ancien maître de conférences à la faculté de médecine de l’Université du Caire, il est détenu à l’isolement à la prison de haute sécurité depuis 2013.

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Il a été condamné à mort trois fois au cours des six dernières années. Mohamed el-Beltagy risque une peine de prison totale de plus de 170 ans.

Sa fille Asma, 17 ans, fait partie des centaines de personnes qui ont été tuées lors de la dispersion brutale du sit-in de la place Rabia le 14 août 2013, alors qu’elle se dirigeait vers un hôpital de fortune, établi pour aider les blessés.

Son fils, Anas, qui a été arrêté en décembre 2013, croupit en prison bien qu’il ait été acquitté dans deux des affaires intentées contre lui et qu’il ait purgé plus des deux tiers de sa peine dans une troisième affaire.

Selon une publication Facebook de sa mère, Anas a été placé à l’isolement depuis son arrestation et elle n’a « aucune nouvelle » de lui.

Mohamed el-Beltagy a déclaré lors d’une audience en mars dernier qu’un AVC survenu en janvier avait entraîné une invalidité de son bras droit, affecté sa diction et l’avait laissé inconscient.

Il a ajouté que l’échographie, les radios et les soins de suivi, approuvés par le médecin qui suit son dossier, ne lui avaient toujours pas été fournis quasiment deux mois après son AVC.

Shadi el-Ghazali Harb

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Shadi el-Ghazali Harb (capture d’écran)

Shadi el-Ghazali Harb était l’un des leaders de la jeunesse lors de la révolution de 2011 contre Moubarak. Il a également organisé des manifestations contre Morsi, le successeur élu démocratiquement de Moubarak, et a soutenu son éviction par l’armée en 2013. Il est depuis un détracteur de Sissi.

Il a été arrêté en mai 2018 et il est actuellement en détention préventive et accusé d’appartenance à un groupe terroriste, de propagation de fausses informations et de provocation au terrorisme.

Les preuves présentées contre lui sont des tweets dans lesquels il critiquait un certain nombre de décisions de politique étrangère prises par Sissi, notamment la cession des îles de Tiran et Sanafir à l’Arabie saoudite ainsi que l’accord gazier entre l’Égypte et Israël.

Hoda Abdelmonem

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Hoda Abdelmonem (photo fournie)

Hoda Abdelmonem, 60 ans, est une avocate spécialisée dans les droits de l’homme et une activiste. Elle est en détention préventive depuis le 1er novembre.

Elle est actuellement détenue à la prison pour femmes al-Qanater dans la province de Monufia, au nord du Caire.

Hoda Abdelmonem a joué un rôle de premier plan dans la révolution de 2011, menant une manifestation des femmes qui fut l’une des premières manifestations à atteindre la place Tahrir le 25 janvier.

Autrefois membre du Conseil national des droits de l’homme, elle a démissionné de cette institution étatique après l’arrivée au pouvoir de Sissi en 2013.

Avant son arrestation, elle apportait une aide juridique aux familles des victimes de disparitions forcées en Égypte.

Dans le cadre de ses efforts pour documenter les affaires des disparus de force, Hoda Abdelmonem s’était portée volontaire comme consultante auprès de l’Egyptian Coordination for Rights and Freedoms (ECRF), une célèbre association pour les droits de l’homme durement touchée au cours de la dernière vague de répression.

Elle a disparu pendant 21 jours avant d’apparaître au siège du procureur de la sécurité nationale au Caire en novembre, accusée d’« appartenance à un groupe illégal » et d’« incitation à nuire à l’économie nationale ».

« Amnesty International pense que l’activisme de Hoda ainsi que le fait d’être membre de l’équipe de défenseurs dans plusieurs affaires relatives aux droits de l’homme, sont les raisons qui ont motivé son arrestation », a indiqué le groupe de défense des droits de l’homme au lendemain de sa disparition.

Essam Sultan

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Essam Sultan (Twitter)

Essam Sultan, 56 ans, est un avocat et homme politique égyptien. Il est le vice-président du parti al-Wasat fondé par d’anciens membres des Frères musulmans.

Il a été élu député du premier Parlement qui a suivi la révolution. Il fut l’une des personnalités clés du mouvement d’opposition qui a précédé la révolution de 2011 et membre du mouvement Kefaya et de l’association nationale pour le changement.

Sultan s’est opposé à l’éviction de Morsi en 2013 et fut l’une des personnes arrêtées après le coup d’État. Il est détenu à l’isolement dans la célèbre prison d’Aqrab (Scorpion) depuis son arrestation en juillet 2013.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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