Salim Saab, le réalisateur qui rend hommage à la culture hip-hop libanaise
Crise sanitaire oblige, Salim Saab a dû transformer son appartement de Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis) en studio de radio. C’est depuis cet espace de travail improvisé qu’il enregistre chaque semaine « Aswat al-Madina » – les voix de la ville, en français.
Diffusée sur la radio publique française arabophone Monte Carlo Doualiya, l’émission est le rendez-vous hebdomadaire des cultures rap et hip-hop dans le monde arabe.
« C’est vrai que c’est un peu particulier de travailler de chez soi », admet-il à Middle East Eye. « Mais bon, ça me laisse du temps pour bosser sur le prémontage de mon nouveau documentaire. »
Un film autoproduit
Que ce soit dans l’intimité tamisée et calfeutrée d’un studio de radio ou caméra au poing dans les rues de Beyrouth, Salim Saab est un activiste de la culture hip-hop. À son actif, le Franco-Libanais de 38 ans compte déjà deux documentaires, et un troisième est en préparation.
Ses films, l’ancien rappeur, plus célèbre sous l’alias Royal S, les réalise « avec les moyens du bord », sans budget ni le soutien d’une maison de production.
« En 2016, je suis parti au Liban pour rendre visite à ma famille. J’avais un peu de temps sur place, alors j’ai commencé à filmer des potes graffeurs, puis des danseurs. Je me suis rendu à des concerts et à des sessions open mic [scène ouverte] », énumère-t-il.
« Au total, j’ai réalisé une trentaine d’interviews et j’en ai fait un film. »
Beyrouth Street sort en 2017 et offre une immersion de 54 minutes au cœur du hip-hop underground libanais.
S’il reste encore aujourd’hui relativement confidentiel dans ce petit pays du Levant, le hip-hop acquiert une certaine notoriété grâce à des artistes comme Kitaa Beirut, Aks’ser ou DJ Lethal Skillz.
Des rappeurs qui ont petit à petit délaissé le français et l’anglais pour la langue arabe : une façon de se « réapproprier cette culture » selon Salim Saab.
Côté textes, le rap libanais est un rap engagé. Il se rapproche en ce sens de ce qui se fait en Palestine ou en Algérie. Ainsi, on y parle plus volontiers géopolitique du Moyen-Orient que réussite et grosses cylindrées.
« Casser les stéréotypes sur les femmes arabes »
Adepte du système D, le réalisateur s’occupe là aussi seul de la promo et envoie son documentaire « à tous les festivals possibles et imaginables » en France et au Proche-Orient. Et à l’issue de chaque projection, son film donne lieu à un débat.
« Une fois, une dame m’a fait remarquer qu’elle était surprise de voir autant de femmes. Elle m’a demandé si elles avaient le droit de faire ce qu’elles font », rapporte Salim.
« Cette réaction m’a vraiment étonné et m’a poussé à réaliser un autre docu, cette fois sur les femmes street-artists [artistes de rue] dans le monde arabe. »
Salim Saab retourne alors au pays du Cèdre et rencontre graffeuses, breakeuses et autres tatoueuses, avant d’envoyer une équipe rencontrer l’artiste Hanan Kamal, alias Pink In, à Djeddah, en Arabie saoudite. Son deuxième film, Forte, sort en 2018 avec comme objectif de « casser les stéréotypes sur les femmes arabes ».
Très attaché à changer l’image que l’Occident peut avoir de son pays natal, Salim Saab part au Liban pour la troisième fois en trois ans et immortalise d’octobre à janvier la révolte qui gronde de Beyrouth à Tripoli.
« C’était la première fois au Liban que des gens de toutes confessions descendaient dans la rue non pas pour soutenir un parti politique, mais pour soutenir l’idée de justice sociale », s’enthousiasme-t-il.
Ce soulèvement populaire, le réalisateur décide de le capter par la voix des artistes, mais aussi par l’émergence d’une presse indépendante. Ainsi naît son nouveau projet de documentaire, intitulé Le Cèdre d’Octobre, qui devrait durer « entre une heure et demie et deux heures » et que Salim Saab espère dévoiler à l’occasion du premier anniversaire de la révolte, le 17 octobre prochain.
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