Braquage en or : un producteur visé par des « menaces de mort » après avoir critiqué l’influence émiratie sur le film
Un producteur de cinéma affirme avoir reçu des menaces de mort sur fond de querelle avec des responsables émiratis concernant le contenu d’un film sorti au début de l’été.
Rami Jaber, qui a coproduit Braquage en or (The Misfits en VO) et a un rôle dans le film, a déclaré à Al Jazeera que quelqu’un parlant un dialecte arabe du Golfe avait menacé de le tuer tout en l’accusant d’avoir remis des dossiers relatifs au film au réseau qatari, ce qu’il nie.
« Il m’a dit, tu parles de tes maîtres et le prix sera ta vie », rapporte Jaber, en référence à la personne non identifiée qui l’a menacé.
Selon l’acteur et producteur, cette menace fait actuellement l’objet d’une enquête en Belgique, où il vit.
Le film, produit par FilmGate Productions, société basée à Abou Dabi, est considéré par ses nombreux détracteurs comme un exercice de propagande présentant le Qatar comme un parrain du terrorisme.
Il se déroule dans l’État fictif du Jazeeristan, référence à peine voilée au Qatar qui joue sur le nom de son média le plus célèbre, Al Jazeera.
Une émission d’investigation d’Al Jazeera diffusée dimanche, Tip of the Iceberg, révèle que les financiers émiratis ont utilisé leur influence pour s’assurer que le film adopte un angle anti-qatari. D’après elle, les responsables ont contacté les producteurs américains travaillant sur le film pour demander à insérer dans le script le personnage du cheikh Youssef al-Qardaoui, un théologien et universitaire musulman, le décrivant comme le dirigeant des « Frères musulmans » et parrain du terrorisme mondial ».
Rami Jaber a engagé des poursuites contre les autorités émiraties concernant les changements apportés au film et, dans un coup de téléphone diffusé pendant l’émission, on entend le PDG de FilmGate, Mansoor al-Dhaheri, se vanter de pouvoir offrir à Jaber 100 millions de dollars afin de classer l’affaire.
Financement du « terrorisme »
Le film tourne autour du braqueur en cavale Richard Pace, interprété par Pierce Brosnan, qui rejoint une bande de criminels – connus sous le nom de « Misfits » – ayant l’intention de cambrioler une cache d’or dissimulée sous la plus célèbre des prisons du Jazeeristan.
Mais plutôt que de s’enrichir eux-mêmes, le but des voleurs est de faire en sorte que l’argent cesse d’être utilisé par les Jazeeristanais pour financer des organisations terroristes, dont la plus connue de cet univers cinématographique est les Frères musulmans.
« Il s’agit d’empêcher que l’or ne finance le terrorisme », explique un personnage à celui de Brosnan. Ceux qui ont vu le film soulignent que la raison derrière l’altruisme du gang reste inexpliquée.
Les allusions peu subtiles au fait que le Jazeeristan serait une doublure du Qatar ne s’arrêtent pas à son nom : le film fait également des références à ses éléments réels, dont l’hôpital Emadi, et les 4x4 rouges utilisés par la police locale sont semblables à ceux de l’unité Lakhawiya de la police qatarie.
Les Émirats arabes unis, tout comme l’Arabie saoudite, Bahreïn et l’Égypte, ont levé leurs sanctions contre le Qatar en début d’année mais les deux États ont depuis longtemps une relation acrimonieuse.
Les responsables émiratis accusent le Qatar de soutenir les Frères musulmans et d’autres groupes politiques qu’ils ont interdits et classés en tant qu’organisations terroristes. Doha dément les accusations de soutien aux groupes terroristes et aux Frères musulmans et estime que son activisme a été qualifié de terroriste par des États autocratiques dans le cadre des campagnes qu’ils mènent pour réprimer les dissidents politiques.
Box-office et accueil critique
On ne sait pas exactement combien a coûté la production du film mais ses recettes au box-office au moment de la publication s’élevaient à peine à 1,2 million de dollars, dont 434 000 dollars provenant de la vente de tickets aux Émirats arabes unis.
Si le film est disponible à l’achat ou à la location sur la version américaine d’Amazon Prime, il n’est pas encore apparu sur d’autres plateformes de streaming, telles que Netflix ou Hulu.
Les cinémas du Qatar devaient projeter le film mais sa sortie a été annulée début juillet une fois les détails de son intrigue connus.
Actuellement, Braquage en or obtient 20 % de commentaires positifs sur Rotten Tomatoes et 4,1 sur IMDB.
« Les personnages sont fades, les dialogues atroces, l’action médiocre et même le casse est un fiasco ennuyeux », écrit Brian Tallerico dans sa critique pour RogerEbert.com, ajoutant : « Toute la production utilise le cadre d’Abou Dabi d’une façon qui a l’air un peu raciste. »
Sur Twitter, ceux qui ont regardé le film estiment que les efforts déployés pour dépeindre le Qatar de manière négative se font aux dépens de l’histoire.
« [Les] Émirats ont un problème, c’est leur obsession du Qatar », a notamment commenté le chroniqueur qatari Reem al-Harmi.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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