Patrimoine du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord : huit sites que vous devriez connaître
L’histoire culturelle, religieuse et naturelle incroyablement riche du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) s’étend sur plusieurs millénaires et parcourt toute la région.
L’UNESCO, l’agence des Nations unies consacrée à la culture, l’a reconnu en classant au patrimoine mondial des monuments de tous les pays de la région MENA, à l’exception du Koweït. Ces distinctions confèrent aux sites une protection juridique sous la forme d’une convention internationale qui contribue à garantir leur conservation par les autorités locales et gouvernementales.
Certains de ces sites, comme les pyramides de Gizeh en Égypte et la cité nabatéenne de Petra en Jordanie, sont immédiatement reconnaissables et attirent des millions de touristes chaque année. D’autres, moins connus, sont néanmoins d’une importance capitale pour nous aider à comprendre la religion, la science et la culture des civilisations anciennes.
Middle East Eye se penche sur huit sites de la région classés au patrimoine mondial de l’UNESCO que vous devriez connaître.
Shibam, Yémen
Lorsque l’on pense à des gratte-ciels ornant des horizons pittoresques, ce sont des villes comme New York, Dubaï, Hong Kong et Tokyo qui nous viennent à l’esprit. Mais avant toutes ces villes, il y a eu l’ancienne ville fortifiée de Shibam au Yémen.
Construite au XVIe siècle dans l’Hadramaout, le plus grand gouvernorat du Yémen, Shibam est la plus ancienne métropole au monde comportant des constructions verticales. Ses tours en briques de terre crue emblématiques ont été construites à partir du sol fertile qui entourait la ville et s’élèvent jusqu’à huit étages.
Toute la ville a été dotée de systèmes de défense. Entourée de murs fortifiés et érigée au sommet d’un éperon rocheux élevé, elle constituait pour les habitants un point d’observation haut perché qui leur permettait d’identifier les tribus rivales en approche. Les constructions hautes et les ponts reliant les bâtiments offraient également de nombreuses possibilités de fuite en cas d’attaque ennemie.
Shibam est reconnue comme un exemple exceptionnel d’urbanisme, avec sa concentration de grands immeubles qui offre de l’ombre contre la chaleur extrême. L’exploratrice britannique Freya Stark a donné à la ville le surnom de « Manhattan du désert » dans les années 1930.
Elle abrite aujourd’hui 3 000 habitants qui vivent toujours dans les tours en briques de terre crue. Les bâtiments sont vulnérables aux conditions climatiques et à l’érosion ; les couches extérieures d’argile nécessitent un entretien constant pour que les murs ne se fissurent pas et ne s’effondrent pas.
Depuis le début de la guerre civile au Yémen en 2015, la ville est menacée par les bombardements, ce qui a poussé l’UNESCO à l’intégrer à sa liste du patrimoine culturel « en péril ».
Wadi al-Hitan, Égypte
Dans le désert occidental d’Égypte, à 150 km de la capitale Le Caire, se trouve un site paléontologique d’une importance majeure.
Le Wadi al-Hitan (« vallée des baleines ») contient des restes fossiles rares de certaines des plus anciennes formes de baleines préhistoriques. Le site témoigne d’un chapitre crucial de l’évolution des mammifères : la transition des baleines d’un animal terrestre à un mammifère marin.
En 2015, le premier squelette complet au monde d’un Basilosaurus, la première espèce de baleine à vivre entièrement dans la mer, a été découvert sur le site. Des restes fossilisés d’autres créatures marines ont également été retrouvés à l’intérieur de l’estomac de la baleine de 18 mètres de long.
La plupart des fossiles du Wadi al-Hitan datent de plus de 40 millions d’années et montrent des baleines au stade ultime de la perte de leurs membres postérieurs.
La quantité, la concentration, la qualité et l’accessibilité des fossiles de la « vallée des baleines » dépassent tout ce qui existe ailleurs dans le monde, selon l’UNESCO. Pendant des années, le site a été peu fréquenté par les visiteurs en raison de sa situation désertique, mais il a depuis été transformé en musée des fossiles et du changement climatique par les autorités égyptiennes.
Quseir Amra, Jordanie
Le site jordanien de Quseir Amra est l’un des châteaux désertiques les mieux conservés de l’époque du califat omeyyade, le premier empire islamique qui régna sur la région entre 661 et 750.
Probablement construit par le calife al-Walid II, le château était un lieu de plaisance pour les souverains de l’empire, loin de l’agitation de la capitale Damas. Le bâtiment se compose d’une salle de réception et d’un hammam (un complexe balnéaire comprenant des salles de bain tiède et de bain chaud).
L’aspect le plus intéressant du site, qui explique son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO, est formé par ses fresques spectaculaires et surprenantes.
Les vastes fresques couvrant tous les murs et plafonds du complexe représentent d’anciens souverains, des scènes de chasse et même des femmes nues en train de danser. Les peintures s’inspirent d’influences païennes et byzantines et ne tiennent guère compte de l’interdiction islamique de représenter des animaux et des êtres humains. L’UNESCO souligne le caractère unique de ces peintures séculaires représentant les débuts de l’art islamique, qui s’est ensuite caractérisé par des motifs géométriques.
L’une des plus célèbres fresques de Quseir Amra représente six rois vaincus par les Omeyyades – de Perse, Byzance, Espagne, Éthiopie, Chine et Asie centrale. Une autre fresque, réalisée sur le plafond en forme de dôme de la salle de bain chaud, est considérée comme l’une des plus anciennes représentations préservées du paradis sur une surface non plane.
Les peintures murales sont actuellement restaurées par une division du ministère italien du Patrimoine culturel, qui tente de rattraper les couleurs et les détails durablement endommagés au fil des ans.
Méroé, Soudan
Les pyramides les plus célèbres du monde se trouvent sans aucun doute à Gizeh, en Égypte, mais c’est au Soudan que l’on trouve le plus grand nombre de structures anciennes servant de tombeaux aux rois et aux reines.
Plus de 200 pyramides nubiennes ont été construites à l’époque du royaume koushite, qui régna sur certaines parties de l’actuel Soudan et du sud de l’Égypte entre le Xe siècle av. J.-C. et le IVe siècle de notre ère. La plupart des pyramides se trouvent à Méroé, une cité ancienne située à 200 km de Khartoum, qui a servi de capitale koushite pendant plusieurs centaines d’années.
Les plus observateurs remarqueront que le sommet de plusieurs de ces pyramides a disparu : celles-ci furent étêtées par le chasseur de trésors italien Giuseppe Ferlini en 1834, qui pilla et profana les sites dans sa quête impitoyable de bijoux et d’artefacts.
Ce site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2011 englobe tous les vestiges archéologiques de la capitale koushite, notamment des pyramides, des temples, des palais et des colonnes.
Bien qu’elle possède la plus grande concentration de pyramides au monde, Méroé est très peu visitée par les étrangers, notamment en raison du manque d’infrastructures touristiques.
De nombreux Soudanais espèrent que la révolution qui a mis fin aux trois décennies de règne autocratique d’Omar el-Béchir et le retrait ultérieur du Soudan de la liste américaine des États commanditaires du terrorisme entraîneront une augmentation du nombre de visiteurs étrangers dans le pays.
Tassili n’Ajjer, Algérie
Le parc national du Tassili n’Ajjer, vaste plateau situé dans le sud-est de l’Algérie, au cœur du désert du Sahara, abrite l’une des plus importantes collections d’art rupestre préhistorique au monde.
Le site compte 15 000 dessins et gravures qui s’étendent sur dix millénaires et constituent des témoignages illustrés des changements climatiques, des migrations de la faune et de l’évolution de la vie humaine.
Les œuvres témoignent de diverses traditions d’art rupestre, notamment la période des « têtes rondes » (jusqu’à 10 000 ans en arrière), au cours de laquelle les chasseurs-cueilleurs gravaient des représentations souvent liées à des rituels et des cérémonies, et la période plus récente des bovidés (jusqu’à 3 000 ans en arrière), où était décrite la vie quotidienne et sociale.
Le site algérien présente également un intérêt géologique remarquable, avec ses « forêts de rochers » de grès érodé qui forment un paysage lunaire.
Le site a attiré l’attention du monde occidental à la suite des nombreuses visites de l’archéologue français Henri Lhote au milieu du XXe siècle. Plus tard, des anthropologues ont critiqué ses expéditions, l’accusant d’avoir gravement endommagé les œuvres d’art rupestre et de les avoir interprétées d’une manière fortement influencée par la colonisation française en Algérie.
Si le parc national est ouvert au public, il est notoirement difficile pour les étrangers d’obtenir un visa touristique en Algérie.
Vallée de la Qadisha, Liban
Située au Liban, la vallée de la Qadisha est un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO qui revêt une importance à la fois religieuse et environnementale.
La « vallée sainte » est creusée par la Qadisha, un fleuve qui traverse une partie du nord du Liban, dont la ville de Tripoli. Elle abrite certains des plus anciens et des plus importants monastères chrétiens.
Ses grottes monastiques difficiles d’accès remontent à la première phase de l’expansion du christianisme et constituaient des lieux d’isolement et de refuge idéaux pour les fidèles. De nombreux sites sont presque inaccessibles, perchés sur des falaises jusqu’à 150 mètres de hauteur.
La vallée est également réputée pour sa forêt des Cèdres de Dieu, qui contient les derniers vestiges du cèdre du Liban, l’un des matériaux de construction les plus précieux de l’Antiquité, devenu depuis un symbole national du pays.
À la suite de l’exploitation du bois à travers les siècles par les Égyptiens, les Phéniciens, les Ottomans, les Britanniques et plusieurs autres civilisations et empires, les cèdres ne couvrent plus que 17 kilomètres carrés, soit 0,4 % de la superficie historique estimée. Les changements climatiques menacent également l’arbre historique, dans la mesure où la hausse des températures perturbe les conditions climatiques nécessaires à sa croissance.
Bien que la vallée ne figure pas encore dans la liste des sites « en péril », l’UNESCO met en garde contre l’augmentation des établissements humains, des constructions illégales et des flux de visiteurs incontrôlés, qui portent atteinte à l’intégrité du site.
Al-Hijr (Madain Saleh), Arabie saoudite
Le site archéologique d’al-Hijr est devenu en 2008 le premier lieu saoudien classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Il remonte au royaume nabatéen, qui régna sur certaines parties du nord-ouest de l’Arabie du IVe siècle av. J.-C. jusqu’à l’annexion de son territoire par les Romains en 106 de notre ère. Al-Hijr était le plus grand site de la civilisation nabatéenne en dehors de sa capitale Petra, dans l’actuelle Jordanie.
Le site comprend plus d’une centaine de tombeaux monumentaux, dont la plupart comportent des façades minutieusement ornementées, taillées directement dans des rochers de grès.
Al-Hijr est communément appelé Madain Saleh (« cités de Saleh »), en raison d’un récit coranique qui y fait référence.
Selon le Coran, le prophète Saleh fut envoyé au peuple de Thamud, une ancienne tribu polythéiste censée vivre à al-Hijr, pour les détourner de l’idolâtrie. Les Thamoudéens rejetèrent le message du prophète et tuèrent une chamelle envoyée par Dieu, ce qui aurait entraîné leur anéantissement à la suite d’un tremblement de terre.
Le site se trouve dans l’actuelle Arabie saoudite, dans la région d’al-Ula, une vaste zone parsemée de sites archéologiques datant de l’âge du bronze, qui remonte à quatre millénaires.
En 2018, l’Arabie saoudite a signé un accord de plusieurs milliards de dollars avec la France pour développer le plus grand musée en plein air du monde à al-Ula, future pierre angulaire du projet du royaume visant à attirer des millions de touristes chaque année.
Samarra, Irak
Le site archéologique de Samarra, en Irak, offre un aperçu de la vie sous le califat abbasside, le grand empire islamique qui régna sur de vastes étendues d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Asie centrale du VIIIe au XIIIe siècle.
Samarra est reconnue par l’UNESCO comme étant la seule capitale islamique à avoir conservé son plan d’origine, son architecture et son art, notamment ses mosaïques et ses sculptures. Cela s’explique par le fait que la ville a été abandonnée relativement tôt, échappant ainsi aux reconstructions constantes observées dans d’autres capitales comme Bagdad.
La Grande Mosquée de Samarra, édifiée en 851, était la plus grande mosquée du monde à l’époque de sa construction. Son minaret inhabituel et emblématique en spirale de 52 mètres de haut demeure en grande partie intact.
Cette ville historique revêt une grande importance religieuse pour de nombreux musulmans chiites, car elle abrite le sanctuaire al-Askari, mosquée et mausolée où sont enterrés les dixième et onzième imams chiites, qui sont des descendants du prophète Mohammed.
C’est également le site d’où Muhammad al-Mahdi, le douzième et dernier imam chiite, disparut durant la « grande occultation ». Les fidèles croient qu’il reviendra à la fin des temps, avec Jésus, en tant que rédempteur apportant la paix au monde.
Ces derniers temps, Samarra a connu des tensions et des conflits croissants, ce qui a entraîné son inscription dans la liste des sites « en péril » de l’UNESCO.
Pendant la guerre en Irak en 2005, les forces américaines ont été accusées d’avoir mis en danger le célèbre minaret de la ville après l’avoir utilisé pour lancer une attaque de snipers contre des insurgés irakiens.
La mosquée al-Askari a également été bombardée à plusieurs reprises entre 2006 et 2007 et la ville a subi de nouvelles attaques du groupe État islamique en 2014.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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