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Berlin, capitale européenne de la culture arabe

La crise des réfugiés de 2015 a fait de la capitale allemande une plaque tournante pour les communautés arabes et un espace sûr d’expression culturelle
La chanteuse Maryam Saleh se produit au festival AL.Berlin en 2019 (avec l’aimable autorisation de Carmel Alabbasi)
La chanteuse Maryam Saleh se produit au festival AL.Berlin en 2019 (avec l’aimable autorisation de Carmel Alabbasi)
Par Matt Unicomb à BERLIN, Allemagne

Un vendredi après-midi à Berlin, vous trouverez peut-être Fadi Abdelnour en train de rouler une cigarette sous un arbre dans une arrière-cour du quartier de Schöneberg.

Entre deux appels téléphoniques et deux gorgées de thé tiède, il fait signe aux jeunes Syriens et Égyptiens qui traversent la cour pour se rendre dans sa boutique, Khan Aljanub, une librairie arabophone qu’il a ouverte avec deux amis en février 2020.

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Khan Aljanub se situe dans une portion quelconque de la Potsdamer Straße, un axe majeur qui traverse Berlin-Ouest et relie l’historique Potsdamer Platz au Tiergarten, l’un des plus grands parcs d’Allemagne. Malakeh, l’un des restaurants syriens les plus connus de Berlin, se trouve à quelques mètres de là.

Pour accéder à la librairie, les clients sonnent au niveau d’une grande porte en bois bleue avant de pouvoir entrer. Ils passent ensuite par l’entrée arrière du restaurant marocain voisin avant d’être accueillis dans la cour par Fadi Abdelnour ou son collègue Mohammed.

Khan Aljanub renferme 3 500 livres issus des quatre coins du monde arabe, acheminés pour la plupart depuis Beyrouth ou Le Caire, qu’ils soient expédiés par des distributeurs ou remis en main propre par des amis après des voyages à l’étranger. Il y a des ouvrages de philosophie, de sociologie, d’histoire, des classiques et des fictions modernes et expérimentales – autrement dit, tout l’air du temps de la littérature arabe.

Les best-sellers actuels sont Al-Mawt fi Haifa (Mort à Haïfa) de l’auteur palestinien Majd Kayyal, Die Erfindung der deutschen Grammatik (L’invention de la grammaire allemande) de Rasha Abbas et Tareekh Alehat Misr (Histoire des dieux d’Égypte) de Mohammad Rabie, le cofondateur égyptien de la librairie.

« Des fêtes comme au Liban »

Un coin accueille une petite section anglophone et germanophone avec une poignée de traductions d’ouvrages depuis l’arabe. Derrière le comptoir se trouvent une machine à café et un réfrigérateur rempli de bières que Fadi Abdelnour et Mohammad Rabie ouvrent le vendredi soir.

Khan Aljanub s’approvisionne auprès de fournisseurs du Moyen-Orient (MEE/Matt Unicomb)
Khan Aljanub s’approvisionne auprès de fournisseurs du Moyen-Orient (MEE/Matt Unicomb)

Fadi Abdelnour explique que la boutique compte plusieurs centaines de clients et que ce chiffre ne cesse de croître. Environ 30 % sont des visiteurs réguliers qui ont entendu parler de la boutique par le bouche-à-oreille ou qui l’ont découverte sur ses pages exclusivement en arabe sur les réseaux sociaux.

La plupart ne sont pas nés en Allemagne : il s’agit notamment d’Arabes qui se sont réinstallés à Berlin au cours de la dernière décennie, en particulier à partir de 2015. 

Ces arrivées relativement récentes sont à l’origine d’une multiplication tangible des événements arabophones dans tout Berlin. Ce coup de fouet se traduit également par des représentations théâtrales, des soirées poésie, des conférences culturelles et politiques, des fêtes gay, des drag shows, des raves et des festivals de cinéma. 

Cette explosion de l’activité a donné naissance à ce qui est sans doute la scène culturelle arabophone la plus dynamique d’Europe. Cependant, si cette scène est plus animée que jamais, elle n’est que l’aboutissement d’un mouvement vieux de plusieurs décennies, qui prend racine dans des restaurants locaux et des résidences étudiantes auparavant dans l’ombre. 

Si cette scène est plus animée que jamais, elle n’est que l’aboutissement d’un mouvement vieux de plusieurs décennies, qui prend racine dans des restaurants locaux et des résidences étudiantes auparavant dans l’ombre

Les Allemands prennent note de cette tendance. En juillet, Renate Künast, ancienne ministre fédérale issue des Verts, s’est arrêtée dans la librairie Khan Aljanub pour afficher son soutien. Des journalistes locaux sont passés pour interviewer Fadi Abdelnour.

« Lorsque je suis arrivé en 2002, il y avait beaucoup d’activité, mais il n’y avait pas de lieu de rencontre central », raconte à Middle East Eye Fadi Abdelnour, adossé à une chaise de jardin en bois. 

« Il y avait 300 visages et on en retrouvait une cinquantaine un peu partout : rendez-vous politiques, conférences, événements musicaux. Certains organisaient des fêtes comme au Liban, par exemple : des rencontres avec du dabkeh et des discours politiques. Puis il y avait des rassemblements plus intellectuels, comme des conférences. »

Au grand jour

Alors que ces événements étaient autrefois relégués dans des lieux excentriques que les participants trouvaient par l’intermédiaire de leurs amis et de leur famille, comme le bar Al Hamra à Prenzlauer Berg, ils se déroulent désormais au grand jour et bénéficient de financements officiels de plus en plus conséquents de la part d’institutions universitaires et culturelles allemandes.

Le département du Sénat de Berlin pour la Culture et l’Europe et la fondation à but non lucratif Rosa Luxemburg parrainent des festivals de cinéma et des événements musicaux et littéraires arabophones, ainsi que des conférences sur des questions relatives au Moyen-Orient. 

Fadi Abdelnour explique que sa boutique compte plusieurs centaines de clients et que ce chiffre ne cesse de croître (MEE/Matt Unicomb)
Fadi Abdelnour explique que sa boutique compte plusieurs centaines de clients et que ce chiffre ne cesse de croître (MEE/Matt Unicomb)

Cette activité a été analysée dans des thèses, des conférences et des documentaires à Berlin et à l’étranger, notamment par le sociologue australien d’origine égyptienne Amro Ali, dont l’essai de 2019 intitulé On the need to shape the Arab exile body in Berlin a finalement donné un nom à un feu qui couvait depuis des années.

« Les chiffres sont trop importants pour que rien ne se produise », explique Amro Ali par téléphone à MEE. « Les exilés arabes qui vivent ici bénéficient d’un soutien institutionnel plus important que, disons, à Londres ou à New York. Indépendamment de leur programme, de leurs intentions ou des questions de racisme, il est facile d’obtenir un financement. Il y a un gouvernement favorable aux arts et aux sciences sociales. »

Ces mêmes points forts qui attirent depuis des décennies des artistes, musiciens, écrivains et intellectuels internationaux à Berlin – loyers accessibles, ouverture à la créativité – attirent également des dizaines de milliers de personnes en provenance du monde arabe.

« Traditionnellement, La Mecque des Syriens était Paris. Mais maintenant, j’ai l’impression que la jeune génération vient à Berlin » 

- Liwaa Yazji, dramaturge syrienne

Il s’agit notamment de réfugiés initialement envoyés dans d’autres villes allemandes, mais qui, à force de détermination, parviennent à rallier la capitale.

« Traditionnellement, La Mecque des Syriens était Paris », confiait la dramaturge syrienne Liwaa Yazji à Exberliner en début d’année. « Mais maintenant, j’ai l’impression que la jeune génération vient à Berlin. » 

Comme l’a écrit Amro Ali, de nombreux nouveaux arrivants en Allemagne apportent avec eux leur amour de la musique et de la littérature et finissent par créer leurs propres événements ou initiatives. Parmi ces initiatives, on retrouve l’Arabic Music Institute, une école de musique qui enseigne des instruments du Moyen-Orient comme le oud et la darbouka, ainsi que la théorie musicale arabe et le chant choral.

En 2016, un trio d’activistes et de musiciens originaires de Syrie et de Jordanie a également fondé Baynatna, une bibliothèque et un centre culturel en langue arabe.

Il y a aussi AL.Berlin, un bar-café dans le quartier branché de Kreuzberg. Son cofondateur, Muhammad Jabali, est un Palestinien de Haïfa. Il s’est installé à Berlin il y a trois ans, lorsque son épouse a été affectée à une université locale. À son arrivée dans la ville, il a fondé une initiative permettant à des musiciens arabes de se produire dans des concerts.

Une population croissante à satisfaire

En 2019, la première édition du festival de musique AL.Berlin a rassemblé la chanteuse égyptienne Maryam Saleh, le chanteur palestinien Tamer Abu Ghazaleh et le chanteur égyptien Maurice Louca sur la scène du YAAM, un club de plage situé en bord de rivière, plus connu pour son ambiance reggae et hip-hop. AL.Berlin a organisé neuf autres événements au cours de l’année, avec 28 performances qui ont attiré au total 1 800 personnes.

Le collectif a ouvert le bar AL.Berlin en février 2020, quelques semaines avant les premières mesures de confinement liées au COVID-19, qui ont entraîné la fermeture de tous les espaces culturels en Allemagne (la plupart des gens du milieu se souviendront à jamais de ce triste 14 mars).

Malgré les pertes financières, le collectif est parvenu à rester à flot et accueillera la deuxième édition du festival AL.Berlin depuis le 2 novembre.

Aujourd’hui, alors que la scène culturelle de Berlin revient à la normale, AL.Berlin gère un café-bar qui devient parfois une sorte de club, comme lors de ses soirées de pop arabe organisées un vendredi soir par mois.

Un samedi soir typique, les employés échangent des anecdotes sur la fête de la veille, qui s’est prolongée bien au-delà de minuit, tandis que la salle se remplit lentement de clients parlant un mélange d’allemand, d’anglais et d’arabe. Les clients, dont beaucoup ont à peine 20 ans, d’autres la quarantaine bien tassée, commandent des bières, des Aperol spritz et parfois de l’arak, un spiritueux levantin, tandis que la file d’attente au bar ne cesse de s’allonger. 

Au bar AL.Berlin, des jeunes Syriens côtoient des Tunisiens, des Égyptiens rencontrent des Palestiniens – un véritable Mischung, comme le disent les Allemands.

Avec une capacité d’environ 70 personnes, AL.Berlin est vite rempli. L’ambiance musicale est profonde et groovy, un mélange de jazz et de broken beats, diffusé depuis une cabine de DJ en bois dans le coin de la salle par DJ Ioana, une cliente de longue date invitée à présenter son premier set ici à l’occasion de la visite de MEE.

Le lendemain soir, un stand de restauration éphémère sur le thème de la Tunisie est proposé avec des briks – des chaussons farcis et frits – servis par un cuisinier, tandis qu’un DJ se produit dans la cour. 

Des fêtards participent à une soirée club à AL.Berlin (MEE/Matt Unicomb)
Des fêtards participent à une soirée club à AL.Berlin (MEE/Matt Unicomb)

Le dimanche, avant la pandémie, des cours d’arabe étaient même proposés aux enfants, principalement ceux des fondateurs et leurs amis. « L’un des seuls cours d’arabe laïcs pour enfants à Berlin », confie Muhammad Jabali en esquissant un sourire, recroquevillé sous un parapluie à l’extérieur du bar.

Avec ses cheveux longs et sa moustache épaisse, il est facile de l’imaginer derrière les platines. Également auteur de livres pour enfants, il a organisé des fêtes pendant plusieurs années à Haïfa. Tout comme le libraire Fadi Abdelnour, il est convaincu que son bar n’est que le prolongement de fondations établies il y a des années et affirme que des villes comme Bruxelles et Amsterdam connaissent également un essor des événements arabophones.

« Il y a tout simplement plus d’Arabes à Berlin aujourd’hui, donc c’est plus vaste et plus perceptible », indique-t-il. « C’est élitiste de dire que ce que nous faisons est nouveau et que ce qui se passait avant n’avait rien de culturel. »

Au moins 40 000 Berlinois ont la nationalité syrienne

Pourtant, pendant des années, ces événements ainsi que la langue arabe ont été cachés à la vue du public et se cantonnaient principalement au secteur de Sonnenallee, une rue célèbre pour son identité arabe.

Mirvat Adwan, cofondatrice avec un compatriote syrien de Kalamon, la première école d’arabe privée de Berlin, a été témoin de ce changement. Berlinoise depuis 2007, elle a vu la population arabophone de la ville exploser, en particulier depuis 2015.

« Par le passé, l’arabe était généralement réservé aux mosquées et aux communautés religieuses » , indique-t-elle. « Les autorités n’ont pas essayé de faire grand-chose pour la communauté arabe ici, c’est pourquoi les arabophones ont commencé à organiser des événements eux-mêmes. » 

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Même si les autorités berlinoises ne publient pas de statistiques linguistiques détaillées, le nombre d’arabophones pourrait être supérieur à 150 000. Au moins 40 000 Berlinois ont la nationalité syrienne, ce qui les place en troisième position derrière les Turcs et les Polonais.

Parmi eux figurent certains des plus d’un million de réfugiés principalement originaires de Syrie qui ont demandé l’asile en Allemagne rien qu’en 2015. Ce que l’on sait moins, c’est que 80 000 de ces personnes sont arrivées en Allemagne entre 2011 et 2014 et que beaucoup se sont réinstallées à Berlin. Au cours de ces années, le gouvernement allemand recherchait des personnes qu’il jugeait persécutées, notamment de nombreux écrivains, journalistes et artistes. 

Des activistes arabes de premier plan comme le Saoudien Ali Adubisi, la Syrienne Wafa Mustafa, le Syrien Anwar al-Bunni ainsi que d’innombrables Palestiniens et Égyptiens se sont installés à Berlin. 

« Je ne glorifierais pas Berlin comme un refuge », concède Marwa Fatafta par téléphone depuis Hambourg.

Cette journaliste et activiste palestinienne s’est installée dans la ville portuaire allemande il y a quelques mois après avoir vécu sept ans à Berlin.

Actuellement responsable des politiques pour la région MENA au sein de l’organisation à but non lucratif Access Now, qui s’intéresse aux droits numériques, elle est arrivée dans la capitale allemande en provenance de Ramallah pendant la guerre de Gaza de 2014.

Elle est devenue depuis lors une conférencière et une commentatrice en ligne renommée. Toutefois, même à Berlin, une ville que l’on pourrait qualifier de capitale européenne de la culture arabe, il y a des limites. 

« Il est très difficile de trouver un espace sûr pour discuter publiquement des questions qui affectent notre présent et notre avenir », explique-t-elle. «  Qu’il s’agisse d’Israël ou de la vie de migrants arabes dans un climat de racisme et d’islamophobie en Allemagne. Il y a souvent des perturbations, comme des pressions exercées sur les organisateurs pour qu’ils réduisent des financements ou annulent des interventions. »

« Il est très difficile de trouver un espace sûr pour discuter publiquement des questions qui affectent notre présent et notre avenir »

- Marwa Fatafta, responsable des politiques pour la région MENA pour Access Now

Il est également impossible d’ouvrir une librairie sans voir ses opinions politiques être remises en question, comme l’a découvert Fadi Abdelnour lorsqu’un journaliste l’a interrogé au sujet de la position reflétée par ses livres sur la question israélo-palestinienne.

Ces limites ne s’appliquent pas seulement aux livres et aux conférences politiques sur le Moyen-Orient. Même des organisations artistiques bien intentionnées ont tendance à avoir une vision creuse des films du monde arabe à présenter, par exemple, puisque la priorité va souvent à ceux qui correspondent à une vision eurocentrique de la région, en particulier sur des sujets comme la guerre et l’oppression des femmes.

Pendant plusieurs années, Fadi Abdelnour a participé à l’organisation d’ALFILM, un festival du cinéma arabe qui se tient chaque année depuis 2009. ALFILM a tenu sa 12édition en ligne en avril et organisé plusieurs projections estivales du film palestinien 200 mètres et du long-métrage tunisien L’Homme qui a vendu sa peau dans des cinémas en plein air.

Fadi Abdelnour, qui s’est retiré de l’organisation mais continue de concevoir les flyers du festival, a lancé ALFILM avec des amis afin d’arracher le discours aux conservateurs et organisations eurocentriques. 

« À l’époque, de nombreux contenus étaient très orientalistes ou concentrés sur le réalisme social », explique-t-il. « Ils ne voulaient pas voir, par exemple, une histoire d’amour égyptienne, car pour eux, ce n’est pas authentique. L’absence de cette diversité est ce qui nous a poussés à lancer notre propre festival. »

« Nous sommes ici chez nous »

Là où ALFILM est tourné vers l’extérieur et projette des films en langue arabe sous-titrés en anglais ou en allemand, la librairie Khan Aljanub ne suit pas ce schéma. Toute la communication en ligne est en arabe et les visiteurs voient très peu de livres en allemand ou en anglais une fois à l’intérieur. Les non-arabophones ne trouveront pas grand-chose dans la librairie, ce qui témoigne de l’ampleur de la clientèle potentielle de la boutique.

Jusqu’à présent, il s’avère difficile d’attirer l’ancienne communauté arabe de Berlin, principalement libanaise et palestinienne, qui fait partie du tissu social de la ville depuis des décennies.

Selon Fadi Abdelnour, cela s’explique par plusieurs raisons, notamment le fait que ces arabophones et leurs enfants parlent probablement très bien l’allemand et ne recherchent généralement pas de livres en arabe. Et s’ils s’intéressent à la littérature arabe, il n’est probablement pas question de la littérature contemporaine vendue dans sa boutique. 

« La plupart des livres n’intéressent pas les personnes qui vivent ici depuis des décennies », explique-t-il. « Ils demandent des livres qui ne sont plus édités depuis 50 ans. » 

Le festival AL.Berlin, en 2019 (avec l’aimable autorisation de Carmel Alabbasi)
Le festival AL.Berlin, en 2019 (avec l’aimable autorisation de Carmel Alabbasi)

Cette période, dans une ville pleine de nouveaux arrivants apportant avec eux les questions, la musique et le discours qui déferlent sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, ne durera pas éternellement. Dans cinq, dix ou vingt ans, les enfants de ces activistes, écrivains, musiciens et universitaires installés à Berlin parleront couramment l’allemand et seront peut-être plus intéressés par le hip-hop ou la techno que par les nouveautés en matière de musique dansante égyptienne.

Le sociologue Amro Ali y voit une raison de plus pour s’enraciner durablement. « Les activités du moment ont tendance à être très éphémères », explique-t-il à MEE. « J’aime les expositions d’art et les conférences, mais elles ne font que passer. Nous avons besoin d’espaces physiques, de points d’appui. Et si vous voulez faire partie de ce mouvement, il faut venir à Berlin. »

Dans les années à venir, à mesure que la scène culturelle arabophone se développera, son influence gagnera encore davantage la vie courante allemande, que ce soit par la reconnaissance progressive des films et de la musique arabes ou à travers les questions politiques plus profondes abordées lors des conférences et tables rondes de plus en plus nombreuses organisées chaque année. La librairie Khan Aljanub publiera bientôt un livre trop politique pour sortir dans le pays d’origine de son auteur, l’Égypte.

De nombreux élèves de l’école d’arabe Kalamon sont des Allemands sans aucun lien avec le monde arabe. Et comme la clientèle de Khan Aljanub, leur nombre ne cesse de croître.

La professeure d’arabe Mirvat Adwan constate que l’État reconnaît de plus en plus sa culture, comme en témoigne le nombre croissant d’écoles élémentaires proposant des cours d’arabe aux jeunes élèves, qui sont désormais au nombre de douze dans toute la ville.

Mirvat Adwan dirige la première école privée laïque d’arabe de Berlin (avec l’aimable autorisation de Kalamon)
Mirvat Adwan dirige la première école privée laïque d’arabe de Berlin (avec l’aimable autorisation de Kalamon)

« Si les enfants l’apprennent pendant dix ans, leur arabe devrait être assez bon », estime-t-elle. « Ce mouvement va se poursuivre. Il ne s’arrêtera pas. »

Marwa Fatafta, l’activiste palestinienne des droits numériques, se rend encore souvent à Berlin et, malgré les limites, apprécie la façon dont la communauté arabe et la scène culturelle de la ville se sont développées. « Vous ne voyez pas cela ailleurs en Allemagne », affirme-t-elle. « C’est réel et c’est organisé par des gens de la région, pas par de grandes institutions. »

De la musique électronique aux arts visuels, Berlin est à la pointe de la culture moderne depuis des décennies. Les musiciens, gérants de clubs, lecteurs, écrivains et activistes du monde arabe qui s’installent ici font en sorte que cette tendance s’étende à leur propre coin de la ville.

Au fil du temps, d’autres librairies, d’autres écoles de musique et de langue ouvriront leurs portes et étaieront une scène qui existe sous une forme ou une autre depuis l’arrivée de la première vague de Palestiniens à Berlin dans les années 1970.  

« Je n’ai pas le luxe de pouvoir prendre mon passeport et partir aux États-Unis ou au Royaume-Uni », explique Marwa Fatafta. « Si vous êtes ici, vous devez faire en sorte que ça marche. Nous sommes ici chez nous. Cela peut être pénible, mais nous pouvons peut-être faire évoluer positivement les choses. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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