Rania de Jordanie, reine et influenceuse controversée
Assise à la terrasse d’un café ou en train de faire la cuisine, en compagnie de Jill Biden (la femme de Joe Biden) ou de Moza bint Nasser al-Missned (la mère de l’émir du Qatar), au milieu d’enfants ou de femmes voilées… Avant d’être celui d’une reine, le fil Instagram de Rania de Jordanie pourrait être celui… d’une influenceuse.
Les clichés aux lumières flatteuses et les tenues apprêtées de la souveraine ne sont toutefois pas du goût des Jordaniens, selon une enquête, « La reine des Sables », parue le 17 octobre dans l’hebdomadaire français L’Obs.
Il faut dire que la situation économique et sociale compliquée, aggravée par la pandémie, dans laquelle vit la population jordanienne – touchée par un taux de presque 30 % de chômage, elle compte un million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté – s’accommode mal de la médiatisation du luxueux train de vie de la reine et de la famille royale en particulier.
Car début octobre, les Pandora Papers ont révélé que son mari, le roi Abdallah, avait secrètement dépensé, après le Printemps arabe, plus d’une centaine de millions de dollars en immobilier au Royaume-Uni et aux États-Unis, via des sociétés offshores enregistrées aux îles Vierges britanniques.
« Marie-Antoinette »
Ce que les Jordaniens reprochent à leur reine ? Des dépenses vestimentaires « excessives » qui lui ont valu le surnom de « reine aux sacs à main » ou de « Marie-Antoinette aux tenues hors de prix », précise le magazine.
Ce n’est pas nouveau : en 2017, alors que Rania était accusée d’avoir dépensé plus de 267 millions d’euros pour sa garde-robe, le Palais justifiait ses achats en disant que ses vêtements avait parfois été prêtés et, surtout, qu’ils permettaient de faire connaître les couturiers jordaniens à l’étranger.
En 2010, la reine avait réuni 600 personnes pour ses 40 ans, lors d’une fête au faste tapageur à Wadi Rum, alors que la région souffrait d’un manque d’eau et que la plupart des villages alentour n’étaient pas reliés à l’électricité.
Certains vont jusqu’à l’appeler « l’étrangère », en raison de ses origines palestiniennes – son père, médecin, est originaire de Tulkarem – et de sa présumée implication dans les décisions de son époux.
Elle ne serait, selon L’Obs, pas étrangère à l’éviction du prince Hamza ben Hussein, 41 ans, ancien prince héritier et demi-frère du roi Abdallah II de Jordanie, qui, en avril, a été « assigné à résidence » dans son palais d’Amman : « Rania de Jordanie aurait souhaité s’assurer que son fils, le prince Hussein, monte sur le trône, et non le prince Hamza, nommé prince héritier lors de l’accession de son demi-frère Abdallah au trône. »
Seulement voilà, avec 6,4 millions d’abonnés sur Instagram, Rania est aujourd’hui considérée comme une des femmes les plus influentes au monde.
Le magazine Forbes la classe à la 53e position dans son top 100 des femmes les plus puissantes et le Dubai Press Club l’a sacrée « influenceuse de l’année 2018 », elle qui compte plus de 10 millions de « followers » sur Twitter.
« C’est vrai qu’elle joue le rôle de VRP à l’étranger. Dès qu’elle fait un voyage un peu officiel en Occident, Paris Match et les autres journaux de la presse people anglo-saxonne la mettent en couverture », expliquait à Middle East Eye en 2019 un chercheur basé à Amman sous le couvert de l’anonymat.
La reine doit aussi sa notoriété, selon Forbes, à « son engagement philanthropique » : présidente mondiale de l’Initiative des Nations unies pour l’éducation des filles (UNGEI), elle est aussi à la tête d’une fondation, la Jordan River Foundation, qu’elle a créée en 1995 pour promouvoir la sécurité des enfants, l’égalités des chances et une croissance soutenable.
Son influence est telle qu’elle aurait milité, en privé, auprès de hauts fonctionnaires du Sénat américain pour « contrer l’influence de l’Iran », selon des documents relayés par Wikileaks.
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