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L’offensive de charme saoudienne : Mohammed ben Salmane change-t-il réellement de cap ?

Les politiques régionales malavisées menées par le prince héritier ces dernières années ont gravement nui à la position de Riyad, qui compte désormais plus d’ennemis que d’amis
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Abou Dabi, le 7 décembre 2021 (AFP)
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Abou Dabi, le 7 décembre 2021 (AFP)

Les six premiers mois de 2021 ont plombé le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane (MBS) et son offensive de charme, après une série de bévues commises au cours des six dernières années sur le terrain de la politique étrangère.

Alors que 2021 a désormais tiré sa révérence, le prince héritier semble déterminé à inverser la tendance et à adopter un ton conciliant, par le biais de plusieurs initiatives régionales déjà lancées.

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Mais certaines de ses décisions malavisées prises par le passé pourraient encore entraver sa capacité à convaincre ses voisins qu’il est désormais un homme de paix, plutôt que ce jeune dirigeant turbulent qui a contrarié de nombreux alliés régionaux potentiels au cours de ses premières années au pouvoir.

Sa dernière volte-face stratégique en date pourrait toutefois manquer de crédibilité.

L’organisation de festivals internationaux de cinéma sur les rives de la mer Rouge ou d’un Grand Prix de Formule 1 pourraient peiner à éclipser les épais nuages noirs qui planent sur son leadership politique dans la région du Golfe depuis qu’il est devenu le visage de l’Arabie saoudite en 2017. 

Depuis début 2021, MBS a adopté une nouvelle stratégie dans le but de recueillir du soutien dans son arrière-cour, en mettant fin tout d’abord au boycott du Qatar, avant de tendre la main à d’autres États mis à l’écart du Conseil de coopération du Golfe (CCG).

Sa récente tournée des États du CCG a commencé par Oman, que les médias saoudiens ont précédemment accusé de servir de couloir pour la contrebande d’armes vers le Yémen, où elles ont fini entre les mains d’Ansar Allah (les Houthis), son ennemi juré yéménite depuis 2015.

Oman n’est pas un allié docile

Même si le nouveau dirigeant omanais, successeur du défunt sultan Qabous, peut ressentir des pressions économiques qui le poussent à dérouler le tapis rouge au prince héritier saoudien, il se trouve qu’historiquement, Oman n’est pas un allié docile.

Sa politique étrangère s’est toujours écartée de l’approche binaire saoudienne, qui considère comme des ennemis les pays qui ne se soumettent pas totalement aux caprices de Riyad.

Si l’émir du Qatar semble avoir pardonné à MBS, il n’aura peut-être jamais l’assurance absolue qu’aucune nouvelle crise du CCG n’éclatera tant que MBS restera au pouvoir

Le Qatar a peut-être pardonné à MBS le régime de sanctions draconien et sans précédent qu’il a imposé au pays. L’émirat a survécu à ces années de blocus grâce à sa richesse et au soutien de son allié américain et d’autres pays de la région.

Il a récemment joué un rôle central dans la résolution du marasme engendré par les États-Unis en Afghanistan, en contribuant à faire le lien avec les Talibans et à évacuer des milliers d’Afghans en fuite qui avaient travaillé pour la puissance occupante pendant deux décennies.

Le prince héritier saoudien a regardé le Qatar aider les États-Unis à échapper à d’autres humiliations et turbulences au cours de leur retrait. Il a dû être tourmenté par un sentiment de jalousie, qui l’a amené à une conclusion : s’il ne peut pas les battre, mieux vaut les rejoindre.

Le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, émir du Qatar, rencontre le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, le 9 décembre 2021 à Doha (Qatar News Agency/AFP)
Le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, émir du Qatar, rencontre le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, le 9 décembre 2021 à Doha (Qatar News Agency/AFP)

Si l’émir du Qatar semble avoir pardonné à MBS après lui avoir donné l’accolade en grande pompe, il n’aura peut-être jamais l’assurance absolue qu’aucune nouvelle crise du CCG n’éclatera tant que MBS restera au pouvoir. 

En dehors de la région du Golfe, sous la pression des États-Unis, MBS a imploré les Irakiens de faciliter ses pourparlers avec l’Iran, mais les négociations sont restées au point mort, même si les relations commerciales ont repris entre l’Iran et l’Arabie saoudite après leur suspension en 2020. Il pourrait s’avérer impossible de parvenir à un pacte de non-agression avec l’Iran sans un nouvel accord international abordant le programme nucléaire iranien.

Des pressions économiques

La reprise des échanges commerciaux entre l’Arabie saoudite et l’Iran n’est pas de nature à apaiser une relation troublée face à laquelle se dressent de nombreux obstacles.

Le récent boycott du Liban par l’Arabie saoudite à la suite de critiques formulées par un ministre à l’égard de la guerre au Yémen, ainsi que la position saoudienne vis-à-vis du Hezbollah, compliqueront la pacification des relations avec l’Iran, qui exerce une forte influence au Liban, au lieu de la faciliter.  

La main tendue à la Turquie et l’entreprise de séduction visant le président Recep Tayyip Erdoğan, également confronté à d’énormes pressions économiques à la suite de l’effondrement de la livre turque, peuvent sembler judicieuses – mais la Turquie subira toujours des pressions internes pour traduire en justice les coupables de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.

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Le pays sera disposé à utiliser ce crime odieux comme monnaie d’échange avec le prince héritier, surtout si ce dernier vient à lancer une nouvelle campagne contre Erdoğan.

Il est peu probable que la Turquie finisse par intégrer une « alliance sunnite » régionale contre l’Iran, si jamais MBS nourrit une idée aussi absurde.

La Turquie entretient des relations stables avec l’Iran, tandis que la question kurde qu’ils partagent des deux côtés de leur frontière commune sera toujours un critère important en vue de tout engagement ou désengagement. La Turquie demeure par ailleurs dépendante du pétrole importé de ses pays voisins, principalement l’Irak et l’Iran.   

Bourbier yéménite

Enfin, la guerre qui continue de sévir au Yémen restera probablement un bourbier qui aspirera les ressources saoudiennes et ne cessera d’isoler Riyad sur le plan diplomatique. Même si une paix est conclue, il faudra des décennies pour que les blessures au Yémen se referment, si jamais elles se referment un jour.

L’Arabie saoudite devra donc composer avec un ennemi blessé à sa frontière méridionale. Il faudra plus qu’un cessez-le-feu durable et un traité de paix pour que le prince puisse chasser les fantômes du Yémen

L’Arabie saoudite devra donc composer avec un ennemi blessé à sa frontière méridionale. Il faudra plus qu’un cessez-le-feu durable et un traité de paix pour que le prince puisse chasser les fantômes du Yémen. 

La récente volte-face diplomatique de l’Arabie saoudite n’est peut-être pas vraiment le signe d’un changement de politique. Les positions régionales extrêmes adoptées par MBS au cours des six dernières années ont gravement nui à la posture régionale de l’Arabie saoudite, qui compte désormais plus d’ennemis que d’amis.

L’offensive de charme lancée l’an dernier pourrait encore une fois être une course de Formule 1 qui rapporte des trophées, mais ne provoque aucun impact durable pour la région du Golfe et l’Arabie saoudite – une course à suspense susceptible de déraper à tout moment.

Madawi al-Rasheed est professeure invitée à l’Institut du Moyen-Orient de la London School of Economics. Elle a beaucoup écrit sur la péninsule arabique, les migrations arabes, la mondialisation, le transnationalisme religieux et les questions de genre. Vous pouvez la suivre sur Twitter : @MadawiDr

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Madawi al-Rasheed is visiting professor at the Middle East Institute of the London School of Economics. She has written extensively on the Arabian Peninsula, Arab migration, globalisation, religious transnationalism and gender issues. You can follow her on Twitter: @MadawiDr
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