150 appels en 48 heures : les médiateurs internationaux pressent le Hamas d’éviter une guerre avec Israël
Le mouvement palestinien Hamas a été contacté 150 fois en 48 heures, alors que les médiateurs tentent sans relâche d’éviter une guerre dans la bande de Gaza après les violents raids israéliens répétés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Une source proche du Hamas, qui administre Gaza, confie à Middle East Eye que les États-Unis, qui ne sont généralement pas impliqués dans la médiation, ont approché indirectement le mouvement dans le but de maintenir le calme sur le front gazaoui.
Plus de deux millions de Palestiniens sont entassés à Gaza, une zone d’une superficie de 365 km². Les Palestiniens de Gaza survivent sous blocus militaire et économique israélien depuis 2006, la bande de Gaza étant même qualifiée de « plus grande prison à ciel ouvert au monde ».
Un contexte bouillonnant
Lundi, un missile a été tiré depuis Gaza en Israël. Israël a réagi quelques heures plus tard par des frappes aériennes visant des sites du Hamas. Cet incident a fait craindre l’effondrement de la médiation, qui a jusqu’à présent réussi à préserver l’enclave de tout engagement direct malgré les tensions accrues ailleurs.
Au cours du mois écoulé, les forces israéliennes ont tué au moins 16 Palestiniens dans divers raids militaires en Cisjordanie occupée, tandis que 14 personnes ont été tuées en Israël dans quatre attaques perpétrées par des loups solitaires palestiniens.
Les tensions culminent cette semaine alors que les forces israéliennes continuent à agresser des fidèles à la mosquée al-Aqsa à Jérusalem et à les chasser quotidiennement du complexe pour permettre à des juifs de visiter ce lieu saint.
« Cette fois, le coût de la guerre sera très élevé. Par conséquent, chaque camp tente de retarder cette confrontation »
- Thabet al-Amour, analyste
Selon les sources et analyses politiques au fait du sujet, le Hamas ne veut pas d’une nouvelle guerre et se contente d’une escalade rhétorique en proférant des menaces, une posture que démontre sa communication rapide avec l’Égypte pour affirmer qu’il n’avait pas lancé le missile.
Selon des sources, le Hamas tente d’endiguer les activités de son allié le Jihad islamique palestinien en « durcissant le ton » et en le mettant en garde contre toute escalade unilatérale à la suite des menaces proférées contre Israël par Ziad al-Nakhala, son secrétaire-général, qui vit à Beyrouth. Les efforts du Hamas semblent avoir payé, ont ajouté les sources, car le Jihad islamique a fait preuve jusqu’à présent d’une certaine retenue.
Lors des discussions avec les médiateurs égyptiens, le Jihad islamique a nié toute responsabilité en ce qui concerne le missile tiré depuis Gaza et a confirmé s’en tenir aux décisions prises par la « salle d’opérations conjointes », composée de toutes les factions armées de Gaza.
Une source proche du Jihad islamique a révélé à MEE que le groupe avait tiré les leçons de l’époque où le Hamas l’avait laissé seul gérer l’assassinat par Israël de son commandant militaire Baha Abu al-Atta, il y a deux ans, une expérience qualifiée de difficile.
Aujourd’hui, a ajouté la source, le Jihad islamique a réalisé que toute guerre avec Israël doit être menée avec la participation totale du Hamas et faire suite à une décision prise par la salle d’opérations conjointes.
Selon les sources de MEE, ces derniers jours, le Hamas a arrêté des membres du Jihad islamique ayant tenté de tirer des obus en direction d’Israël depuis la bande de Gaza au motif qu’ils agissaient à titre individuel sans coordination avec leurs dirigeants et a confisqué leur équipement militaire.
Médiation américaine
Depuis le début des violences à Jérusalem, qui ont vu les forces israéliennes faire cinq fois irruption sur le site de l’esplanade des Mosquées en l’espace de quelques jours, le Hamas a émergé comme un acteur majeur et les médiateurs arabes et étrangers ont cherché à contacter le mouvement.
« Le Hamas est devenu l’acteur clé des mouvements politiques et l’épine dorsale de la résistance », a déclaré Zaher Jabarin, membre de son bureau politique qui réside à l’étranger.
Le journaliste politique Mustafa Ibrahim indique à MEE qu’Israël évoque une médiation américaine indirecte avec le Hamas parce que Washington ne veut pas d’une guerre qui détournerait l’attention de la celle en Ukraine. Les pays européens communiquent eux aussi directement avec le Hamas dans le même but, ajoute-t-il.
Cette information est cohérente avec ce qui a été signalé dans les médias israéliens à propos de l’implication des États-Unis et de la Turquie dans le « canal de médiation » entre le Hamas et Israël.
Mustafa Ibrahim explique qu’à la suite de la reprise des relations de la Turquie avec Israël, Ankara a fait des efforts pendant quelques temps et exprimé sa volonté de servir d’intermédiaire concernant un accord d’échange de prisonniers avec le Hamas, si cela peut mener à un calme durable.
Une source palestinienne proche du Hamas a néanmoins indiqué qu’Israël avait lancé une requête pour l’intervention de ces médiateurs et transmis des messages indirects au Hamas affirmant qu’il ne voulait pas d’une nouvelle confrontation militaire avec Gaza.
Si Israël a souligné sa volonté de maintenir le calme sur le front de Gaza, nuance Ibrahim, il a aussi menacé d’une réaction militaire sans précédent en cas d’attaque des factions palestiniennes à Gaza.
Via les « négociations indirectes » entre le Hamas et Israël menées par différents médiateurs, les deux camps ont montré leur réticence à mener une nouvelle guerre, du moins pour l’instant.
Selon Jabarin, les messages du Hamas à Israël sont clairs à propos de la nécessité de « restreindre » Israël et de stopper ses attaques à Jérusalem occupée et dans les villes occupées de Cisjordanie.
Une guerre coûteuse
Le Hamas a indiqué aux médiateurs ce que Jabarin appelle les « limites à ne pas franchir », c’est-à-dire ce que le Hamas et les autres factions de Gaza ne peuvent tolérer, notamment toute agression israélienne, surtout en ce qui concerne la mosquée al-Aqsa et les assassinats en Cisjordanie.
Selon Jabarin, les efforts des médiateurs se concentrent sur la recherche de solutions pour empêcher une guerre à Gaza, qui a été dévastée par l’offensive militaire israélienne de mai dernier, laquelle a tué 256 Palestiniens.
« Nous avons de nombreux moyens de pression sur l’occupation [Israël] et lancer une nouvelle guerre sur le front de Gaza est l’une des options si nécessaire », assure ce membre du Hamas.
Une source fiable à Gaza indique à MEE que les factions, sous la direction du Hamas, tentent de tenir l’enclave à l’écart d’une importante confrontation avec Israël à ce stade. Elles se contentent d’encourager les actions individuelles contre des cibles israéliennes ailleurs, c’est-à-dire en Cisjordanie.
Le journaliste et analyste politique Thabet al-Amour est persuadé que ni Israël, ni les factions armées à Gaza ne veulent se lancer dans une guerre pour l’instant et que les chances qu’un conflit éclate sont minces à moins que des événements sans précédent ne se produisent sur le terrain.
« Cette fois, le coût de la guerre sera très élevé », prévient-il.
« Par conséquent, chaque camp tente de retarder cette confrontation, pour s’organiser : Gaza souffre toujours du fléau et des effets de la guerre de mai dernier et des répercussions de seize années de siège. De son côté, la coalition au pouvoir en Israël est confrontée à de nombreux obstacles et crises externes comme internes. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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