Jordanie : la communauté soufie de l’Américain Nuh Ha Mim Keller accusée de maltraitance infantile
Un ordre religieux fondé par un érudit soufi américain lié à un prince jordanien de haut rang est accusé d’avoir pratiqué des actes de maltraitance et des châtiments physiques contre des enfants.
Middle East Eye s’est entretenu avec des dizaines d’anciens adhérents de l’ordre soufi de Nuh Ha Mim Keller qui affirment avoir quitté la communauté, établie dans la capitale jordanienne Amman, en raison de leurs inquiétudes quant au traitement des enfants et de leur frustration face à la gestion de leurs plaintes.
Selon eux, des enfants âgés d’à peine 2 ans étaient soumis à un système draconien de châtiments corporels administrés par des membres de haut rang de la communauté, dont l’épouse de Keller, Besa Krasniqi, dans la zaouïa, le séminaire au cœur de la communauté, ainsi que par les enseignants responsables d’une école destinée aux enfants du groupe.
« J’ai vu beaucoup de signaux d’alarme dès le début, mais je les ai ignorés parce que je me suis dit que l’Occident m’avait lavé le cerveau et que je ne savais pas »
– Sinan, ancienne membre de l’ordre de Nuh Ha Mim Keller
Rien n’indique que Keller était lui-même impliqué dans les coups ou les châtiments infligés aux enfants. Néanmoins, un document et des enregistrements consultés par MEE qui établissent les règles pour les membres de l’ordre de Keller le décrivent comme l’amir (« chef ») et indiquent que Besa Krasniqi, une ressortissante néo-zélandaise d’origine albanaise et communément appelée Umm Sahl, est responsable des « mesures disciplinaires » au sein de la communauté.
Keller a ordonné la fermeture de l’école de la communauté après qu’une enquête menée par son adjoint, Ashraf Muneeb, a révélé que les plaintes pour actes de maltraitance étaient crédibles. Mais il a continué de défendre l’école et ses pratiques disciplinaires, la jugeant « bonne à 99 % ».
« Les enfants se sentent piégés et [les dirigeants de la communauté] y sont parvenus par la domination physique et en montrant qu’une mère ne pouvait pas protéger son enfant de 2 ans, en les frappant, en les terrorisant », raconte Faridah, ancienne membre du groupe de Keller.
Ni Keller, ni Krasniqi n’ont répondu aux demandes de commentaires formulées par MEE avant la publication de cet article. Cependant, un membre haut placé de la communauté souhaitant rester anonyme qualifie ces allégations de « demi-vérités » qu’il juge « partiales ».
Selon ce membre, les allégations d’actes de maltraitance s’inscrivent dans le cadre d’une campagne diffamatoire menée par des personnes qui ont quitté la communauté, alors que l’atmosphère au sein de celle-ci serait « chaleureuse et bienveillante ».
De nombreux adeptes ont pris la décision de quitter la zaouïa fin 2019 après que Keller a minimisé l’importance d’une enquête qu’il avait ordonnée à propos de Futuwwa, l’école de la communauté, qui a conclu que les enfants avaient été victimes d’actes de maltraitance. Keller a ordonné la fermeture de l’école à la suite de cette enquête.
D’anciens adeptes, ou mourides, affirment que la communauté, qui comptait autrefois au moins 60 familles, pour la plupart issues de milieux occidentaux, s’est réduite à une vingtaine de familles d’adeptes « purs et durs » qui restent fidèles à Keller en dépit des plaintes pour actes de maltraitance.
Certaines familles sont parties à cause de la pandémie de covid-19, mais selon des initiés, la grande majorité ont plié bagage par crainte pour la sécurité de leurs enfants et leur santé mentale.
« La principale raison de mon départ est que j’ai compris ce qui se passait », indique Sinan, une ancienne mouride qui a vécu avec la communauté en Jordanie.
« J’ai vu beaucoup de signaux d’alarme dès le début, mais je les ai ignorés parce que je me suis dit que l’Occident m’avait lavé le cerveau et que je ne savais pas. »
Parmi les personnalités majeures qui ont quitté la communauté en Jordanie et son ordre soufi figurent Muhammad Isa Waley, ancien conservateur des manuscrits persans et turcs au British Museum et à la British Library, ainsi que l’islamologue Hamza Karamali. Muhammad Isa Waley était le représentant – ou moqqadem – du cheikh soufi en Occident.
« En tant qu’initié, j’ai tout le temps eu droit à un accueil aimable de la part de Besa [Krasniqi] », confie Muhammad Isa Waley à MEE. « Mais il est on ne peut plus évident selon moi, et je dois le dire de la manière la plus bienveillante possible, qu’une personne dont il est prouvé qu’elle a fait ce qu’elle a fait a besoin d’aide et ne devrait pas essayer d’aider les autres.
« Futuwwa est un symptôme de quelque chose d’autre qui est une catastrophe en soi. Et le fait de dire qu’on l’a traité [en fermant l’école] ne veut pas dire que l’on a guéri la maladie. »
Un mécénat royal
Né dans l’État de Washington aux États-Unis en 1954, Keller a grandi dans une famille catholique mais s’est converti à l’islam en 1977. Il a ensuite étudié la théologie islamique et l’arabe auprès de cheikhs aux quatre coins du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Il s’est fait connaître après que ses traductions en anglais de textes islamiques majeurs ont été certifiées par la prestigieuse université al-Azhar en Égypte.
Keller s’est installé en Jordanie à la fin des années 1980 pour être proche des cheikhs soufis et y a obtenu la nationalité jordanienne. Il s’est adjugé le mécénat de la famille royale jordanienne et en particulier du prince Ghazi ben Mohammed ben Talal, un cousin du roi Abdallah II qui préside aux affaires religieuses en Jordanie et sert de conseiller personnel au roi.
Ce mécénat l’a amené à conseiller le prince Ghazi, et il continue d’officier en tant que chercheur principal à l’Institut royal Aal al-Bayt pour la pensée islamique, dirigé par le prince.
Depuis plusieurs années, il figure sur la liste des 500 musulmans les plus influents du monde établie par l’institut, y compris dans son édition la plus récente. Il a récemment publié sa traduction anglaise du Coran, The Quran Beheld, après y avoir travaillé pendant dix-sept ans depuis son établissement à Hayy al-Kharabsheh.
Selon un porte-parole du gouvernement jordanien interrogé par MEE, « le prince Ghazi connaît le cheikh Nuh, mais il ne l’a en aucun cas défendu et l’a encore moins protégé. Il a été informé de ces allégations par l’un des disciples du cheikh Nuh et l’a expressément encouragé à porter l’affaire devant la police.
« Quant au classement The Muslim 500, celui-ci est effectué par un comité et se limite strictement à une mesure d’influence (bonne ou mauvaise), sans aucunement la cautionner. »
MEE comprend que d’anciens membres de la communauté ont effectivement fait part de leurs préoccupations au prince Ghazi. Néanmoins, ils ne se sont pas adressés à la police parce qu’ils avaient déjà quitté la Jordanie et n’étaient pas disposés à y retourner.
Keller a établi la zaouïa dans le quartier de Hayy al-Kharabsheh au début des années 2000. La plupart de ses adeptes venaient du monde anglophone, notamment d’Australie, du Canada, du Royaume-Uni, des États-Unis et de certaines régions d’Asie du Sud.
Nombre de ceux qui s’y sont installés s’étaient vu vendre le rêve de créer une utopie islamique en Jordanie, où ils pourraient élever leurs enfants à l’abri des vices qui gangrenaient selon eux l’Occident et vivre auprès de leur cheikh.
Les adeptes de Keller font un serment d’allégeance, ou bay’a, pour intégrer son groupe. Certains mourides séjournent à Hayy al-Kharabsheh pendant quelques mois. D’autres s’installent en Jordanie avec leur famille et y passent plusieurs années.
Selon d’anciens mourides, les adeptes peuvent être exclus de la communauté s’ils remettent en question les dirigeants ou si leurs enfants enfreignent les règles strictes.
Bon nombre des personnes interrogées par MEE ont grandi à Hayy al-Kharabsheh. Elles ont choisi de s’exprimer uniquement sous couvert d’anonymat par crainte de représailles de la part de leur famille, dont certains membres vivent encore dans la communauté, si elles critiquent publiquement les dirigeants de la communauté de Keller.
Keller encourage ses adeptes à ne pas avoir de contacts avec ceux qui ont quitté le groupe. Dans une conférence que MEE a pu entendre, il les a même invités à considérer « [qu’ils] avaient quitté l’islam » – des propos sur lesquels il est ensuite revenu.
Des « mesures disciplinaires »
Les allégations formulées à l’encontre des hauts dirigeants de la communauté portent sur la « formation » et la discipline des jeunes enfants dans la zaouïa et à Futuwwa.
Hafsa, une ancienne mouride, raconte à MEE que son premier souvenir d’enfance au sein de la communauté de Keller est un coup de spatule reçu à la main de la part de Krasniqi.
« Une douleur intense. Ça me brûlait chaque fois que ça touchait ma main », se souvient-elle.
Comme d’autres enfants élevés dans la zaouïa et des parents qui l’ont quittée depuis, Hafsa décrit un système de châtiments corporels supervisé par Krasniqi, avec des mesures disciplinaires régulières consistant à frapper les jeunes enfants.
« Une douleur intense. Ça me brûlait chaque fois que ça touchait ma main »
– Hafsa, ancienne élève à Hayy al-Kharabsheh
Selon les personnes interrogées par MEE, l’objectif était de former la prochaine génération de mourides pour qu’ils restent calmes et soumis aux dirigeants du groupe.
Les règles de vie des adeptes de Keller à Hayy al-Kharabsheh sont énoncées dans le manuel de la zaouïa, qui couvre tous les domaines, des codes vestimentaires pour les hommes et les femmes aux conseils sur l’éducation des enfants et l’accès aux logements exclusivement réservés au groupe.
Le document stipule que Keller est l’amir de la communauté et définit les circonstances dans lesquelles les enfants peuvent être frappés en guise de punition.
« Les mesures disciplinaires sont prises par Umm Sahl [Besa Krasniqi] dans le cadre de la formation des enfants et peuvent comporter, après un avertissement clair, un coup donné avec la main ou une spatule en caoutchouc », précise le document.
« Cette mesure fait passer le message, constitue une réponse ferme mais pas sévère, correspond à l’éducation islamique traditionnelle des enfants et fonctionne si bien qu’elle n’a presque jamais dû être employée dans la zaouïa pour la plupart des enfants. »
Néanmoins, des enfants et des femmes qui ont vécu à Hayy al-Kharabsheh affirment à MEE que les châtiments corporels étaient courants dans la zaouïa. Amelia, une ancienne mouride, se souvient que Krasniqi frappait des enfants au moins tous les quinze jours.
« Parfois, il n’y avait qu’un seul coup. D’autres fois, il y en avait plusieurs si l’enfant n’arrêtait pas de pleurer », se remémore-elle.
Yasmina, une autre mouride ayant vécu à Hayy al-Kharabsheh, se souvient également que Krasniqi frappait les enfants avec une spatule dans la zaouïa.
« Les jeunes enfants étaient emmenés dans une salle [séparée] pour les bébés ou les mères, où ils étaient formés par Umm Sahl », raconte Yasmina.
« Il était clair que la violence physique était recommandée. Je me souviens de ce que disait Nuh Keller : “Qui aime bien châtie bien.” »
D’anciens mourides racontent qu’Umm Sahl organisait régulièrement des conférences sur l’éducation des enfants et recommandait un livre intitulé Raising Godly Tomatoes pour apprendre aux parents comment élever leurs enfants.
Écrit par une chrétienne évangélique américaine, ce livre tente de s’opposer aux styles parentaux dits « laïcs » et conseille aux parents de frapper leurs enfants et de faire preuve de sévérité à leur égard pour s’assurer de leur obéissance.
Des rapports disciplinaires en cas de mauvais comportement
Futuwwa, fondée en 2003, est un autre endroit où les enfants subissaient des châtiments physiques sévères et des violences verbales.
Les châtiments corporels sont interdits dans les écoles de Jordanie : les enseignants s’exposent à une amende, une retenue sur salaire ou un licenciement s’ils sont pris en train de frapper des enfants. Toutefois, l’Initiative mondiale pour mettre fin à tous les châtiments corporels des enfants reconnaît que la loi jordanienne n’interdit pas cette pratique à la maison et dans les établissements d’enseignement non traditionnels, y compris les garderies.
Responsable de l’école, Besa Krasniqi en déléguait la gestion à Hamid Abugidieri, le directeur, ainsi qu’à son épouse Sadia Abugidieri, selon des e-mails consultés par MEE et d’anciens mourides impliqués dans la communauté.
Hamid est originaire du Soudan et Sadia est née au Pakistan, mais tous deux ont la citoyenneté américaine.
Située aux étages inférieurs de la mosquée Masjid Bushra, construite grâce aux fonds de la communauté mondiale de Keller, Futuwwa servait d’école primaire et secondaire pour les enfants du groupe.
À ses débuts, l’école était une coopérative organisée par une poignée de familles ; elle s’est ensuite étendue dans les installations de la communauté au fur et à mesure que le nombre d’enfants vivant à Hayy al-Kharabsheh augmentait. Les familles se sentaient obligées d’envoyer leurs enfants à « l’école du cheikh », sous peine d’être stigmatisées au sein de la communauté.
Selon d’anciens mourides, des enfants jordaniens étaient admis aux côtés des enfants des adeptes de Keller, même si la loi jordanienne l’interdisait dans la mesure où Futuwwa n’était pas une école officiellement enregistrée. Ils étaient cachés lors des visites des inspecteurs locaux, racontent les anciens mourides.
D’anciens élèves se souviennent qu’Hamid battait les garçons, tandis que Sadia réprimandait verbalement les filles qui enfreignaient les règles et frappait parfois les garçons avec son mari.
Les châtiments corporels étaient normalisés au sein de la communauté : les dirigeants disaient aux parents et aux enfants qu’il s’agissait d’un élément « normal » de la vie en Jordanie et d’une partie de leur développement islamique, ou tarbiya.
Selon des parents interrogés par MEE, les enfants, terrorisés à l’idée d’être battus à l’école et dans la zaouïa, mouillaient leur lit ou développaient des tics nerveux.
Selon d’anciens mourides et d’anciens élèves, Hamid frappait les mains des jeunes garçons à l’aide d’un bâton en bois appelé harra, percé de trous pour être plus aérodynamique et faire encore plus mal aux garçons. Il punissait les garçons dans son bureau, sous les yeux des autres élèves qui pouvaient voir à l’intérieur de la pièce, et parfois même chez lui.
« On nous disait que c’était aux directeurs d’administrer toute forme de punition et que les enseignants n’étaient pas autorisés à faire quoi que ce soit », rapporte à MEE Abeera, une ancienne enseignante.
« Nous devions remplir un rapport disciplinaire lorsqu’un élève se comportait mal et l’envoyer voir le directeur de l’école avec ce papier.
« Les enfants étaient terrifiés par ces rapports disciplinaires. Une mère m’a dit qu’elle avait retiré son enfant de l’école primaire parce que l’enfant faisait des cauchemars à cause de ce système. Elle s’est plainte de sa sévérité, mais ils l’ont ignorée. »
Un système similaire était appliqué par des parents ou les tuteurs de jeunes garçons, qui faisaient une marque sur un morceau de papier lorsqu’ils jugeaient que l’enfant s’était mal comporté à la maison.
Les garçons apportaient ensuite le morceau de papier chez Hamid, qui leur infligeait un coup de harra pour chaque marque.
Selon Rosie, ce système a été « développé avec plusieurs mères célibataires, en particulier pour leurs garçons. Cette idée selon laquelle une mère ne pouvait pas élever ses fils [sans père] était donc constamment avancée ».
On lui a raconté que les frères d’une de ses amies rentraient de l’école « avec les mains rouges et enflées ».
Asiya, une ancienne élève, se souvient d’un orphelin qui était durement battu par Sadia au sein de l’école. Elle raconte que cet enfant était giflé « régulièrement », mais qu’un jour, il pleurait et suppliait Sadia d’arrêter.
« Je l’ai souvent vu se faire frapper, mais je ne l’avais jamais vu pleurer. Et je me souviens de ce jour-là, même mes camarades de classe étaient vraiment secoués »
– Asiya, ancienne élève à Hayy al-Kharabsheh
« Je l’ai souvent vu se faire frapper, mais je ne l’avais jamais vu pleurer. Et je me souviens de ce jour-là, même mes camarades de classe étaient vraiment secoués », affirme-t-elle.
« Et elle lui hurlait des trucs comme : “Tu sais que ton père est mort et que maintenant, je dois t’élever, et je vais t’élever comme il faut !” »
Selon d’anciens mourides, les parents vivant à Hayy al-Kharabsheh faisaient généralement confiance aux dirigeants et à leurs adjoints.
« Ils faisaient souvent taire les parents en leur disant que c’était l’école du cheikh », explique Abeera. « Personne n’osait parler et quand quelques familles le faisaient, elles étaient attaquées et accusées d’être obsédées par leurs enfants et de ne rien connaître à la discipline. »
Néanmoins, à la suite de plaintes de parents, Keller a demandé à son adjoint, Ashraf Muneeb, d’enquêter sur les allégations d’actes de maltraitance commis à l’école.
Dans ce qu’il a décrit par la suite comme une enquête préliminaire, Ashraf Muneeb a conclu que des actes de maltraitance avaient bien eu lieu et que l’école avait causé « plus de tort » que de bien, d’après des e-mails consultés par MEE.
Keller a ensuite sommé les deux directeurs de Futuwwa de quitter la Jordanie, avant de fermer l’école.
Hamid Abugidieri n’a pas répondu aux demandes de commentaires formulées par MEE. Dans un e-mail adressé à MEE, Sadia Abugidieri décrit pour sa part une « injustice » qui a causé au couple « d’énormes pertes financières et une dégradation de [son] statut social ».
Elle affirme que Futuwwa n’était pas une école, mais un « institut d’apprentissage privé, officiellement enregistré et habilité en Jordanie ».
L’« industrie du traumatisme »
Bien qu’il ait ordonné la fermeture de Futuwwa, Keller a continué de défendre l’école, la jugeant « bonne à 99 % et mauvaise à 1 % » pour les enfants dans un discours à la communauté que MEE a pu écouter, dans lequel il aborde les conclusions de l’enquête en janvier 2019.
Selon d’anciens mourides, Keller a ensuite donné une série de conférences consacrées à l’« industrie du traumatisme » afin de dissuader les parents de demander une aide psychologique pour leurs enfants.
Dans ces sermons, il répondait aux plaintes selon lesquelles les enfants de l’école avaient subi des « traumatismes », affirmant que ce terme ne devait être utilisé que pour des personnes ayant vécu une guerre ou une violence physique extrême.
« Lorsque les gens définissent ouvertement un traumatisme et se pensent traumatisés par des difficultés normales, le fait d’en parler renforce leur croyance. Cette croyance quotidienne devient une partie de leur identité et leur sentiment de victimisation ainsi que l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et de la communauté s’enveloppent dedans », a déclaré Keller à ses adeptes dans un discours en octobre 2020.
Fin 2021, après une première prise de contact effectuée par Middle East Eye pour recueillir des commentaires de membres haut placés de la communauté, Ashraf Muneeb a précisé que son rapport était une enquête initiale qui avait permis d’établir des fondements.
« L’objectif de la procédure que je dirigeais était […] de recevoir des allégations afin de déterminer si elles pouvaient être évaluées dans le cadre d’une affaire et d’une audience », a-t-il écrit dans une série d’e-mails consultés par MEE.
« Mon rôle ne s’étendait pas au-delà. L’étape suivante aurait été que cheikh Nuh nomme un arbitre ou un juge et qu’une audience équitable soit organisée.
« Cela aurait pris des mois et ne s’est pas produit. Il aurait par ailleurs été très difficile de trouver des témoins impartiaux, dans une atmosphère aussi houleuse entre les différents camps. »
Un membre haut placé de la communauté souhaitant rester anonyme minimise également l’importance de cette enquête.
Ce membre juge les allégations exagérées, puisque l’école a été fermée sans même une enquête complète ou équitable et que les personnes accusées n’ont pas eu la possibilité de les réfuter dans le cadre de l’enquête.
La source estime en outre que d’après son expérience, l’atmosphère au sein de la communauté et de l’école était chaleureuse et bienveillante.
Ashraf Muneeb n’a pas répondu aux demandes de commentaires. MEE a également adressé une demande de commentaires au ministère jordanien de l’Éducation, à laquelle aucune réponse n’avait été donnée au moment de la publication de cet article.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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