Une société américaine du secteur de la défense serait en pourparlers pour racheter le logiciel de piratage Pegasus
Une société américaine du secteur de la défense est en pourparlers pour racheter la technologie du logiciel de piratage Pegasus développé par la société israélienne NSO Group, dans le cadre d’une opération qui placerait l’un des outils de piratage les plus avancés, les plus controversés et les plus convoités du moment entre les mains d’une entreprise américaine.
Selon des informations publiées conjointement par The Guardian, The Washington Post et Haaretz, les discussions entourant le rachat portent sur la vente du code de base – ou technologie de base – de NSO Group et sur un éventuel transfert de personnel de la société israélienne vers la société américaine L3Harris.
Des sources ont déclaré au Financial Times que les discussions n’en étaient encore qu’au stade préliminaire et qu’il y avait de nombreux obstacles à franchir avant qu’un accord puisse être conclu.
Tout accord potentiel nécessiterait l’approbation des autorités américaines et israéliennes, qui n’ont pas manifesté leur soutien.
Les pourparlers ont été initialement rapportés par Intelligence Online.
« Une telle transaction, si elle devait avoir lieu, soulève de graves problèmes de contre-espionnage et de sécurité pour le gouvernement américain », a déclaré un responsable de la Maison-Blanche au Guardian, au Washington Post et à Haaretz.
« Menace de contre-espionnage »
La Maison-Blanche a précisé qu’elle n’avait été impliquée « d’aucune manière dans cette transaction potentielle évoquée ».
Le haut responsable de la Maison-Blanche a également indiqué que le gouvernement américain « s’oppos[ait] aux efforts déployés par des entreprises étrangères pour contourner les mesures de contrôle des exportations ou les sanctions américaines, y compris le placement sur l’Entity List du département américain du Commerce pour des cyberactivités malveillantes ».
Si l’accord venait à se concrétiser, il s’agirait d’un important retournement de situation pour NSO Group, qui a été placée l’année dernière sur la liste noire de l’administration Biden après avoir été accusée d’agir « à l’encontre de la politique étrangère et des intérêts en matière de sécurité nationale des États-Unis ».
D’après le responsable américain, toute entreprise américaine doit savoir qu’une transaction avec une société figurant sur la liste noire « ne supprimera pas automatiquement de l’Entity List l’entité figurant sur celle-ci mais donnera lieu à un examen intensif visant à déterminer si la transaction engendre une menace de contre-espionnage pour le gouvernement américain, ses systèmes et ses renseignements ».
Middle East Eye a contacté L3Harris et NSO pour recueillir des commentaires, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.
L’accord se heurterait à plusieurs questions non résolues. Par exemple : Israël pourra-t-il continuer d’utiliser le logiciel en tant que client ?
NSO est au cœur d’un scandale mondial de piratage informatique : selon des chercheurs, son logiciel Pegasus est utilisé par un certain nombre de gouvernements dans le monde pour cibler des dissidents politiques, des journalistes et des activistes.
Des gouvernements tels que l’Arabie saoudite, le Maroc, Bahreïn et les Émirats arabes unis sont accusés d’utiliser ce logiciel espion.
On a appris que le téléphone de Ragip Soylu, responsable du bureau de Middle East Eye en Turquie, a été piraté à l’aide du logiciel.
Le logiciel espion a également été utilisé pour cibler des dirigeants mondiaux : un téléphone du président français Emmanuel Macron s’est notamment retrouvé dans le collimateur.
Une fois déployé, Pegasus permet de prendre totalement le contrôle du téléphone de la victime en accédant à ses messages, en interceptant les appels téléphoniques et en utilisant le téléphone comme dispositif d’écoute à distance.
Une personne au fait des pourparlers a également indiqué au Guardian que l’accord se heurtait à plusieurs questions non résolues, notamment quant à savoir si Pegasus serait hébergé en Israël ou aux États-Unis et si Israël pourrait continuer d’utiliser le logiciel en tant que client.
Le rachat de cet outil de piratage avancé viendrait enrichir la gamme actuelle de technologies de surveillance de L3Harris, déjà vendue au gouvernement américain et à des organismes le maintien de l’ordre. La société déclare un chiffre d’affaires annuel d’environ dix-huit milliards de dollars, réalisé notamment auprès du FBI et de l’OTAN.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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