Coupe du monde au Qatar : l’hôtel devant accueillir l’équipe d’Angleterre accusé d’abus contre des employés
L’hôtel qui doit accueillir l’équipe d’Angleterre lors de la Coupe du monde au Qatar est accusé d’exploiter certains de ses employés en les payant moins que le salaire minimum et de pratiquer une discrimination fondée sur leur nationalité.
Selon plusieurs employés interrogés par Equidem, une ONG britannique spécialisée dans les droits des travailleurs, Souq Al Wakra commet des violations des droits des travailleurs alors que l’État du Golfe est confronté à des pressions pour améliorer ses normes en matière de travail.
L’hôtel Souq Al Wakra est un complexe cinq étoiles appartenant au groupe hôtelier Tivoli,situé à proximité de Doha, la capitale du Qatar.
Il aurait été choisi par le sélectionneur anglais Gareth Southgate et la Fédération anglaise de football (FA) comme camp de base des Three Lions pour le Mondial, qui débutera en novembre.
Gareth Southgate a déclaré reconnaître les préoccupations des groupes de défense des droits de l’homme en ce qui concerne les mauvaises conditions de travail au Qatar et les violations des droits de l’homme commises dans le pays, mais a rejeté les appels à un boycott de la Coupe du monde par la sélection anglaise.
Les plaintes déposées par des employés contre l’hôtel Souq Al Wakra concernent notamment des frais de recrutement imposés aux contractuels, des déductions salariales illégales et des difficultés rencontrées par les contractuels pour obtenir un certificat de non-objection – un document requis pour changer d’employeur.
Différences salariales
Selon un employé indien qui a accusé l’hôtel de comportement discriminatoire, les promotions accordées au sein de l’établissement dépendent de la nationalité des employés et ne sont pas fondées sur leurs compétences ou leur mérite. D’autres employés ont déploré des différences de salaire par rapport à des personnes de nationalités différentes qui effectuent le même travail.
« Toute question relative aux hôtels doit être adressée à la FIFA, qui effectue un processus d’audit sur les hébergements proposés »
- La Fédération anglaise de football
Selon d’autres employés, l’hôtel Souq Al Wakra a licencié des employés pendant la pandémie et des foyers de contamination au covid-19 sont apparus au sein de l’établissement en dépit des précautions prises.
« Pendant la pandémie, ils ont licencié beaucoup de personnel. Ils nous ont donné un mois avant de nous licencier », a déclaré un autre employé indien à Equidem.
« Ils ont payé [nos] billets pour rentrer dans notre pays d’origine et ils ont donné 400 rials qataris [environ 108 euros] aux employés qu’ils ont licenciés pour payer leur nourriture jusqu’à leur vol. Ils n’ont fait aucun autre paiement. »
Equidem a déclaré à Middle East Eye avoir échangé avec six personnes employées à l’hôtel Souq Al Wakra au cours des cinq dernières années. Deux sont actuellement employées par l’hôtel, tandis que les quatre autres sont d’anciens employés.
D’après les anciens employés interrogés par Equidem, l’hôtel et l’agence qui les employaient n’ont pas résolu leurs réclamations en dépit des directives de la FIFA et du comité suprême d’organisation de la Coupe du monde en charge des projets et du patrimoine, qui stipulent que les travailleurs doivent être indemnisés pour toute violation du droit du travail.
Tivoli, qui administre l’hôtel Souq Al Wakra, n’a pas répondu aux demandes de commentaires formulées par MEE.
D’après un porte-parole de la FA, « la FIFA fournit aux nations en lice une liste d’hôtels qui peuvent être utilisés pendant les tournois. Par conséquent, toute question relative aux hôtels doit être adressée à la FIFA, qui effectue un processus d’audit sur les hébergements proposés. »
« Nous effectuons notre propre contrôle préalable en matière de droits de l’homme et nous aurons des conversations distinctes avec la direction et le personnel de notre hôtel de prédilection pour l’équipe d’Angleterre, afin de veiller à comprendre les mesures qu’ils ont prises pour remplir leurs obligations légales et respecter les normes requises en matière de droits des travailleurs. »
Les cas d’abus à l’encontre de travailleurs diminuent « d’année en année »
La FA n’a pas précisé si l’Angleterre envisagerait de changer d’hôtel si celui-ci ne répondait pas à sa définition des obligations légales ou aux normes en matière de droits des travailleurs.
Selon un porte-parole de la FIFA, la fédération internationale a mis en œuvre « un processus de contrôle préalable relatif à la protection des travailleurs impliqués dans la Coupe du monde de la FIFA 2022 au Qatar, conformément aux principes de responsabilité de la FIFA prévus par les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme ».
« Ce travail, mis en œuvre en partenariat avec le comité suprême d’organisation de la Coupe du monde en charge des projets et du patrimoine et accompagné de collaborations avec des syndicats et d’autres contrôleurs indépendants, se concentre sur les entreprises qui construisent les infrastructures de la Coupe du monde de la FIFA, y compris les stades et les sites d’entraînement, ainsi que sur les prestataires de services impliqués dans l’organisation de la compétition, notamment dans les secteurs de l’hôtellerie, de la sécurité ou des transports.
Dans le seul secteur de l’hôtellerie, la FIFA et le comité suprême assurent mettre en œuvre un programme complet d’audit et d’inspection couvrant 159 hôtels au Qatar.
Par ailleurs, selon la fédération internationale, « les hôtels qui désapprouvent les problèmes identifiés par le programme d’audit et d’inspection de la FIFA et du comité suprême verront leur contrat résilié. Tout travailleur estimant être victime d’une violation de ses droits doit contacter la ligne d’assistance aux travailleurs du comité suprême ou le mécanisme de plainte de la FIFA en matière de droits de l’homme pour la Coupe du monde de la FIFA. »
D’après un porte-parole du gouvernement qatari, les cas d’abus à l’encontre de travailleurs diminuent « d’année en année à mesure que les mesures exécutoires se mettent en place et que les employeurs se conforment aux règles ».
« Avec la mise en place de nouvelles lois, il incombe également aux entreprises opérant au Qatar, qu’elles soient locales ou internationales, de veiller à respecter les nouvelles normes », a déclaré le porte-parole qatari à MEE.
« Le gouvernement travaille en étroite collaboration avec la communauté des affaires et a lancé plusieurs initiatives pour s’assurer que tous les opérateurs comprennent leurs obligations légales et que les travailleurs connaissent leurs droits. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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