Reprise des relations diplomatiques avec Israël : Ankara assure vouloir « continuer à défendre » les Palestiniens
Israël et la Turquie ont annoncé mercredi le rétablissement complet de leurs relations diplomatiques et le retour des ambassadeurs dans les deux pays, mais Ankara a aussitôt affirmé sa volonté de « continuer à défendre » les Palestiniens.
Les relations entre Israël et la Turquie ont connu un réchauffement ces derniers mois après une brouille de plusieurs années provoquée par l’affaire du navire turc Mavi Marmara.
En 2010, les forces israéliennes avaient lancé un assaut meurtrier contre ce navire qui tentait d’acheminer de l’aide à la bande de Gaza, enclave palestinienne sous blocus israélien et contrôlé par le Hamas, qui a d’ailleurs des représentants en Turquie.
En mai 2018, après la mort d’une cinquantaine de Palestiniens tués par l’armée israélienne à Gaza lors de la Grande Marche du retour, la Turquie a rappelé son ambassadeur en Israël et renvoyé l’ambassadeur israélien. Israël avait riposté en renvoyant le consul général turc à Jérusalem. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan avait alors accusé Israël de « terrorisme d’État ».
Ce mercredi, le Premier ministre israélien Yaïr Lapid a annoncé le retour des ambassadeurs et des consuls généraux dans les deux pays après une « décision d’élever le niveau des liens à des relations diplomatiques pleines et entières ».
« Le rétablissement des relations avec la Turquie est un atout important pour la stabilité régionale et une nouvelle économique très importante pour les citoyens d’Israël », a-t-il salué dans un communiqué.
À Ankara, le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu a confirmé le rétablissement des relations complètes, tout en soulignant que la Turquie continuerait « de défendre les droits des Palestiniens ».
« Il est important que nos messages [sur la question palestinienne] soient transmis directement par l’intermédiaire de l’ambassadeur », a-t-il dit en annonçant la nomination prochaine d’un ambassadeur à Tel Aviv.
Liens avec le Hamas
Lors d’une une rare visite fin mai à Jérusalem, Mevlüt Cavusoglu a estimé que la normalisation des relations « aura[it] un impact positif sur la résolution pacifique du conflit » israélo-palestinien.
Le président Recep Tayyip Erdoğan, fervent défenseur de la cause palestinienne, a dans le passé critiqué les politiques israéliennes envers les Palestiniens.
Après plus d’une décennie de rupture diplomatique, Israël et la Turquie avaient relancé les liens avec la visite du président israélien Isaac Herzog à Ankara en mars dernier, la première du genre depuis 2007.
Herzog s’est félicité de la reprise des relations, qui « encouragera des liens économiques plus importants, le tourisme réciproque et l’amitié entre les deux peuples ».
Déjà en novembre 2021, Erdoğan s’était entretenu au téléphone avec son homologue israélien et l’ex-Premier ministre Naftali Bennett, une première depuis 2013, à l’occasion de la libération et du retour dans leur pays d’un couple de touristes israéliens accusés d’espionnage et détenus en Turquie.
Erdoğan, qui maintient des liens étroits avec le Hamas, avait ensuite indiqué que son pays envisageait un rapprochement « progressif » avec Israël.
« Nous ne devons pas avoir l’illusion que la relation redeviendra ce qu’elle était à la belle époque des années 1990 », estime Ephraïm Inbar, directeur du Jerusalem Institute for Strategy and Security.
« Tant qu’Erdoğan est au pouvoir, il y a aura une certaine hostilité de la Turquie envers Israël à cause de son attache islamiste. Il continuera de soutenir le Hamas par exemple », explique-t-il à l’AFP.
« Contrepoids »
La Turquie est un important pays musulman, qui peut faire contrepoids face à l’Iran, donc c’est un pays très stratégique [pour Israël] », relève l’analyste.
En juin, Israël avait appelé les ressortissants israéliens en Turquie à quitter « dès que possible » ce pays par crainte d’attaques de l’Iran, son ennemi de longue date, avant d’abaisser le niveau d’alerte.
L’annonce de la reprise de relations complètes intervient par ailleurs au moment où la Turquie fait face à une forte inflation et à l’effondrement de sa monnaie.
En janvier, Erdoğan a annoncé que son pays était prêt à coopérer avec Israël sur un projet de gazoduc en Méditerranée orientale, auquel il s’était autrefois opposé.
La question de la coopération énergétique entre les deux pays, sur fond de découvertes de gisements en Méditerranée orientale, s’est fait plus brûlante alors que plusieurs pays européens cherchent à réduire leur dépendance au gaz russe en raison de la guerre en Ukraine.
Par Claire Gounon à Jérusalem avec Rémi Banet à Istanbul.
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