France : l’imam Hassan Iquioussen « en fuite » après le feu vert pour son expulsion
L’imam Hassan Iquioussen, dont le Conseil d’État français a validé ce mardi 30 août l’expulsion décidée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, est considéré comme étant en fuite et a été inscrit au fichier des personnes recherchées (FPR), a appris l’AFP de source proche du dossier.
Après la décision du Conseil d’État, la police s’est rendue dans l’après-midi au domicile du prédicateur de nationalité marocaine, à Lourches près de Valenciennes (Nord), afin de l’interpeller pour l’expulser vers le Maroc. Mais elle ne l’y a pas trouvé, selon une source proche du dossier qui a évoqué la possibilité qu’il se trouve en Belgique.
Plus tôt dans la journée, le Conseil d’État avait donné son feu vert à l’expulsion de l’imam, dont le ministre de l’Intérieur avait fait ces dernières semaines un symbole de la lutte du gouvernement contre les « discours séparatistes ».
Désavouant le tribunal administratif de Paris, qui avait suspendu en urgence le 5 août l’expulsion de cet imam réputé proche des Frères musulmans, la plus haute juridiction administrative française a estimé que cette décision de l’expulser vers le Maroc ne constituait pas « une atteinte grave et manifestement illégale à [sa] vie privée et familiale ».
Né en France, Hassan Iquioussen avait décidé à sa majorité de ne pas opter pour la nationalité française. Lui affirme y avoir renoncé à 17 ans sous l’influence de son père, et avoir ensuite tenté en vain de la recouvrer. Ses cinq enfants et ses quinze petits-enfants sont eux Français et parfaitement implantés dans la région : un fils est imam à Raismes, un autre ex-élu PS à Lourches.
Sur Twitter, l’avocate de l’imam, Me Lucie Simon, a estimé que la décision du Conseil d’État symbolisait « un État de droit affaibli » et a déploré « un contexte alarmant de pression de l’exécutif sur le judiciaire ».
« Le combat judiciaire continue, le tribunal administratif de Paris sera amené à se pencher sur le fond du dossier prochainement et Hassan Iquioussen étudie la possibilité de saisir de nouveau la CEDH [Cour européenne des droits de l’homme] », a-t-elle ajouté.
Un parcours ambigu
Hassan Iquioussen est un homme au discours ambigu, proche des Frères musulmans et bien implanté dans le nord de la France, souligne l’AFP.
Querelle juridique, controverse politique, bataille médiatique : les débats autour de l’imam ont nourri l’actualité française au mois d’août, à partir de l’annonce de son expulsion vers le Maroc.
« Mon père, c’est quelqu’un qui a une pensée complexe, qui ne peut se résumer à certaines phrases », explique son fils Soufiane, tout en dénonçant « les mensonges et les calomnies autour de lui ».
Selon Bernard Godard, ancien fonctionnaire au ministère français de l’Intérieur et spécialiste de l’islam, l’imam Iquioussen, qui évolue « dans la mouvance frériste », est « très suivi partout en France depuis 30 ans qu’il exerce ».
Lui le voit plus comme un « conférencier » qu’un imam, à l’image de l’islamologue suisse Tariq Ramadan, mais « avec un profil moindre intellectuellement ».
« Mon père, c’est quelqu’un qui a une pensée complexe, qui ne peut se résumer à certaines phrases »
- Soufiane, fils de l’imam Hassan Iquioussen
Sa chaîne YouTube, où il délivre cours et sermons sur l’islam dans la vie quotidienne (pauvreté, violence, épanouissement dans le couple…), compte 178 000 abonnés.
« C’est un Frère musulman », tranche le sociologue Samir Amghar. Son credo : « Un islam conservateur, mais capable de s’adapter à la société ». En d’autres termes, « on peut très bien être un musulman conservateur tout en étant un Français à part entière », dit-il.
Hassan Iquioussen est éclaboussé par une première polémique en 2004, épinglé pour des propos jugés antisémites dans un discours sur la Palestine. L’intéressé reconnaît par la suite « des propos déplacés » et présente ses excuses. « L’antisémitisme est une horreur », ajoute-t-il.
Son nom réapparaît ensuite régulièrement dans la presse et le débat public.
En 2016, le sénateur d’extrême droite (Rassemblement national) Stéphane Ravier le dit « bien connu pour sa volonté de condamner à la peine de mort les musulmans qui se rendraient coupables d’apostasie ».
Des propos dont il est difficile de retrouver trace aujourd’hui, tout comme ceux cités dans l’arrêté d’expulsion du ministère de l’Intérieur : « complot juif » ou « pouvoir » des catholiques et des juifs pour « déclarer la guerre […] au prophète ».
« C’est un malin. Il a été très prudent », estime Bernard Godard.
D’autres vidéos, récemment exhumées, mais souvent tronquées, sans date ni contexte, mettent cependant en exergue des déclarations polémiques sur la place des femmes « dans la cuisine ». Celles-ci ont été jugées « rétrogrades », début août, par un juge du tribunal administratif de Paris, qui avait toutefois suspendu la décision d’expulsion.
Soufiane Iquioussen admet que son père a déjà « tenu des propos déplacés » ou « s’est trompé, comme n’importe quel être humain ». Mais « il a bien évolué en 40 ans », ajoute-t-il, insistant sur ses appels « à l’apaisement ».
Ainsi, en 2016, Hassan Iquioussen est présent lors d’un rassemblement pour le père Hamel, assassiné par des partisans du groupe État islamique dans son église, aux côtés d’élus et représentants des cultes.
La maire socialiste de la ville, Anne-Lise Dufour Tonini, en convient : « Il a fait [ce jour-là] un discours que tout le monde a applaudi et que j’aurais pu signer des deux mains. »
Selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, Hassan Iquioussen est fiché S (pour sûreté de l’État) par les renseignements français « depuis dix-huit mois ».
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