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Des objets pillés au Yémen pourraient circuler dans le commerce d’artefacts au Royaume-Uni

D’après des chercheurs en antiquités, l’absence d’origine exacte d’objets vendus récemment aux enchères suscite des inquiétudes quant à leur provenance, certains artefacts ressemblant à des exemplaires volés au Yémen
Artefacts interceptés avant leur sortie clandestine du pays, au Musée national de Ta'izz (Yémen), le 22 février 2022 (AFP)
Artefacts interceptés avant leur sortie clandestine du pays, au Musée national de Ta'izz (Yémen), le 22 février 2022 (AFP)

Une vente aux enchères au Royaume-Uni a suscité des inquiétudes quant à la vente d’artefacts ressemblant, selon des chercheurs, aux types d’objets pillés au Yémen, dans la mesure où la maison de ventes n’a pas indiqué leur provenance.

Cette affaire met en lumière le marché des antiquités volées, qui continue de prospérer malgré les efforts déployés à l’échelle internationale pour enrayer ce commerce.

Fin novembre, la société londonienne TimeLine Auctions a lancé des enchères en ligne pour plusieurs milliers d’antiquités provenant des quatre coins du globe. Ces enchères se sont terminées le 3 décembre.

« Ce sont des choses que j’ai pu voir dans des collections privées, pas des objets identiques mais des objets similaires dans une collection qui était conservée au Yémen »

- Jeremie Schiettecatte, chercheur en antiquités

Dans les semaines qui ont précédé la vente aux enchères, le chercheur yéménite en antiquités Abdullah Mohsen a souligné sur Facebook que quelques-uns des artefacts concernés ressemblaient à des objets provenant du Yémen, bien que la provenance exacte de ces objets soit inconnue des chercheurs. On ignore si la maison de ventes connaît l’origine exacte des objets. 

Un ensemble de perles de bijoux en or a été vendu pour 715 livres (environ 830 euros), tandis qu’une figurine de chameau en bronze a trouvé preneur pour 975 livres (environ 1 140 euros). Une statue représentant un chamelier a également été également mise aux enchères pour une valeur estimée entre 400 et 600 livres (460-700 euros).

Middle East Eye a contacté TimeLine Auctions pour recueillir des commentaires, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication de cet article.

Jeremie Schiettecatte, un chercheur en antiquités qui s’intéresse aux artefacts en provenance du Yémen, n’est pas en mesure de confirmer si les objets ont effectivement été volés, mais souligne qu’ils ressemblent à des objets qu’il a vus personnellement ; il savait alors que ces derniers avaient été pillés dans certaines régions du Yémen. 

« Ce sont des choses que j’ai pu voir dans des collections privées, pas des objets identiques mais des objets similaires dans une collection qui était conservée au Yémen », explique-t-il à MEE.

Des objets inhabituels

Le chercheur souligne qu’il s’agissait principalement d’antiquités volées, et que « parmi elles, il y avait des bijoux, presque identiques ou semblables à ceux en vente à Londres ».

Jeremie Schiettecatte constate que les artefacts mis en vente la semaine dernière sont inhabituels par rapport aux types d’objets en provenance du Yémen couramment vendus aux enchères.

« Ce n’est pas le genre d’objet en provenance du Yémen que nous voyons habituellement en vente. Les artefacts récents sont pour l’essentiel des inscriptions sur des plaques de pierre ou de bronze. Il n’est pas si courant d’avoir ces artefacts que nous pouvons voir ici », indique Jeremie Schiettecatte à MEE.

Le commerce des antiquités volées alimente les conflits au Moyen-Orient, selon un rapport
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Le chercheur ajoute que l’un des principaux problèmes en matière d’identification des objets volés relève du fait que les maisons de ventes ne donnent pas la provenance de l’objet, c’est-à-dire son origine exacte, qu’il s’agisse de l’époque ou du lieu.

« Il est très difficile de connaître avec certitude la provenance de ces objets qui sont présents dans différentes régions du Yémen. Nous pouvons trouver ces types d’artefacts dans différentes régions. Il est très difficile de déterminer s’ils proviennent d’une région pillée ou d’une autre région non pillée. »

Interrogée par MEE, Manel Chibane, responsable du programme juridique de l’initiative The Docket de la Fondation Clooney pour la justice, n’est pas surprise par ces préoccupations.

TimeLine n’est pas citée dans le dernier rapport en date de la fondation sur les antiquités volées, qui révèle que des centaines de milliers d’artefacts ont été volés dans des pays en guerre au Moyen-Orient au cours de la dernière décennie, indique Manel Chibane. En revanche, le nom de la société apparaît dans un rapport sur le commerce d’objets en provenance de Libye.

« Dans une étude datant de 2011, [des chercheurs] ont repéré quatre portraits provenant de Cyrène qui avaient été vendus par ou via cette maison de ventes. »

En mai 2020, la maison de ventes TimeLine a été impliquée dans la vente d’un artefact volé, une plaque de temple sumérien datant d’environ 2 400 avant J-C. Elle a finalement été restituée à l’Irak.

La même année, le Guardian a rapporté qu’une sculpture volée au Musée national d’Afghanistan était apparue sur le site web de la maison de ventes.

Manel Chibane évoque ainsi un « sentiment d’impunité » chez les maisons de ventes et les revendeurs.

Un commerce qui alimente les conflits

En ce qui concerne le Yémen, Manel Chibane souligne que la guerre qui s’y déroule entraîne une hausse de la contrebande d’antiquités pillées.

« On rapporte régulièrement des arrestations d’individus impliqués dans la contrebande d’antiquités en provenance du Yémen », explique-t-elle.

« Le Yémen est une zone de conflit, un conflit international s’y déroule et on y trouve plusieurs groupes armés, qui contribuent au pillage d’antiquités. »

« Le pillage peut être qualifié de crime de guerre »

– Manel Chibane, responsable au sein de la Fondation Clooney 

Manel Chibane concède qu’il est difficile de déterminer l’origine des objets mis en vente par TimeLine, dans la mesure où il est indiqué qu’ils proviennent d’une collection datant des années 1980, soit bien avant que l’initiative The Docket de la Fondation Clooney ait commencé à suivre les ventes d’objets volés.

« En ce qui concerne le Yémen, nous avons effectué des recherches et nous avons vu que des pillages avaient lieu au Yémen depuis 2011 et que cela alimente les conflits. »

Selon l’initiative The Docket, près de 150 000 objets ont été pillés au Yémen. L’UNESCO indique que le commerce illicite de biens culturels – dont relève le trafic d’antiquités – représente 10 milliards de dollars par an. Il est établi qu’une partie de ces profits sert à financer des conflits et le terrorisme international.

Manel Chibane explique que son travail à la Fondation Clooney est axé sur le recours à des litiges stratégiques pour mettre un terme au commerce de biens volés, au lieu de simples appels en vue d’un renforcement de la réglementation.

« C’est pourquoi nous pensons qu’une approche axée sur la criminalité internationale et les litiges est un bon outil de dissuasion pour ces revendeurs qui doivent se rendre compte du rôle qu’ils ont dans tout cela », soutient-elle.

« Le pillage peut être qualifié de crime de guerre, c’est donc là que le revendeur opérant à différents endroits à Londres ou Paris peut être dissuadé s’il est poursuivi pour ce genre de motifs juridiques. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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