Attaque de Huwara : les dirigeants israéliens attisent les flammes de la violence des colons
Quelques heures avant que des colons ne mettent le feu à Huwara en Cisjordanie occupée dimanche, plusieurs politiciens israéliens avaient appelé à l’anéantissement du village palestinien.
Dans un tweet supprimé depuis, David Ben Zion, vice-président du « Conseil de Samarie », qui régit les colonies illégales dans le nord de la Cisjordanie, a appelé les politiciens israéliens à ne faire preuve d’aucune pitié et à ce que « le village de Huwara soit effacé aujourd’hui ».
Le tweet, qui faisait suite au meurtre de deux colons israéliens par un tireur palestinien présumé dimanche dans la ville, a été « liké » par le ministre des Finances du pays, Bezalel Smotrich.
Ben Zion, qui représente plus d’une douzaine de colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, y compris là où l’attaque s’est produite, a déclaré plus tard qu’il avait écrit ces commentaires dans « le feu de l’action ».
Traduction : « Adjoint au maire de la région de Samarie : "Ici à Hawara, le sang de nos enfants a été répandu sur la route... Hawara doit être anéantie aujourd’hui. Assez parlé de la construction et du renforcement des colonies. La dissuasion qui a été perdue doit revenir maintenant, il n’y a pas de place pour la pitié. »
Le like de Smotrich a également été condamné, considéré par certains comme l’approbation par l’État des actes de violence collective commis par les colons.
« Notre ministre des Finances, ministre de la Défense et membre du cabinet de sécurité soutient l’effacement d’un village entier alors que le seul péché de ses habitants est d’être Palestiniens », a déclaré Shir Nosatzki, un influenceur sur Twitter.
Dimanche, Smotrich a lui-même intensifié la rhétorique, exigeant que l’armée israélienne « frappe les villes palestiniennes, avec des chars et des hélicoptères, sans pitié, d’une manière qui leur ferait comprendre que le propriétaire de la maison [Israël, en tant que propriétaire de la Cisjordanie] est devenu fou ».
Dimanche soir, alors que les maisons de Huwara brûlaient encore et que le meurtrier des deux colons était toujours en fuite, Smotrich a promu sur Twitter un fil qui recommandait la « punition collective de la famille et de l’environnement du terroriste comme outil efficace et nécessaire dans la guerre asymétrique ».
La punition collective de populations occupées est illégale selon le droit international.
Au moins un Palestinien a été tué et près de 400 autres blessés dans l’attaque de Huwara et d’autres villes et villages de Cisjordanie, selon des responsables sanitaires palestiniens. Les colons ont complètement incendié au moins 35 maisons et 40 autres ont été partiellement endommagées ; de nombreuses habitations ont été mises à feu alors que leurs habitants s’abritaient à l’intérieur. Plus d’une centaine de voitures ont été incendiées ou détruites d’une autre manière.
« Agir d’une main de fer »
Smotrich et Ben Zion ne sont pas les seuls dirigeants, politiciens et commentateurs israéliens à avoir jeté de l’huile sur le feu et cherché à légitimer les actions des colons.
Aryeh Erlich, rédacteur en chef du magazine ultra-orthodoxe Mishpacha, a minimisé la violence des colons et demandé à ce que l’on ne se focalise pas sur eux : « Il ne faut plus penser à ces garçons dont le sang a bouilli après avoir vu les corps de leurs deux amis gisant dans leur sang sur la route. »
Traduction : « Un Raphaël de "Hilltop News" nous informe que la fin de l’IDF [armée israélienne] est proche et que la transition vers les milices juives messianiques a commencé. Il loue "l’opération vengeresse" et dit que c’est "très excitant". »
Limor Son Har-Melech, député de Force juive, le parti d’extrême droite auquel appartient le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, qui fait partie de la coalition au pouvoir, a qualifié les attaques de « cri juste de centaines d’habitants de Samarie [Cisjordanie occupée] qui sont sortis pour protester et exiger la sécurité ».
Un autre député, cette fois du Likoud du Premier ministre Benyamin Netanyahou, a sympathisé avec les colons, exhortant l’État à « agir avec une poigne de fer ! ».
Alors que des vidéos de violence anarchique se répandaient sur les réseaux sociaux, où l’on pouvait voir les forces israéliennes peu disposées à arrêter les assaillants, ces derniers ont pris plaisir à partager leurs plans.
Un colon s’est ainsi filmé à Huwara alors que des maisons palestiniennes brûlaient en arrière-plan, prédisant la fin prochaine de l’armée israélienne et la transition vers des milices juives, tout en louant une « opération vengeresse très excitante ».
« Immunisés contre la loi »
Les scènes ont toutefois effrayé de nombreuses personnes à droite, qui ont même établi une comparaison avec la nuit de Cristal, le pogrom nazi dirigé par le Troisième Reich contre les juifs en 1938.
« Le gouvernement doit décider s’il agit en tant que souverain dans les territoires, s’il est déterminé à imposer la loi et l’ordre aux Arabes et aux Juifs, ou s’il sert de feuille de vigne aux jeunes des collines », a écrit Nahum Barnea pour le média israélien de droite Ynet, faisant référence à un groupe de colons radicaux.
« Huwara est fermée et incendiée. C’est ce que je veux voir. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons obtenir la dissuasion »
- Zvika Fogel, député de Force juive
Alors que les colons commettent régulièrement des attaques contre des Palestiniens en Cisjordanie, celles de dimanche étaient « presque sans précédent », a averti Barnea.
Les colons se sentent « immunisés contre la loi. La peur de l’État ne s’applique pas à eux », a-t-il ajouté.
« Smotrich et Ben-Gvir observent les émeutiers à Huwara et se souviennent probablement d’eux-mêmes : quand ils avaient leur âge, ils se comportaient comme eux. »
Alors que Huwara était en grande partie abandonnée par ses habitants, les colons se sont rassemblés dans la ville, chantant à l’unisson sous la protection de l’armée.
« Huwara est fermée et incendiée. C’est ce que je veux voir. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons obtenir la dissuasion », a déclaré Zvika Fogel, député de Force juive.
Au moins 62 Palestiniens ont été tués par des Israéliens depuis le début de l’année, soit plus d’un mort par jour. En parallèle, 12 civils israéliens et un policier ont été tués par des Palestiniens au cours de la même période.
Cela fait suite à une forte augmentation de la violence en 2022, année durant laquelle au moins 167 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupées, soit le bilan annuel le plus élevé dans ces territoires depuis la seconde Intifada. Au cours de la même année, des Palestiniens ont tué 30 Israéliens.
Traduit de l’anglais (original).
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