Israël : armer les milices juives ouvre la voie à un terrorisme total
Israël a récemment introduit ce qu’il croit être une arme meurtrière pour imposer son hégémonie sur la patrie du peuple palestinien : la légalisation de la possession d’armes à feu pour sa population juive.
Il s’avère que ceux qui se présentent en masse pour déposer des demandes de possession d’armes à feu sont des partisans du parti d’extrême droite Otzma Yehudit (Force juive), qui s’organise depuis plus d’un an en tant que milices opérant dans le Naqab (Néguev) et le long de la côte.
Leur slogan – également adopté par les colons juifs et leurs gangs terroristes tels que les « jeunes des collines » – est de « rétablir l’ordre ». Il ressort clairement des documents publics que la majorité des demandeurs de permis de détention d’armessont ces mêmes colons.
Depuis qu’Itamar Ben-Gvir a pris le contrôle du ministère de la Sécurité nationale – avec le soutien du Premier ministre Benyamin Netanyahou – et à la suite des deux incidents survenus à Jérusalem le 27 janvier, c’est comme si le mélange explosif de violence d’État et de violence de rue s’était imbriqué en un seul système.
La violence des gangs armés a toujours été appréciée par l’État israélien, chaque ministre violant de manière flagrante les droits des Palestiniens
Cependant, ce projet de loi n’a pas été initié par Ben-Gvir, mais a été vivement promu par l’ancien ministre de la Sécurité publique, Gilad Erdan. Les discussions à ce sujet ont pris de l’ampleur à la suite du « soulèvement de la dignité » (« karamah ») en mai 2021, certains politiciens faisant pression pour en faire une question de politique d’État.
En effet, la violence des gangs armés a toujours été appréciée par l’État israélien, chaque ministre violant de manière flagrante les droits des Palestiniens dans le cadre de son ministère respectif.
Ce climat permet aux gangs armés d’enfreindre ouvertement les droits des Palestiniens, créant tout un système d’auteurs non tenus de rendre des comptes, et présentant leur terrorisme comme des émeutes entre deux parties égales en statut et en responsabilité.
Cette violence des gangs change également les règles : désormais, les victimes de ce racisme incontrôlable ne sauront pas qui les attaque, ni quel parti, tandis que la police et le Shin Bet ne feront que tenir les victimes pour responsables, les soumettant à des procès et des condamnations injustes.
Guérilla
La guérilla – guerre non conventionnelle menée contre une armée permanente conventionnelle dans des circonstances avantageuses pour les guérilleros – a toujours fait partie de l’histoire sioniste en Palestine.
C’est le même type de guerre à long terme, de petite échelle mais continue, menée par des mouvements révolutionnaires contre des régimes oppressifs avec des armées qui les dépassent plusieurs fois en nombre. Ils ont adopté des stratégies pour drainer le système oppressif dans le but de le renverser.
Après la défaite des armées arabes en 1967, le Mouvement de libération nationale palestinien dans les années 1970 était considéré comme faisant partie de la résistance de guérilla révolutionnaire qui a mis la question palestinienne au premier plan, consacrant le droit du peuple au retour, ainsi que sa libération et son autodétermination.
Les institutions israéliennes de sécurité et de recherche ont dépensé énormément de ressources pour comprendre le mouvement et son impact.
Les colons sionistes en Palestine, passés et présents, ont utilisé la guérilla à leurs propres fins coloniales. Afin de contrôler et d’occuper la terre et d’en expulser la population autochtone, ils infiltrent les communautés palestiniennes en se faisant passer pour des « moustaarabine », des Arabes vivant à leurs côtés.
Ils définissent leur tactique comme servant un mouvement de libération contre les « envahisseurs » palestiniens et qualifient la guérilla et la légitime défense palestiniennes de « terrorisme ».
Crimes historiques
En 1948, des gangs juifs tels que la Haganah ont assumé le rôle d’une armée d’État, mais ont occupé des villes et déplacé leur population, ce que n’aurait pas pu faire une armée régulière.
Le rôle de ces gangs était de commettre des cambriolages et des pillages, et de s’emparer d’un grand nombre de maisons, de magasins, d’équipements publics, de mosquées, d’églises et de tous leurs biens.
L’objectif de cette stratégie était double : enrichir financièrement la communauté juive, y compris les soldats, et empêcher le retour des Palestiniens expulsés dans leurs foyers et leurs villes. En cas de retour, ils auraient retrouvé leurs maisons saccagées et occupées par des pillards, voire complètement détruites.
Ces gangs n’étaient soumis à aucune responsabilité légale et leurs activités criminelles étaient en fait approuvées par l’État nouvellement créé. Ils lançaient aussi des attaques armées contre les Palestiniens, telles que le largage de barils explosifs sur les marchés des villes côtières, les soumettant au déplacement, à l’expulsion et au nettoyage ethnique.
Ce modèle de violence a été adopté à plusieurs reprises dans les universités israéliennes, qui ont été témoins d’attaques sanglantes contre des étudiants arabes dans les années 1970 et 1980, alors que les forces de police et le Shin Bet fusionnaient pleinement.
Lorsque les étudiants arabes se sont organisés, la police et les forces de sécurité lourdement armées ont pris d’assaut leurs universités avec des gangs terroristes à leurs côtés. Alors que la droite fasciste attaquait les étudiants arabes avec des chaînes de fer et des couteaux, la police restait là, spectatrice.
La police, les gangs de droite, le Shin Bet et les gardiens des universités se sont regroupés en une seule unité lors d’affrontements avec des étudiants. Ces groupes sont entrés sur les campus et comme ils ne faisaient pas partie des étudiants, ils n’ont pas été soumis à des tribunaux disciplinaires et personne ne les a interrogés.
Armement des milices
Ce schéma s’est également vu lors du soulèvement de la dignité, lors duquel la police et des bandes armées ont fait équipe pour réprimer les manifestations palestiniennes. Les gangs se sont comportés comme l’arme extrajudiciaire de la police, perpétrant des attaques de quartier, des violations de domicile et des agressions physiques contre des résidents sans défense.
Plus de 3 000 Arabes palestiniens qui défendaient leurs quartiers ont été arrêtés, plusieurs centaines ont été inculpés et condamnés à de lourdes peines, tandis que l’État israélien fermait les yeux sur ces gangs terroristes.
La récente décision de Ben-Gvir de distribuer des armes sous licence israélienne menace les Palestiniens et révèle le mépris du gouvernement pour leur vie
Au lendemain du soulèvement de la dignité, le projet visant à établir des milices terroristes semi-officielles et permanentes a été introduit par le parti Otzma Yehudit, à partir du Naqab et de Beersheba jusqu’aux villes côtières.
Les dirigeants du parti fasciste se sont organisés aux côtés des municipalités et de la police sous prétexte de rétablir « l’ordre public » mais, en réalité, ont mené une guerre judiciaire contre les citoyens palestiniens d’Israël.
Afin d’empêcher que le soulèvement ne se répète, le gouvernement israélien s’est attelé à des préparatifs pour établir une « Garde nationale » composée de milliers de volontaires, formés dans les unités de combat de l’armée d’occupation. Son objectif est de soutenir les efforts de la police dans le ciblage et la répression des citoyens palestiniens d’Israël tout en protégeant les forces judaïsantes dans le Naqab.
La récente décision de Ben-Gvir – soutenue par Netanyahou – de distribuer des armes sous licence israélienne parmi la population juive est dangereuse pour les Palestiniens. Elle menace leur existence et expose le mépris du gouvernement pour leur vie et leurs droits.
Cela crée un climat propice aux crimes racistes et au nettoyage ethnique, et il est peu probable que le cours des choses s’inverse avec un quelconque futur changement au sein de la coalition au pouvoir.
Cette nouvelle politique de distribution d’armes aux juifs israéliens encouragera davantage les milices armées à menacer la vie des Palestiniens et à violer leur sécurité et leurs droits, tout en échappant à la justice.
En fin de compte, le gouvernement israélien dirigé par Netanyahou et sa coalition d’extrême droite portera la responsabilité d’avoir soumis les Palestiniens au terrorisme de cette guérilla parrainée par l’État.
- Ameer Makhoul est un activiste palestinien de premier plan et journaliste au sein de la communauté des Palestiniens de 1948 (citoyens d’Israël). Il a dirigé Ittijah, une ONG palestinienne en Israël. Il a été emprisonné par Israël pendant dix ans.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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