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Ghannouchi condamné à de la prison, une « perte tragique » pour la Tunisie et la région, selon des universitaires

Près de 150 universitaires dans dix-neuf pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont exprimé leur solidarité et leur soutien à tous les prisonniers politiques en Tunisie, y compris le leader d’Ennahdha
« À 81 ans, M. Ghannouchi est reconnu comme l’un des plus éminents défenseurs de la démocratie dans le monde arabe. Il est l’une des voix s’exprimant de façon soutenue et constante pour la modération et contre l’extrémisme », rappellent les signataires (AFP/Fethi Belaïd)
« À 81 ans, M. Ghannouchi est reconnu comme l’un des plus éminents défenseurs de la démocratie dans le monde arabe. Il est l’une des voix s’exprimant de façon soutenue et constante pour la modération et contre l’extrémisme », rappellent les signataires (AFP/Fethi Belaïd)
Par MEE

Des universitaires d’Europe et d’Amérique du Nord ont appelé à la libération de Rached Ghannouchi et de tous les prisonniers politiques en Tunisie, décrivant cette campagne de répression comme un « démantèlement féroce » de la transition démocratique « autrefois prometteuse et inspirante en Tunisie ».

Dans une lettre publiée en ligne, des universitaires – notamment des universités d’Oxford, de Harvard et de Columbia – ont averti que la Tunisie était sur le point de revenir aux « époques les plus sombres de la dictature » ​​après les gains durement gagnés du Printemps arabe de 2011.

Au moment de la publication de cet article, la lettre comptait 159 signatures.

« Tous ceux qui croient aux valeurs communes de liberté et de démocratie dans le monde doivent les soutenir dans leur lutte pour la liberté »

- Extrait de la lettre

Les signataires incluent les professeurs Noam Chomsky, Charles Taylor, John Esposito, Francis Fukuyama, Anne Norton, Philippe Schmitter, Clement H. Moore, Olivier Roy, Yvonne Haddad, Robin Niblett, Donald L. Horowitz, François Burgat, Jocelyne Cesari, Larry Diamond, Owen Fiss, Anthony Kronman, Marwan Muasher, John Entelis, Burhan Ghalioun, Ellen Lust, Khaled Abou El Fadl, John Keane ou encore Charles Tripp.

« Alors que les leaders d’opposition progressent vers la présentation d’un front uni, diversifié et large pour la restauration de la démocratie, ils sont confrontés à une vaste campagne d’arrestations arbitraires, d’accusations à motivation politique, de diabolisation et de menaces », écrivent-ils.

« Tous ceux qui croient aux valeurs communes de liberté et de démocratie dans le monde doivent les soutenir dans leur lutte pour la liberté. »

« Une tentative désespérée d’éliminer les principales voix de l’opposition »

Cette lettre est diffusée alors que Rached Ghannouchi a été condamné lundi 15 mai à un an de prison pour « apologie du terrorisme ».

Le chef du principal parti d’opposition tunisien, Ennahdha, avait été arrêté le 17 avril et placé sous mandat de dépôt à la suite de déclarations dans lesquelles il avait affirmé que la Tunisie serait menacée d’une « guerre civile » si les partis de gauche ou ceux issus de l’islam politique comme Ennahdha y étaient éliminés.

L’opposant, bête noire du président Saied, avait également été entendu en novembre 2022 par un juge du pôle judiciaire antiterroriste pour une affaire en lien avec l’envoi présumé d’islamistes radicaux armés en Syrie et en Irak.

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Rached Ghannouchi fait également l’objet d’une enquête par les autorités pour blanchiment d’argent et incitation à la violence, accusations qu’il nie et que ses partisans affirment être politiquement motivées.

Dans un communiqué publié lundi, le parti Ennahdha a dénoncé « une sentence politique injuste », évoquant des « procès politiques [à l’issue] déjà décidée », et appelé « à la libération immédiate » de son président.

« Nous soussignés, universitaires et personnalités publiques, exprimons notre solidarité avec M. Ghannouchi et tous les démocrates tunisiens injustement arrêtés ou poursuivis, et appelons les autorités tunisiennes à libérer tous les prisonniers politiques en Tunisie », indique la lettre.

« Les accusations portées contre [Ghannouchi] et d’autres dirigeants de l’opposition sont une tentative désespérée d’éliminer les principales voix de l’opposition à la destruction de la démocratie en Tunisie et de détourner l’attention de l’aggravation des crises politiques, économiques et sociales dans le pays », indique la lettre.

Kais Saied, un ancien professeur de droit constitutionnel, a été démocratiquement élu président en 2019 sur la promesse de combattre la corruption et de mettre fin au chaos politique. Mais en 2021, il s’est arrogé tous les pouvoirs puis a dissous le Parlement dont Rached Ghannouchi était président.

Depuis, il a arrêté des journalistes, des militants et des opposants politiques dans ce qu’Amnesty International a qualifié de « chasse aux sorcières à motivation politique ».

« À 81 ans, M. Ghannouchi est reconnu comme l’un des plus éminents défenseurs de la démocratie dans le monde arabe. Il est l’une des voix s’exprimant de façon soutenue et constante pour la modération et contre l’extrémisme », rappellent les signataires.

« La perte de ces voix et de la démocratie en Tunisie serait une perte tragique bien au-delà des frontières du pays », ajoutent-ils.

Jeudi, l’ONG de défense des droits de l’homme Amnesty International a également dénoncé la condamnation de Rached Ghannouchi en vertu des lois antiterroristes tunisiennes.

« Les autorités tunisiennes utilisent de plus en plus des lois répressives aux termes vagues comme prétexte pour réprimer et arrêter, enquêter et, dans certains cas, poursuivre des dissidents et des personnalités de l’opposition », a déclaré dans un rapport Rawya Rageh, directrice adjointe par intérim d’Amnesty pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« La condamnation de Rached Ghannouchi montre une répression croissante des droits de l’homme et de l’opposition et un schéma profondément inquiétant. »

Traduit partiellement de l’anglais (original).

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