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Le système de prêt punitif du FMI appauvrit les pays en difficulté. Cela doit cesser

Les commissions additionnelles handicapent des économies déjà en difficulté telles que celles de l’Égypte, de la Tunisie et de la Jordanie. Cette pratique contraire au droit relatif aux droits de l’homme et aux propres statuts du FMI doit disparaître
Le siège du Fonds monétaire international, à Washington (AFP)

Le Fonds monétaire international (FMI) impose des frais additionnels aux économies en difficulté – précisément parce qu’il s’agit d’économies en difficulté.

Dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), le FMI a revu à la hausse les frais de prêt de la Tunisie, de l’Égypte et de la Jordanie en ajoutant ces commissions additionnelles, soumettant ainsi ces pays à une pression financière accrue. Le motif de cette politique ne tient pas et son caractère discriminatoire doit être dénoncé par les États membres de l’Union européenne.

Sans les taxes additionnelles de prêt, l’Égypte pourrait sortir des centaines de milliers de personnes de la pauvreté. Le pays paie plus de 167 millions de dollars de commissions additionnelles chaque année en sus de son service de la dette et de sa taxe de prêt au FMI. L’Égypte est aussi l’un des pays de la région exposés à un grave risque de défaut de paiement.

Ces coûts additionnels sont calculés en fonction de l’ampleur et de la durée du prêt et peuvent plus que doubler le coût des prêts contractés par ces pays

Si le FMI mettait fin à sa politique de commissions additionnelles, le gouvernement égyptien pourrait utiliser ces fonds pour étendre son régime de protection sociale afin d’y inclure plus de 688 000 familles égyptiennes vivant sous le seuil de pauvreté.

Cela ferait passer 2,7 % de tous les foyers égyptiens au-dessus du seuil de pauvreté et engendrerait ainsi une baisse de plus de 9 % du taux de pauvreté.

Les commissions additionnelles sont des paiements complémentaires s’ajoutant aux intérêts réguliers et autres frais. Les pays doivent les régler au FMI s’ils présentent un niveau élevé de dette auprès de l’institution.

Ces coûts additionnels sont calculés en fonction de l’ampleur et de la durée du prêt et peuvent plus que doubler le coût des prêts contractés par ces pays. Dans le monde, quatorze pays, tous en grande difficulté financière, sont concernés par ces commissions additionnelles. Dans la région MENA, la Jordanie, l’Égypte et la Tunisie doivent s’en acquitter. 

Une situation désespérée

Selon le FMI, cette politique de commissions additionnelles vise à motiver le pays à rembourser son prêt. Cette mesure est également présentée comme une contribution nécessaire à l’encaisse de précaution du FMI. 

Toutefois, compte tenu des conditions politiques défavorables qui suivent les prêts (telles que des coupes franches dans les dépenses sociales), les pays ne sont pas prompts à conserver l’aide du FMI à moins d’être dans une situation désespérée.

Par ailleurs, ce revenu supplémentaire n’est pas nécessaire pour assurer l’encaisse de précaution du FMI : aucun renforcement financier n’est actuellement nécessaire puisque son solde est plus que sain.

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En outre, les revenus constitués par les commissions additionnelles représentent environ 0,18 % des ressources disponibles totales pour les prêts. Par conséquent, ces revenus n’ont aucun impact sur la capacité de prêt du FMI.

Par ailleurs, même si le FMI avait besoin de davantage de sécurité financière, pourquoi cette responsabilité devrait-elle être endossée par les pays les plus touchés par des crises ?

La région MENA est particulièrement vulnérable aux chocs : les inégalités sont endémiques, les dispositifs de protection sociale sont rares voire inexistants et les économies sont fortement dépendantes des importations de denrées alimentaires.

La région a déjà été secouée par les crises économiques, le covid-19, ainsi que l’agitation politique et armée.

Alors qu’une crise mondiale de la dette est annoncée, la région MENA connaît déjà cette crise : il s’agit de la région la plus endettée par pourcentage de PIB. Sur les trois pays MENA concernés par les commissions additionnelles, deux – l’Égypte et la Tunisie – figurent parmi les cinq pays au monde avec le plus haut risque de défaut de paiement de leurs dettes.

Une violation du droit international relatif aux droits de l’homme

La vulnérabilité de la région se reflète dans le grand nombre de prêts passés avec le FMI : dix-huit accords ont été signés avec des pays arabes entre 2010 et 2021, ce qui offre au FMI une présence politique énorme dans la région.

Les commissions additionnelles ne sont pas simplement des frais complémentaires inopportuns dont on se passerait bien. Ils sont contraires au droit relatif aux droits de l’homme ainsi qu’aux propres statuts de l’organisation. Le tout premier article de l’institution stipule en effet que les prêts du FMI ne peuvent être « préjudiciables à la prospérité nationale ou internationale ».

Le marché de Halfaouine, près du centre de Tunis, le 15 février 2022 (AFP)
Le marché de Halfaouine, près du centre de Tunis, le 15 février 2022 (AFP)

Les commissions additionnelles sont également contraires au droit international relatif aux droits de l’homme, selon lequel les pays ne doivent pas faire l’objet de discriminations en raison de leur statut économique.

Par ailleurs, les institutions financières internationales ne doivent pas compromettre la capacité des États à générer, allouer et utiliser leurs ressources pour investir au maximum afin d’assurer le plein exercice des droits de l’homme, comme le requiert le droit international relatif aux droits de l’homme, conformément à l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Les commissions additionnelles sont contraires au droit international relatif aux droits de l’homme, selon lequel les pays ne doivent pas faire l’objet de discriminations en raison de leur statut économique

L’implication des États membres de l’UE dans ce débat est cruciale. Ils doivent exiger que le FMI place le respect des droits de l’homme au cœur de sa politique et de ses pratiques.

En décembre, le Conseil exécutif du Fonds monétaire international a discuté du rôle de la politique de commissions additionnelles, mais des pays riches tels que les États-Unis et l’Allemagne se sont prononcés contre tout changement.

Les États membres de l’UE doivent peser de tout leur poids pour s’assurer que le FMI évolue de manière à s’aligner davantage sur les valeurs démocratiques et les droits de l’homme.

Le meilleur moyen pour y parvenir – lequel est également le plus simple – est de mettre fin aux commissions additionnelles.

- Frederik Johannisson est coordinateur du Programme pour les droits économiques, sociaux et culturels à EuroMed Droits.

- Rasmus Alenius Boserup est le directeur général d’EuroMed Droits.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Frederik Johannisson, Coordinator of Economic, Social and Cultural Rights Programme at EuroMed Rights
Rasmus Alenius Boserup is EuroMed Rights Executive Director
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