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Un an après le drame migratoire de Melilla, personne n’a été tenu responsable

Cinq ONG espagnoles ont déposé une plainte la semaine dernière à Melilla dans l’espoir que s’ouvre un procès, « seule option qui reste aux survivants, aux victimes et à leurs familles pour connaître la vérité et obtenir justice »
Un migrant soudanais est photographié dans le centre temporaire pour immigrants et demandeurs d’asile dans l’enclave espagnole de Melilla, près de la ville marocaine de Nador, le 25 juin 2022 (AFP/Fadel Senna)
Un migrant soudanais est photographié dans le centre temporaire pour immigrés et demandeurs d’asile dans l’enclave espagnole de Melilla, près de la ville marocaine de Nador, le 25 juin 2022 (AFP/Fadel Senna)
Par AFP

Il y a un an, au moins 23 migrants trouvaient la mort en tentant d’entrer dans l’enclave espagnole de Melilla, située sur la côte nord du Maroc. Un drame qui reste à ce jour impuni, dénoncent les défenseurs des droits humains.

Malgré le tollé suscité par l’action des polices marocaine et espagnole, « l’impunité reste totale », dénonce Miguel Urbán Crespo, eurodéputé espagnol de gauche radicale.

De quoi créer un « précédent terrible pour l’Europe » et « pour l’Espagne », dit à l’AFP ce parlementaire, l’une des voix les plus critiques sur l’action du Maroc et de l’Espagne.

Un membre des forces de sécurité marocaines garde la barrière qui sépare la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla, le 26 juin 2022 (AFP/Fadel Senna)
Un membre des forces de sécurité marocaines garde la barrière qui sépare la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla, le 26 juin 2022 (AFP/Fadel Senna)

Le 24 juin, près de 2 000 clandestins originaires principalement du Soudan – pays très pauvre miné par les conflits –  avaient tenté de pénétrer à Melilla, en prenant d’assaut la haute clôture séparant cette enclave espagnole de la ville marocaine de Nador. 

Selon Rabat, 23 migrants ont trouvé la mort, soit le bilan le plus lourd jamais enregistré lors des tentatives d’intrusion dans cette enclave ou dans celle de Ceuta, les deux seules frontières de l’Union européenne (UE) sur le continent africain.

L’ONG Amnesty International et des experts indépendants nommés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU évoquent pour leur part un bilan d’au moins 37 morts alors que 76 migrants sont portés disparus, selon des groupes de défense des droits humains.

Aspergés de gaz lacrymogène et battus

Pointés du doigt, le Maroc et l’Espagne ont nié tout usage excessif de la force et accusé les migrants d’avoir été « violents » envers leurs policiers. 

Selon Rabat, certains migrants sont morts en tombant de la clôture métallique, les autres ayant été étouffés dans des « bousculades ».

« On ne peut pas conclure que l’action des agents ‘’espagnols’’ ait augmenté le risque pesant sur la vie et l’intégrité physique des migrants », a abondé fin décembre le parquet espagnol, qui a classé sans suite son enquête ouverte au lendemain du drame.

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Pour le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska Gómez, fragilisé par l’affaire, cette décision a constitué un soulagement. Mais pour les associations de défense des droits humains, elle traduit un manque de volonté des deux voisins pour faire émerger la vérité.

D’après Amnesty International, des migrants auraient en effet été aspergés de gaz lacrymogène et battus alors qu’ils se trouvaient au sol. Des accusations relayées par la BBC ou le consortium de journalistes Lighthouse Reports, qui ont dénoncé la brutalité des forces marocaines, vidéos à l’appui. 

Pour Jon Iñarritu, député espagnol du parti séparatiste basque Bildu, qui s’est rendu à Melilla peu après la tragédie, l’enquête espagnole – qui n’a pas permis de faire la lumière sur le nombre exact de morts ou sur les raisons des décès – a été close « prématurément ».

« Il est évident que le gouvernement espagnol ne veut pas fâcher les autorités marocaines », juge l’élu, pour qui Madrid, qui s’est rabiboché l’an dernier avec Rabat, craint une riposte du Maroc, qui pourrait laisser passer les migrants, comme il a été accusé de l’avoir fait lors de précédentes tensions entre les deux pays.

Selon une source au sein du ministère marocain de l’Intérieur, aucune tentative de traversée illégale n’a été enregistrée vers Melilla via Nador en 2023 contre seize avortées en 2022.

Traduction : « Un an après les horribles abus à la frontière de Melilla. L’Espagne et le Maroc nient toujours la responsabilité des morts et des disparitions. Aucune enquête exhaustive et impartiale. Manque d’accès aux informations officielles, soutien dévastateur pour les familles des disparus. »

Au Maroc, le parquet de Nador a également ouvert une enquête qui n’a pas permis de déterminer la moindre responsabilité.

En revanche, 87 survivants du drame ont été condamnés, notamment pour « appartenance à une bande criminelle d’immigration clandestine », à des peines allant jusqu’à quatre ans de prison, selon l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH).

De nombreuses « questions restent en suspens »

Omar Naji, son président à Nador, réclame l’ouverture d’une enquête indépendante car de nombreuses « questions restent en suspens », notamment sur le sort des disparus.

Traduction : « Une phrase est restée dans ma tête, qui nous a été dite par une citoyenne de Melilla à @JoseAntonio_BG et à moi, c’est : ‘’La clôture est une machine de mort’’. »

Un avis partagé par Hassan Ammari, président de l’association marocaine d’Aide aux migrants en situation vulnérable (AMSV), pour qui des morts auraient « pu être évitée[s] si les ambulances étaient arrivées plus tôt ».

Cinq ONG espagnoles ont déposé une plainte la semaine dernière à Melilla dans l’espoir que s’ouvre un procès, « seule option qui reste aux survivants, aux victimes et à leurs familles pour connaître la vérité et obtenir justice », selon Helena Maleno, de l’ONG Caminando Fronteras.

Selon l’AMDH et les autorités marocaines, un seul des migrants décédés a pu être identifié et enterré par sa famille. Les autres sont toujours à la morgue de Nador, dans l’attente des résultats de tests ADN nécessaires pour les identifier.

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