Le directeur d’une ONG britannique lie son interdiction de séjour en France à sa critique des « politiques islamophobes » du pays
Le directeur d’une association britannique de défense des droits des musulmans a accusé le gouvernement français de lui interdire l’entrée dans le pays parce qu’il ne pouvait pas selon lui gérer « une critique publique forte et intelligente » de sa politique envers les musulmans français.
La semaine dernière, Muhammad Rabbani, le directeur général de CAGE, ONG basée à Londres, s’est vu interdire l’entrée en France et a été détenu pendant 24 heures après que les autorités françaises ont jugé qu’il menaçait « l’ordre public ».
Le ministère français de l’Intérieur a remis à Rabbani une ordonnance d’interdiction l’accusant de répandre des théories du complot sur la « persécution islamophobe » en France.
« J’étais un détenu, ils m’ont mis dans une cellule et m’ont enfermé pendant quelques heures avant de me mettre dans un centre de détention français où se trouvaient des demandeurs d’asile et d’autres personnes en attente d’expulsion », a raconté Rabbani.
« Puis quelqu’un de la division de la sécurité nationale du ministère français de l’Intérieur est venu m’interroger après qu’un policier m’eut remis la lettre m’interdisant l’accès dans le pays. »
Lorsqu’on lui a demandé s’il avait été surpris par l’ordre d’interdiction et son arrestation, Rabbani a répondu : « Je fais ce travail depuis près de deux décennies et je ne peux pas dire que j’étais inquiet – c’est comme un risque professionnel – mais ce n’est pas quelque chose à quoi vous vous attendez dans une démocratie libérale occidentale, preuve d’un style de gouvernement autoritaire face à une critique publique forte et intelligente. »
Après son retour au Royaume-Uni, Rabbani a déclaré qu’il avait ensuite été arrêté par la police britannique pendant 90 minutes et interrogé en vertu de l’annexe 7 de la loi britannique sur le terrorisme – qui octroie des pouvoirs controversés à la police des frontières lui permettant de détenir et interroger toute personne passant par un aéroport ou un port afin de déterminer son éventuelle implication dans des actes de terrorisme.
En 2017, Rabbani avait été condamné en vertu de la loi sur le terrorisme pour avoir refusé de donner les mots de passe de son ordinateur et de son téléphone portable à l’aéroport d’Heathrow une fois questionné dans le cadre de l’annexe 7 de la loi.
Rabbani a déclaré qu’il allait explorer toutes les voies légales pour annuler l’interdiction française.
En 2020, le ministère français de l’Intérieur avait déjà interdit à Rabbani l’entrée en France. Cependant, en 2022, après deux ans de litige, un tribunal administratif français avait annulé l’interdiction.
La nouvelle interdiction a été révélée au moment où la situation en France était toujours tendue après plusieurs jours de troubles civils dans les villes du pays provoqués par la mort de Nahel Merzouk, un adolescent d’origine algérienne et marocaine abattu par un policier à Nanterre, à l’ouest de Paris.
Le ministère de l’Intérieur a exposé les raisons de l’interdiction de Rabbani dans un document daté du 31 octobre 2022, selon lequel « sa présence sur le territoire national constituerait une menace grave pour l’ordre public et [la] sécurité intérieure de la France ».
Le document cite la condamnation de Rabbani au Royaume-Uni pour avoir refusé de divulguer le code d’accès de son portable lorsqu’il a été arrêté en 2017 en vertu des pouvoirs conférés par l’annexe 7.
La France a imposé l’interdiction un mois après un discours prononcé par Rabbani lors d’une réunion de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Pologne en septembre 2022, durant lequel il a accusé la France d’avoir un « programme gouvernemental raciste » et de « terroriser » sa communauté musulmane.
Il a également déclaré à cette occasion que la France avait « rejoint la Chine et l’Inde, qui exposent toute une minorité musulmane à la persécution religieuse ».
Muhammad Rabbani a commenté son interdiction en disant : « On m’a interdit d’entrer en France à cause d’un discours que j’ai prononcé à la conférence de l’OSCE en septembre de l’année dernière où je soulignais et exposais la stratégie policière répressive qui cible les musulmans. »
Middle East Eye a contacté le ministère français de l’Intérieur pour obtenir des commentaires.
Traduit de l’anglais (original).
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