Émeutes en France : la vie des musulmans, des Noirs et des Arabes ne compte pas pour la police raciste
À la veille d’une des fêtes les plus observées chez les musulmans, l’Aïd al-Adha, Nahel Merzouk, adolescent français d’origine algérienne et marocaine, a été brutalement tué par un policier lors d’un contrôle routier.
Au départ, la police a présenté l’incident comme une affaire de légitime défense. Malheureusement pour elle, la scène a été filmée et a prouvé le mensonge de la version officielle. Les images prouvent que Nahel n’a jamais menacé en aucune façon la vie des policiers.
Il s’est fait tirer dessus à bout portant lorsqu’il a tenté de fuir. Partagée sur les réseaux sociaux, la vidéo est instantanément devenue virale, déclenchant une vague d’indignation à travers tout le pays quelques heures seulement après sa mort.
Occupés à préparer une fête religieuse joyeuse, l’état d’esprit des musulmans français est passé de la joie au chagrin.
Les soulèvements ont commencé à Nanterre, sur les lieux de sa mort. La nuit suivante, ils se sont propagés au reste du pays. Les manifestants ont visé les institutions de l’État : à travers le pays, ils ont incendié des mairies, s’en sont pris à des commissariats et ont vandalisé des écoles. Ils ont pillé des magasins et des supermarchés.
Fait notable, la plupart des manifestants impliqués dans les émeutes sont des adolescents. Face à eux, l’État a eu recours à des méthodes de contrinsurrection draconiennes.
À partir de jeudi soir, le ministère de l’Intérieur a déployé 45 000 policiers et gendarmes. L’utilisation d’armes militaires – y compris des gaz lacrymogènes et des véhicules blindés – a été banalisée pour calmer les émeutes. Des centaines de personnes ont été arrêtées. Les tribunaux ont prononcé les premières peines de prison ce week-end.
Ces émeutes sont l’expression limpide de la frustration et de la colère vis-à-vis d’une injustice flagrante.
Lucides, les manifestants considèrent l’État – et ses institutions – comme le principal responsable de leur souffrance. Les émeutes sont une forme de dissidence politique exprimée par une génération d’adolescents musulmans et racisés dont les vies sont jugées inférieures, de peu de valeur et insignifiantes par l’État français.
Violences systémiques
La France a un passif de meurtres racistes et islamophobes perpétrés par la police.
Depuis 1991, au moins 21 soulèvements violents d’ampleurs diverses ont éclaté après des crimes racistes commis par la police. Rien qu’en 2022, au moins un homme d’origine africaine est mort aux mains de la police chaque mois.
Cette brutalité trouve ses racines dans le passé colonial de la France : la fonction des forces de maintien de l’ordre était de soumettre la population musulmane autochtone aux « valeurs de la République », empêchant l’expression légitime de sa dissidence politique.
Cette brutalité trouve ses racines dans le passé colonial de la France : la fonction des forces de maintien de l’ordre était de soumettre la population musulmane autochtone aux « valeurs de la République », empêchant l’expression légitime de sa dissidence politique
Les forces de police actuelles ont hérité de ce rôle dans un contexte différent. Les violences policières sont un problème systémique aux objectifs politiques spécifiques : c’est le moyen utilisé par l’État français pour protéger les valeurs républicaines et faire violemment obstruction à la croissance politique des minorités ethniques et musulmanes.
Les violences policières et les meurtres commis par la police ne sont pas des événements marginaux ou une abjecte exception aux normes. Les violences policières sont la norme dans les quartiers musulmans.
Vendredi, la porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU (HCDH), Ravina Shamdasani, a fait part dans un communiqué de son inquiétude par rapport au décès du jeune Nahel. « C’est le moment pour le pays de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre », a-t-elle déclaré.
La législation qui régule les pratiques policières a été conçue dans l’intention de protéger sa fonction islamophobe et raciste. Elle est façonnée pour protéger l’immunité de la police, donnant aux policiers carte blanche face aux musulmans et racisés.
Dans le cas du meurtre de Nahel, la législation applicable – qui règlemente l’utilisation des armes par la police – a été adoptée en 2017 dans un contexte de montée de l’islamophobie pour assouplir le cadre légal régulant l’intervention de la police dans les quartiers à majorité musulmane. Selon ses détracteurs, cela a donné à la police un « permis de tuer ».
Une atmosphère étouffante
Le crime commis par la police à la veille de l’Aïd n’explique pas à lui seul l’ampleur significative des émeutes.
Il faut les remettre dans le contexte de la situation actuelle de la France pour comprendre les mobiles qui animent tant de jeunes citoyens français. En effet, une atmosphère raciste et islamophobe plombe le pays.
L’islamophobie est au cœur du discours politique français : la criminalisation de l’islam et des musulmans est devenue la norme.
Comme le met en évidence un témoignage auprès d’un conseiller municipal, l’islamophobie bien ancrée a fourni le terreau à cette violence : « Écoutez, c’est tout, ils critiquent notre religion, ils pensent qu’on est analphabètes, qu’on est de la merde, ça suffit. »
Les médias français et les hommes politiques se sont lancés dans une pratique courante consistant à diffamer la victime en suggérant un passé criminel. Ce discours vise à amoindrir la gravité de sa mort. Les structures de pouvoir utilisent systématiquement cette tactique pour relativiser les crimes de haine de l’État.
Le profil de la victime n’est pas pertinent dans ces affaires. La délinquance ne justifie pas d’être tué par les forces de l’ordre. Ce discours déshumanisant visant un enfant assassiné ne fait qu’aliéner davantage les citoyens français d’origine musulmane et racisée.
Les médias et politiciens ont tenté de dépeindre les soulèvements comme une manifestation de crise morale et éducative, niant leur nature politique. Le président français Emmanuel Macron en a appelé au sens de la responsabilité des parents.
Selon ce second discours, la violence n’est pas une réponse naturelle à une injustice grave, c’est le comportement incompréhensible d’enfants dû au manque d’attention et d’éducation de leurs parents.
Au lieu de tenter de comprendre les doléances politiques légitimes exprimées par la violence, ces deux discours montrent du doigt et accusent les victimes de l’islamophobie et du racisme d’État. Ils servent de catalyseur à la violence, alimentant la frustration et la détermination des émeutiers.
Abolition de la police
Ce cadre illustre les conséquences de la déshumanisation d’une frange de la population par l’État.
Nier son droit à la sécurité, ses doléances et son expression politique, et restreindre ses droits fondamentaux prouvent à quel point l’État français méprise son existence.
Nier le droit à la sécurité d’une frange de la population, ses doléances et son expression politique, et restreindre ses droits fondamentaux prouvent à quel point l’État français méprise son existence
La vie des Arabes, la vie des Noirs et la vie des musulmans ne comptent pas. On peut la fouler aux pieds et les en priver à volonté.
Il est encore possible de trouver une issue.
Réformer la police est irréaliste, comme cela a déjà été prouvé. Sa fonction est islamophobe et raciste. En outre, plus de la moitié de ses membres soutient des partis d’extrême droite, par conséquent, seul son abolition totale pourrait aboutir à un changement systémique.
La colère des jeunes émeutiers est une réponse prévisible à un meurtre perturbant. Si la répression de l’État peut mettre un terme aux émeutes, cela ne changera pas l’état d’esprit des manifestants à long terme, car les causes profondes persistent.
Comme l’a écrit Frantz Fanon dans Les Damnés de la Terre : « Les répressions, loin de briser l’élan, scandent les progrès de la conscience nationale. »
- Rayan Freschi est un chercheur de l’ONG Cage basé en France. Il est l’auteur du rapport « Nous commençons à répandre la terreur », publié par Cage, qui dévoile l’existence d’une persécution des musulmans par l’État français.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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