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Iran : les BRICS peuvent-ils aider Téhéran à se libérer des sanctions occidentales ?

Isolé depuis des décennies par les sanctions, Téhéran a besoin d’une nouvelle plateforme multilatérale pour son commerce régional et international
Le président iranien Ebrahim Raïssi participe au sommet des BRICS à Johannesburg (Afrique du Sud), le 24 août 2023 (AFP)
Le président iranien Ebrahim Raïssi participe au sommet des BRICS à Johannesburg (Afrique du Sud), le 24 août 2023 (AFP)

Après la demande officielle d’adhésion de l’Iran aux BRICS formulée l’été dernier, on ne s’attendait pas à ce que l’invitation arrive en à peine plus d’un an. L’adhésion de l’Iran à l’Organisation de coopération de Shanghai, par exemple, a pris une quinzaine d’années

La demande d’adhésion aux BRICS a été considérée comme une décision stratégique de la part du gouvernement du président iranien Ebrahim Raïssi. Ce gouvernement semble adopter une vision pragmatique et réaliste du potentiel économique du bloc des BRICS, plutôt que de chercher à exploiter cette alliance à des fins de politique intérieure. 

Le gouvernement Raïssi n’a pas l’intention de renoncer à l’adhésion à des alliances internationales et régionales en échange de meilleures relations avec l’Occident.

Selon Ali Bagheri, vice-ministre iranien des Affaires étrangères, le pays « doit rechercher des intérêts nationaux en Orient et en Occident et ne doit pas s’appuyer sur une seule partie du monde » (AFP/Alex Halada)
Selon Ali Bagheri, vice-ministre iranien des Affaires étrangères, le pays « doit rechercher des intérêts nationaux en Orient et en Occident et ne doit pas s’appuyer sur une seule partie du monde » (AFP/Alex Halada)

À son retour du récent sommet des BRICS en Afrique du Sud, Raïssi a déclaré que l’Iran n’utiliserait pas la politique étrangère en vue de gains politiques internes. « Nous cherchons à garantir les intérêts nationaux, [notamment] la levée des sanctions et le développement de relations avec les États voisins », a-t-il souligné. 

Selon Ali Bagheri, vice-ministre iranien des Affaires étrangères, le pays « doit rechercher des intérêts nationaux en Orient et en Occident et ne doit pas s’appuyer sur une seule partie du monde. »

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a affirmé que l’adhésion de l’Iran aux BRICS renforçait l’objectif du pays de soutenir le multilatéralisme.

Au-delà de la rhétorique, cependant, l’Iran a publiquement soutenu le programme de dédollarisation des BRICS, visant à développer ses liens commerciaux avec les puissances émergentes du sud, tout en s’éloignant de la domination américaine sur les institutions financières mondiales.

Des politiques coercitives

Raïssi a déclaré lors du sommet que l’Iran disposait de « capacités uniques » et était « prêt à participer aux trois volets des BRICS, à savoir la sécurité politique, l’économie et les finances, et le social ».

Il a ajouté : « Grâce à sa position unique en tant que pays de transit, à ses vastes ressources énergétiques et à ses capacités scientifiques et techniques élevées, [l’Iran] désire coopérer avec les membres des BRICS dans le cadre de projets économiques et d’investissement conjoints. »  

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En marge du sommet des BRICS, un accord bilatéral a été conclu en vue du développement par l’Iran de cinq raffineries en Afrique du Sud, tandis que Téhéran a également engagé des pourparlers pour adhérer à la Nouvelle banque de développement des BRICS, ce qui pourrait l’aider à obtenir des financements pour des projets d’infrastructure essentiels, tels que le corridor nord-sud reliant l’Inde à la Russie via l’Iran. 

Dans le cadre de leurs politiques visant à isoler l’Iran, les États-Unis et les pays européens refusent à Téhéran l’accès aux systèmes financiers mondiaux depuis plus de quatre décennies, tandis que les sanctions américaines unilatérales poussent les pays non occidentaux à suivre les politiques coercitives de Washington à l’égard de l’Iran. 

Jugeant une levée définitive des sanctions hautement improbable, Téhéran s’attend clairement à ce que l’adhésion aux BRICS lui offre de nouvelles opportunités pour faciliter son commerce extérieur sans dépendre du dollar et du système financier occidental. En parallèle, le gouvernement de Raïssi souhaite diversifier les relations financières et économiques avec les pays du Sud et éviter ainsi une dépendance excessive à l’égard de Beijing et de Moscou.

Les think tanks du gouvernement iranien estiment toutefois que l’Iran doit se montrer réaliste quant aux capacités des BRICS et ne pas les considérer comme une force anti-occidentale. Les BRICS manquent encore de coordination politique et stratégique entre leurs membres, tandis que la concurrence interne entre des États tels que la Chine et l’Inde demeure un outil clé permettant aux États-Unis de limiter l’efficacité du groupe. 

Au sein des BRICS, la tendance dominante semble actuellement consister à adhérer à l’ordre international existant en évitant toute confrontation coûteuse avec les structures économiques et politiques traditionnelles. 

Le président russe Vladimir Poutine, par exemple, n’a pas participé au récent sommet des BRICS en Afrique du Sud en raison du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. La Nouvelle banque de développement a également fait savoir qu’elle n’envisagerait pas de nouveaux projets en Russie compte tenu des sanctions occidentales. 

Par ailleurs, les relations stratégiques de l’Inde avec les États-Unis et sa participation à des initiatives géoéconomiques telles que le groupe I2U2 – un partenariat entre l’Inde, Israël, les Émirats arabes unis et les États-Unis – montrent que New Delhi accorde toujours une grande importance à ses partenaires occidentaux clés. 

Téhéran ne peut s’attendre à ce que les BRICS modifient fondamentalement son économie nationale, son commerce extérieur ou ses transactions financières dans l’immédiat

Certains des membres fondateurs des BRICS, comme le Brésil et l’Inde, ainsi que certains de ses futurs membres, comme les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, sont des partenaires régionaux et des alliés des États-Unis. Ils ne proposent pas de remplacer les normes financières et économiques mondiales dirigées par les États-Unis par d’autres dictées par les BRICS, en dépit des initiatives de Riyad et Abou Dabi en faveur d’un commerce bilatéral dédollarisé avec la Chine et l’Inde. 

En attendant, les BRICS restent la seule plateforme reliant l’Iran et ces pays. Mais en l’absence d’accords spécifiques ou de normes commerciales, Téhéran ne peut s’attendre à ce que les BRICS modifient fondamentalement son économie nationale, son commerce extérieur ou ses transactions financières dans l’immédiat. 

La poursuite des négociations visant à supprimer ou à réduire les sanctions occidentales, ainsi que les discussions entre les membres des BRICS en vue de créer des mécanismes et des règles transparentes pour les transactions financières, sont des conditions préalables essentielles pour que l’Iran puisse faire des BRICS une plateforme florissante pour poursuivre ses objectifs.

- Fardin Eftekhari est doctorant à la faculté d’études régionales de l’université de Téhéran. Ses recherches sont axées sur la sécurité nationale et la politique étrangère iraniennes. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @EftekhariFardin.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Fardin Eftekhari is a PhD candidate in the Department of Regional Studies at the University of Tehran. His research interests focus on Iranian national security and foreign policymaking. He tweets@EftekhariFardin.
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