« Un destin fracassé par le Printemps arabe » : Saïf al-Islam Kadhafi au cœur d’un nouveau documentaire
Saïf al-Islam Kadhafi est une « énigme ». Parler de lui est « un tabou ».
C’est sans doute la raison pour laquelle le documentaire Le retour : enquête sur Seïf al-Islam Kadhafi, diffusé ce 19 septembre à 23 h 35 sur la chaîne Arte et disponible en ligne, est si passionnant.
Les journalistes Maryline Dumas et Martine Laroche-Joubert racontent, tel un polar, le parcours du plus médiatique des descendants de Kadhafi dont la vie « résume le chaos libyen ».
Après le décès du dictateur libyen Mouammar Kadhafi en 2011, de nombreuses rumeurs ont circulé sur son fils, Seïf al-Islam Kadhafi, longtemps présumé mort ou fou. Il réapparaît aujourd’hui sur la scène politique de son pays. Le reportage complet 👇https://t.co/N6HJoAPT17 pic.twitter.com/ZpjVzZLZfv
— ARTE Info (@ARTEInfo) September 14, 2023
Né en 1972, Saïf al-Islam est le second fils de Mouammar Kadhafi. Dans les années 2000, après avoir été l’un des émissaires de la Jamahiriya arabe libyenne en Europe, où il étudie, il devient le nettoyeur des atrocités du pouvoir libyen.
À travers sa Fondation internationale Kadhafi pour la charité et le développement, il participera à la libération d’otage aux Philippines et négociera l’indemnisation pour les victimes de deux attentats où la Libye est impliquée… Son objectif ? Faire revenir la Libye du ban des nations après des années d’embargo et de sanctions internationales.
Prisonnier des milices
En 2007, avec la visite de Mouammar Kadhafi à Paris, il semblait avoir réussi. Mais en 2011, tout bascule. Le Printemps arabe éclate en Libye, un pays grand comme trois fois la France, pour seulement 7 millions d’habitants, un des plus riches d’Afrique grâce à son gaz et son pétrole. Surprenant le monde, Saïf al-Islam choisit de soutenir son père.
Il est le premier à accuser Nicolas Sarkozy concernant le financement de sa campagne présidentielle.
Le documentaire reprend d’ailleurs des images de l’entretien accordé par Saïf al-Islam à Euronews et au cours duquel on voit l’ancien play-boy dire, face caméra : « La première chose que l’on demande à ce clown c’est de rendre l’argent au peuple libyen […] Nous avons tous les détails, les documents, les opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement. »
L’ex-président français a toujours contesté ces accusations qui, selon lui, ne reposent sur aucun fondement matériel malgré plus de onze ans d’investigations.
Après l’assassinat de son père, Saïf al-Islam est fait prisonnier par une milice de Zintan, dans l’ouest de la Libye. Isolé, privé de liberté pendant plusieurs années, il réapparaît, candidat à la présidentielle, le 19 mars 2018. Le scrutin, un temps attendu en 2019, ne s’est toujours pas tenu et la candidature de Saïf al-Islam a certainement participé à ce report.
Le documentaire contient des images et des témoignages inédits d’acteurs de cette époque – comme celui de Gene Cretz, ambassadeur américain en Libye de 2009 à 2012 –, rencontrés à Vienne, Londres, Tunis ou encore Zintan, où Saïf al-Islam se cacherait aujourd’hui.
On y entend aussi le bras droit de Saïf al-Islam, qui a préféré garder l’anonymat, et son mentor, le juriste Mohamed El Huni, confier : « Le problème de Saïf al-islam est qu’il voulait gouverner dans l’ombre de son père, ce qui est impossible. »
Fred Abrahams, envoyé spécial de Human Rights Watch en Libye, qui a pu voir Saïf al-Islam à l’époque où il était prisonnier des milices, raconte également une rencontre qu’il n’oubliera jamais : « C’était une expérience surréaliste de voir quelqu’un qui détenait tant de pouvoir, qui était une figure intouchable en Libye et à l’international, humilié et détenu dans de telles conditions. »
Recherché par la CPI
Saïf al-Islam est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes présumés contre l’humanité commis en juin 2011. Elle l’accuse d’avoir joué un « rôle-clé dans la mise en œuvre d’un plan » conçu par son père visant à « réprimer par tous les moyens » le soulèvement populaire.
Il a également été condamné à mort par contumace par un tribunal de Tripoli en 2015. Mais le groupe rebelle qui l’avait capturé à Zintan a refusé de le livrer aux autorités. Il a été libéré de prison en juin 2017 après l’adoption d’une loi d’amnistie par le Parlement basé dans l’est de la Libye.
« Si Saïf al-Islam Kadhafi reprend le pouvoir, mettra-t-il ses menaces à exécution, venger son clan, éliminer ses ennemis ? », interroge le documentaire en guise de conclusion. « Ou choisira-t-il le pardon, le silence, la dictature ou la démocratie ? »
Pour les Occidentaux comme pour les révolutionnaires libyens, le retour d’un Kadhafi au pouvoir serait en tout cas le symbole de l’échec de la révolution de 2011 qui a mis fin à 42 ans de dictature. Mais désormais libre, il pourrait bien jouer un rôle dans la Libye future, comme il l’a fait par le passé.
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