Guerre Israël-Palestine : la « neutralité » de la Chine est-elle utile ou néfaste ?
La guerre d’Israël contre la bande de Gaza et ses 2,3 millions de Palestiniens a ouvert une nouvelle ère de querelles politiques entre grandes puissances, avec la Chine et la Russie d’un côté et les États-Unis de l’autre. Elles n’ont pas perdu de temps pour échanger les coups.
Israël et les États-Unis ont exprimé leur « déception » face à la position ambiguë de la Chine et à sa non-condamnation du Hamas. L’ambassadeur des États-Unis en Chine a exhorté le président chinois Xi Jinping à dénoncer le Hamas, après que Washington a réitéré son soutien indéfectible à Israël.
Rafi Harpaz, diplomate au ministère israélien des Affaires étrangères, a également exprimé sa « profonde déception » face à la position de la Chine, soulignant que les messages provenant de Pékin ne contenaient « aucune condamnation claire et sans équivoque de la terrible attaque et du massacre odieux commis par l’organisation terroriste du Hamas contre des civils innocents et de l’enlèvement de dizaines d’entre eux vers Gaza ».
La première réaction de la Chine au conflit a été de constater que l’embrasement était la preuve que « l’immobilisme prolongé du processus de paix ne [pouvait] plus durer ». La porte-parole du ministère des Affaires étrangères a ajouté : « L’issue du conflit réside fondamentalement dans la mise en œuvre de la solution à deux États et dans l’établissement d’un État palestinien indépendant. »
Ceci s’inscrit dans le droit fil de la position de longue date adoptée par la Chine à l’égard du conflit israélo-palestinien, et il est très peu probable qu’elle change aujourd’hui, pour plusieurs raisons.
Premièrement, la Chine se distingue de l’Occident dans son approche vis-à-vis de l’ordre international. Elle critique souvent les alliances occidentales, qu’elle considère comme un facteur de déstabilisation du système mondial.
Deuxièmement, la Palestine n’est pas la Russie, même si le président américain Joe Biden a tenté de mettre sur le même plan le Hamas et le président russe Vladimir Poutine en affirmant qu’« ils [voulaient] tous deux complètement anéantir une démocratie voisine ». Les conflits en Ukraine et en Palestine ont renforcé les alliances occidentales, tout en confrontant la Chine, qui entend remettre en cause la domination occidentale, à un test de taille.
« De l’huile sur le feu »
La Chine a refusé de condamner la guerre russe en Ukraine tout en accusant Washington et l’OTAN d’être figés dans une mentalité de guerre froide. Pékin a également accusé Washington de « jeter de l’huile sur le feu » en apportant un soutien militaire à l’Ukraine.
Pourtant, alors que cette même alliance internationale antirusse soutient également Israël dans le conflit actuel au Moyen-Orient, la Chine n’a pas déployé la même rhétorique. Jusqu’à présent, sa seule critique a consisté à affirmer qu’elle était « profondément déçue que les États-Unis bloquent » une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant toute violence contre les civils dans la guerre israélo-palestinienne.
La position de la Chine sur le conflit israélo-palestinien s’est progressivement transformée, se rapprochant de plus en plus de l’État israélien
Troisièmement, la Chine ne s’engage pas unilatéralement et n’assume aucune responsabilité en matière de résolution des conflits internationaux. Ses déclarations privilégient systématiquement un soutien aux efforts internationaux et l’encouragement d’un rôle plus efficace de la part de la communauté internationale. En ce qui concerne la guerre à Gaza, Pékin a exhorté la communauté internationale à « agir de toute urgence, [à] intensifier sa contribution à la question palestinienne […] et [à] trouver un moyen d’instaurer une paix durable », tout en soulignant l’obligation d’agir qui incombe à l’ONU.
Quatrièmement, la rhétorique chinoise de « neutralité » implique une condamnation égale des deux parties. « Répondre à la violence par la violence n’aboutira qu’à un cercle vicieux », a déclaré le ministère des Affaires étrangères à propos de la guerre à Gaza. « La priorité absolue est de cesser les combats et de mettre fin aux hostilités immédiatement. »
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, a condamné tout acte portant atteinte aux civils ainsi que les « mesures qui aggravent le conflit et déstabilisent la région ». La Chine n’a pas explicitement nommé le Hamas dans cette condamnation et n’a pas non plus pris position sur les responsables du massacre de l’hôpital al-Ahli. Dans un communiqué, la Chine a « condamn[é] fermement l’attaque contre l’hôpital à Gaza, qui a causé des pertes massives », tout en appelant « à un cessez-le-feu immédiat et à la cessation des hostilités ».
De lourdes conséquences
Cette « neutralité » dans la condamnation a de lourdes conséquences pour les Palestiniens. Au lieu de les soutenir, elle affaiblit leur position en laissant supposer une équivalence entre les actions agressives des combattants palestiniens et la réponse disproportionnée de l’armée israélienne.
Dans ce contexte, il convient pour la Chine de se remémorer l’éloquente mise en garde de Dante : « Dans l’enfer, les places les plus brûlantes sont réservées à ceux qui, en période de crise morale, maintiennent leur neutralité. »
La dernière observation concerne ce que l’on pourrait qualifier d’impartialité partiale de la Chine dans le conflit israélo-palestinien. Alors que la Chine revendique sa neutralité dans le conflit, les faits sur le terrain témoignent d’un soutien chinois à Israël.
La Chine s’est constamment écartée des normes internationales sur les questions essentielles du conflit, notamment en soutenant la « judéité » de l’État d’Israël, en investissant dans les colonies israéliennes et en renforçant la sécurité économique des colons en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est, ainsi qu’en prônant la normalisation des relations entre les États arabes et Israël, en dépit des répercussions négatives sur la population palestinienne.
Depuis des décennies, la position de la Chine sur le conflit israélo-palestinien s’est progressivement transformée, se rapprochant de plus en plus de l’État israélien. Sa position actuelle indique qu’elle ne reviendra pas à l’époque de Mao Zedong, qui décrivait jadis Israël comme une « base de l’impérialisme ». Si la Chine n’est pas appelée à revenir à cette position historique, elle doit tout au moins cesser de renforcer le discours sioniste.
- Razan Shawamreh est une chercheuse palestinienne qui s’intéresse notamment à la politique étrangère chinoise au Moyen-Orient et à la stratégie chinoise au niveau international. Elle est doctorante en relations internationales à l’Université de la Méditerranée orientale (EMU), dans le nord de Chypre.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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