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Le préfet de l’Isère interdit une conférence avec l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri

Les organisateurs, qui disent avoir été informés juste avant la rencontre, ont maintenu le programme. Salah Hamouri et Alain Gresh, directeur d’Orient XXI, ont évoqué la situation à Gaza et le verdict de la Cour internationale de justice
Salah Hamouri a été expulsé par les autorités israéliennes depuis Jérusalem-Est occupée, où il vivait, vers la France en décembre 2022 (AFP/Clément Mahoudeau)
Salah Hamouri a été expulsé par les autorités israéliennes depuis Jérusalem-Est occupée, où il vivait, vers la France en décembre 2022 (AFP/Clément Mahoudeau)
Par MEE

C’est sous les applaudissements du public qui, debout, scandait « Solidarité avec le peuple palestinien », que la conférence-débat « Pas de paix sans justice » sur la situation en Palestine a pu se tenir, mardi 30 janvier, dans la salle des fêtes d’Échirolles (Isère).

Organisée par l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) avec le soutien de la coordination Palestine-Isère, elle était animée par Salah Hamouri, 38 ans, activiste et avocat franco-palestinien, et Alain Gresh, directeur du journal en ligne Orient XXI.

Pourtant, comme le rapportent sur Facebook Sarra Grira, rédactrice en chef d’Orient XXI, et sur X, Taoufiq Tahani, le président d’honneur de l’AFPS, quinze minutes après l’ouverture des portes, les organisateurs ont été informés d’une interdiction de la conférence par le préfet Louis Laugier.

L’information a aussi été rapportée par le quotidien Le Dauphiné libéré, qui cite la justification de la préfecture : « la vigilance accrue des services de l’État sur l’agglomération grenobloise relative à des actes de malveillance et des actes antisémites directement corrélés avec le conflit au Proche-Orient » mais aussi la crainte « d’incidents et de confrontations ».

La semaine dernière, Salah Hamouri a aussi tenu des conférences à Stains (Seine-Saint-Denis) et à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), commune dont il est citoyen d’honneur.

Toujours selon le quotidien, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) Grenoble-Dauphiné, présidé par l’avocat Hervé Gerbi, s’est « félicité » ce mardi soir de cette interdiction.

« ‘’Derrière la haine d’Israël et la contestation de son droit à exister, se cache un discours porteur de haine […] La liberté d’opinion et d’expression n’est pas le paravent de la haine’’, a-t-il fait valoir, dénonçant au passage l’attitude de la maire d’Échirolles Amandine Demore [Union de la gauche] qui ‘’n’a pas eu le courage d’interdire’’ la conférence-débat dans sa commune. »

Mardi, Amandine Demore a même remis la médaille de la ville à Salah Hamouri.

En Isère, la société civile est très mobilisée pour défendre les droits des Palestiniens. Depuis le 7 octobre, date du déclenchement d’une nouvelle phase dans le conflit israélo-palestinien, une quinzaine de manifestations ont déjà été organisées pour exiger que la France réclame un cessez-le-feu immédiat à Gaza, où l’offensive israélienne a fait plus de 26 000 morts, en grande majorité des civils, dont des milliers de femmes et d’enfants.

Des précédents

La préfecture de l’Isère avait d’ailleurs tenté d’interdire une de ces manifestations, le 21 octobre. L’AFPS Isère Grenoble avait déposé un référé liberté à l’issue duquel le tribunal administratif avait décidé de suspendre l’arrêté d’interdiction.

Ce n’est pas non plus la première fois que les autorités françaises veulent interdire une conférence de Salah Hamouri. En juin 2023, la ville de Lyon avait publié un arrêté municipal pour interdire une rencontre sur le thème « Palestine-Israël-colonisation/apartheid » avec l’activiste pour « risques de troubles à l’ordre public ».

La préfecture du Rhône, présumée à l’origine de l’arrêté, « avait précisé que cette nouvelle décision d’annulation avait été ‘’notamment’’ justifiée ‘’au regard de la polémique générée par sa venue [Salah Hamouri] à Lyon en janvier’’, des ‘’débordements signalés pendant et en marge des participations précédentes’’ de l’avocat et ‘’à des rencontres dans d’autres grandes villes’’ et des appels à manifestation devant la Bourse du travail », avait précisé à l’époque France3 Auvergne Rhône-Alpes.

Après avoir été saisi par les avocats de Salah Hamouri, Amnesty International France, l’Association Collectif 69 de soutien au peuple palestinien, le syndicat Solidaire Rhône et la Ligue des droits de l’homme, le tribunal administratif avait « enjoint au maire de la ville de Lyon de permettre la tenue de la conférence organisée par le Collectif de soutien au peuple palestinien ».

La juge des référés a considéré que la mesure d’interdiction de la conférence n’était « ni justifiée, ni proportionnée, ni nécessaire pour éviter des troubles à l’ordre public auxquels les forces de l’ordre ne seraient pas en mesure de faire face » et qu’elle était constitutive « d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».

Salah Hamouri a été expulsé par les autorités israéliennes depuis Jérusalem-Est occupée, où il vivait, vers la France en décembre 2022. Il avait été condamné en mars à trois mois de détention administrative, une mesure controversée permettant à Israël d’incarcérer des personnes sans accusation formelle et qu’Israël a utilisée à son encontre pendant de nombreuses années en raison de son activisme politique. 

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