Guerre à Gaza : pourquoi les Palestiniens remettent en doute les promesses occidentales d’un État indépendant
Alors qu’un certain nombre de pays occidentaux, dont les États-Unis, se penchent sur une éventuelle reconnaissance d’un État palestinien, le gouvernement israélien a publiquement rejeté toute tentative internationale d’imposer une solution.
En tant que Palestiniens, nous souffrons depuis des décennies de l’occupation israélienne, du vol de nos terres, des massacres et des déplacements de notre population. Sur la base de notre longue et amère expérience avec les États-Unis et leurs alliés, nous avons de grands doutes quant au sérieux de leurs intentions déclarées.
Les gouvernements occidentaux ont-ils enfin remarqué l’éléphant dans la pièce ? Ont-ils sincèrement reconnu la nécessité de mettre fin à l’occupation et à l’injustice, ou tout cet exercice n’est-il qu’un palliatif pour absorber la colère de l’opinion publique ?
Les récentes déclarations des gouvernements occidentaux sur la reconnaissance d’un État palestinien sont très vagues, sans calendrier précis ni mesures pratiques pour obliger Israël à s’y conformer.
Il est peu probable que nous assistions à un réveil soudain de ces puissances occidentales, qui soutiennent toujours la guerre criminelle d’Israël contre la population de Gaza
Les Palestiniens ne peuvent pas reprendre un processus sans fin comme celui d’Oslo, qui n’a donné aucun résultat tangible, et Israël ne devrait pas se voir accorder un droit de veto sur la création d’un État palestinien.
De nombreuses questions se posent également sur la composition de notre État tant attendu et sur ses frontières. Serait-il conforme à la résolution 181 des Nations unies, qui a délimité des frontières précises, ou serait-il basé sur l’« accord du siècle » de l’ère Trump, qui envisage la création de bantoustans palestiniens et donne à Israël le feu vert pour annexer une grande partie de la Cisjordanie occupée ?
Le sort des colonies illégales d’Israël, peuplées de centaines de milliers de colons, n’est pas non plus clair. Seront-elles supprimées ? Deviendront-ils des citoyens du nouvel État palestinien ?
Et quelle serait la capitale du nouvel État palestinien — Jérusalem, que les États-Unis ont déjà reconnue comme capitale d’Israël ? Qu’en est-il du droit au retour des millions de réfugiés palestiniens ?
Méfiance
Si les gouvernements occidentaux sont restés vagues sur les potentielles frontières d’un État palestinien, ils sont clairs sur sa fonction ultime : une nation démilitarisée vivant « en paix » avec Israël, qui est lourdement armé et dispose d’un arsenal nucléaire.
En tant que Palestiniens, nous n’accordons pas une grande confiance aux discours occidentaux sur un État palestinien, d’autant plus que les États-Unis continuent d’opposer leur veto à un cessez-le-feu à Gaza. L’histoire a montré le manque de sérieux de l’Occident à cet égard, au milieu d’une litanie de promesses non tenues.
Dans les années 1990, les accords d’Oslo ont fixé un délai de cinq ans pour la reconnaissance d’un État palestinien indépendant. Au lieu de cela, la construction de colonies israéliennes, ainsi que les massacres et les déplacements de Palestiniens, se sont poursuivis à un rythme soutenu.
Les capitales occidentales ont réitéré la promesse d’un État palestinien avec la « feuille de route pour la paix », proposée par le Quartet sur le Moyen-Orient (les États-Unis, l’Union européenne, la Russie et les Nations unies), qui a fixé à 2005 la date limite pour un règlement définitif. Mais à ce jour, la colonisation et l’occupation israéliennes se poursuivent.
Alors que les États-Unis ont reconnu en 2017 Jérusalem comme capitale d’Israël et ont fait pression sur d’autres pays pour qu’ils fassent de même, le monde a semblé oublier la perspective d’un État palestinien. Il ne fait plus partie du « projet du Grand Moyen-Orient », dont les nouvelles caractéristiques ont été définies par les accords d’Abraham.
Ironiquement, le récent débat sur un État palestinien émane des mêmes pays occidentaux qui ont participé à la guerre génocidaire contre le peuple palestinien à Gaza et qui ont rejeté la notion de responsabilité d’Israël devant la Cour internationale de justice. Le Royaume-Uni et les États-Unis sont collectivement responsables de la plupart des catastrophes qui ont frappé le Moyen-Orient au cours du siècle dernier.
Sauver la face
Israël se verra offrir des mesures d’incitation et des récompenses en échange de l’arrêt du massacre des Palestiniens à Gaza. La plus importante d’entre elles sera la normalisation avec l’Arabie saoudite et l’intégration dans la région.
Tout ce discours sur un État palestinien vise probablement à sauver la face des régimes arabes complices de la guerre israélo-occidentale contre le peuple palestinien et à les protéger des répercussions futures, dans le but ultime de reprendre le processus de normalisation israélo-arabe. L’Arabie saoudite est le candidat le plus susceptible de rejoindre les accords au lendemain de la guerre.
Riyad a conditionné la normalisation à la recherche d’une « solution » à la question palestinienne. Les récentes discussions à Washington, Londres et Paris sur cette question sont principalement dirigées vers le régime saoudien, le poussant vers le train de la normalisation. Cela briserait définitivement le boycott d’Israël dans le monde arabe et islamique.
Tout ce discours sur un État palestinien vise probablement à sauver la face des régimes arabes complices de la guerre israélo-occidentale contre le peuple palestinien et à les protéger des répercussions futures, dans le but ultime de reprendre le processus de normalisation israélo-arabe
Cela servirait les intérêts d’Israël, des pays occidentaux qui le soutiennent et des États arabes désireux de normaliser leurs relations avec lui. Cela consacrerait Israël en tant que base militaire et économique avancée pour l’hégémonie occidentale sur la région.
Si ces États étaient honnêtement intéressés par la création d’un État palestinien, ils auraient pris l’initiative des années avant cette guerre génocidaire. Au niveau mondial, environ 140 pays reconnaissent l’existence d’un État palestinien, mais cette reconnaissance a été entravée par les États occidentaux qui utilisent désormais cette question comme un outil politique.
Si les discussions récentes sont réellement sérieuses, un État palestinien doit être reconnu immédiatement, sans attendre l’approbation d’Israël. Si l’Occident a tiré les leçons de ses erreurs passées, il devrait mettre fin à la guerre à Gaza, geler les activités de colonisation en Cisjordanie occupée et veiller à l’application du droit international.
Aborder la question de la reconnaissance d’un État palestinien alors que la population de Gaza est en train d’être exterminée s’apparente à une supercherie éhontée. Ce qui révèle cette supercherie, c’est l’octroi à Israël d’un droit de veto sur la création d’un État palestinien, alors même que le Premier ministre Benyamin Netanyahou a juré de rejeter les « diktats internationaux » et a déclaré qu’Israël « maintiendrait un contrôle de sécurité total sur tout le territoire situé à l’ouest du Jourdain ».
Nous ne pouvons pas attendre des pays occidentaux qu’ils fassent pression sur les dirigeants extrémistes d’Israël pour qu’ils acceptent un État palestinien, alors qu’ils ne sont jamais parvenus – si tant est qu’ils aient essayé – à faire pression sur Tel Aviv pour qu’il mette fin à la guerre génocidaire qu’il mène contre les Palestiniens depuis plus de quatre mois.
- Fareed Taamallah est un journaliste palestinien qui vit à Ramallah. Il est agriculteur et militant politique et environnemental.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduit de l’anglais (original) par Imène Guiza.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].