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Guerre à Gaza : plus de cent Palestiniens venus chercher de l’aide humanitaire tués par l’armée israélienne

Selon le ministère palestinien de la Santé, 112 personnes ont été tuées et 760 blessées dans ces tirs israéliens près des camions d’aide humanitaire
Les Palestiniens étaient venus chercher de l’aide alimentaire lorsqu’ils se sont retrouvés sous le feu de l’armée israélienne (Anas Al Shareef/X)

Le ministère de la Santé à Gaza a annoncé ce jeudi que plus de 100 personnes avaient été tuées par des tirs de l’armée israélienne en direction de Palestiniens se ruant sur des camions d’aide humanitaire dans le nord de la bande côtière menacée de famine.

Après un premier bilan hospitalier faisant état d’au moins 50 morts, le porte-parole du ministère de la Santé Ashraf al-Qudra a indiqué que le « bilan du massacre de la rue al-Rashid [où la distribution alimentaire avait lieu à Gaza City] s’él[evait] désormais à 104 morts et 760 blessés ». Plus tard, le ministère de la Santé a donné un bilan de 112 décès.

Des témoins ont fait état à l’AFP de scènes pendant lesquelles des milliers de personnes se sont précipitées vers des camions d’aide arrivant au « rond-point de Naplouse », dans l’ouest de Gaza City, principale ville du nord du territoire.

Ahmad, un homme de 31 ans qui n’a donné que son prénom, a déclaré à Middle East Eye que les camions humanitaires étaient arrivés dans la rue à 4 heures du matin et que les forces israéliennes avaient tiré sur les personnes qui tentaient d’atteindre le convoi. Ahmad a reçu une balle dans le bras et à la jambe.

« Les tirs étaient aveugles, les gens ont été touchés à la tête, au pied, au ventre », a-t-il décrit. « Un homme est tombé en martyr, puis a été écrasé par le char. »

L’armée israélienne a accusé les Palestiniens d’être responsables d’un mouvement de foule meurtrier : « Les habitants ont encerclé les camions et pillé les fournitures livrées. Des dizaines de Gazaouis ont été tués et blessés dans les bousculades, les piétinements et écrasés par les camions. »

Cependant, parallèlement aux témoignages, des séquences vidéo montrent clairement des tirs nourris lors de l’incident. Des sources israéliennes ont indiqué à l’AFP que les soldats avaient tiré sur les Palestiniens, l’une d’elles affirmant que ces derniers pensaient que la foule « constituait une menace ».

Traduction : « Voici une vidéo où vous pouvez entendre les tirs des troupes israéliennes que [l’armée israélienne] ne mentionne pas délibérément. »

Selon le quotidien israélien Haaretz, l’armée israélienne a décrit la foule de Palestiniens affamés attendant l’aide alimentaire autour des camions comme un « rassemblement violent » qui a donné aux soldats un sentiment « d’insécurité ».

« Le risque de génocide est réel »

« Ce à quoi nous assistons aujourd’hui nous rappelle le massacre de l’hôpital baptiste », a déclaré à Al Jazeera Jadallah al-Shafee, chef du service de soins infirmiers de l’hôpital al-Chifa, en référence au bombardement de l’hôpital al-Ahli al-Arab en octobre, qui avait causé la mort de près de 500 Palestiniens venus s’y réfugier.

« Nous disposons de trois petites salles d’opération fonctionnant avec une capacité limitée pour soigner des centaines de blessés. »

L’ONG internationale Oxfam s’est pour sa part déclarée « consternée » par ces informations.

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« Le fait qu’Israël cible délibérément des civils après les avoir affamés constitue une violation flagrante du droit humanitaire international et de notre humanité », a déclaré l’organisation.

« Le risque de génocide est réel. »

« Horrifié », le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a quant à lui dénoncé un « nouveau carnage » et des morts « totalement inacceptables ».

« Choqué » par les événements qu’il a « condamnés », le chef des Nations unies António Guterres de son côté plaidé pour « une enquête indépendante efficace » pour identifier les responsabilités.

Le Conseil de sécurité de l'ONU s’est réuni en urgence le même jour et à huis clos pour en discuter.

Vendredi, Emmanuel Macron a exprimé sa « plus ferme réprobation » envers ces tirs contre des civils « pris pour cible par des soldats israéliens », le président français demandant « vérité » et « justice ».

Les États-Unis ont aussi exigé d’Israël « des réponses », Joe Biden disant que son pays examinerait les « versions contradictoires » du drame.

Plusieurs pays arabes du Golfe ont exprimé leur condamnation, comme le Qatar qui a fustigé « le massacre odieux commis par l’occupation israélienne contre des civils sans défense ». La Turquie a, elle, dénoncé « un crime contre l’humanité ».

Ce n’est pas la première fois que des Palestiniens sont tués par l’armée israélienne lors de la distribution d’aide humanitaire.

Des témoins oculaires ont notamment raconté à Middle East Eye que le 11 janvier, une foule nombreuse qui attendait un camion de ravitaillement dans la rue al-Rasheed à Gaza avait été la cible de tirs de l’armée israélienne, faisant des dizaines de morts et de blessés.

Décès dus à la malnutrition

Une grande partie de la population de Gaza est au bord de la famine en raison du blocus israélien, selon l’ONU et d’autres organisations humanitaires.

Les Nations unies estiment que 2,2 millions de personnes, soit l’immense majorité de la population de Gaza, sont menacées de famine, en particulier dans le nord où les destructions et les combats rendent presque impossible l’acheminement de l’aide humanitaire.

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Selon l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), un peu plus de 2 300 camions d’aide sont entrés dans la bande de Gaza au mois de février, une baisse d’environ 50 % par rapport à janvier, et une moyenne quotidienne de quelque 82 camions par jour.

D’après l’ONU, environ 500 camions entraient en moyenne quotidiennement dans la bande de Gaza avant le début de la guerre le 7 octobre, alors que les besoins de la population locale étaient alors moindres.

Les Palestiniens de Gaza sont contraints de manger des feuilles ou du fourrage pour le bétail, voire d’abattre des animaux de trait pour se nourrir.

Middle East Eye a recueilli plusieurs témoignages de Palestiniens craignant qu’eux-mêmes et leurs proches ne meurent de faim, tandis que plusieurs décès par malnutrition ont déjà été signalés.

Le chef du bureau de coordination de l’aide humanitaire de l’ONU pour les territoires palestiniens, Andrea De Dominico, a déclaré récemment à l’AFP qu’à plusieurs reprises, lors de l’arrivée de convois de denrées alimentaires dans le nord de Gaza, des « milliers de personnes avaient bloqué les camions pour les décharger au risque de se faire tirer dessus ».

Un homme à l’hôpital al-Chifa examine les linceuls après l’attaque (Mohammed al-Hajjar/MEE)
Un homme à l’hôpital al-Chifa examine les linceuls après l’attaque (Mohammed al-Hajjar/MEE)

Ammar Helo, un Palestinien de 30 ans qui a survécu à l’attaque, a déclaré à MEE qu’il continuerait de se rendre aux distributions d’aide humanitaire, malgré les risques pour sa vie.

« Nous n’avons pas de pain, nous n’avons pas de farine, nous mangeons de la nourriture animale », a-t-il témoigné. Des survivants ont indiqué à MEE que même la nourriture pour animaux commençait à manquer dans le nord.

« Je le jure, tout Gaza est détruit, je jure qu’un tremblement de terre venant de Dieu aurait été mieux. »

Selon le dernier bilan en date des autorités locales, l’offensive israélienne à Gaza a fait plus de 30 000 morts depuis le 7 octobre, en majorité des femmes et des enfants.

Pour l’ONU, ce conflit a transformé le territoire en « zone de mort ». 

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