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France : des partisans du boycott des produits israéliens dénoncent les fraudes à l’étiquetage dans les supermarchés

Des enseignes de la grande distribution sont accusées de pratiques commerciales trompeuses en mentant sur l’origine israélienne des produits alimentaires, comme les dattes
Les tours de passe-passe sur les étiquettes concernent particulièrement les enseignes de hard-discount comme Aldi, qui se trouvent dans les quartiers populaires où vit une importante communauté musulmane (Facebook/Radhia Nasri)

Pour faire échec aux appels au boycott des produits israéliens, des enseignes de la grande distribution, en France, ont trouvé la parade en mentant sur leur provenance. Sur les réseaux sociaux, des internautes ainsi que des organisations de soutien à la Palestine ne manquent pas de relayer des vidéos et des photos qui illustrent cette entourloupe commerciale.

Le BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), le principal mouvement de boycott économique d’Israël, est tout particulièrement vigilant. Il y a quelques jours, un de ses militants a posté sur Facebook la photo d’un panneau d’un magasin Grand Frais indiquant des promotions sur une vente de dattes Medjool, attribuées à la Palestine.

Sur une vidéo, un autre homme fait état de la commercialisation de la même variété de dattes dans une grande surface Carrefour dans le sud de Paris. Mais cette fois, les fruits en question sont présentés comme étant d’origine algérienne.

Dans le sud de la France, des militants d’Aubagne Insoumise Centre, un groupe de soutien au parti de gauche La France insoumise (LFI), a repéré chez Auchan des mandarines de la variété Orri. Sur les affiches surplombant les étals, il est écrit que les agrumes viennent d’Espagne alors que les étiquettes collées sur les cagettes indiquent clairement Israël comme pays de provenance. 

Le même tour de passe-passe concerne des avocats vendus par Aldi, une chaîne allemande de supermarchés discount, comme étant originaires de Colombie alors qu’ils sont importés d’Israël. 

La Campagne BDS Montpellier, qui a relayé la même supercherie chez Carrefour Market, a demandé à ses sympathisants de signaler, à l’aide de vidéos courtes ou de photos, d’autres cas de fraude dans les magasins du distributeur dans la ville du sud de la France. 

« La technique de l’amalgame »

« Parce qu’il sait qu’il est en tort et que l’opinion condamne la colonisation de la Palestine et le génocide à Gaza, au lieu de cesser d’importer et vendre des produits israéliens, Carrefour cache l’origine des produits et triche sur l’étiquetage, commettant ainsi un acte illégal », a dénoncé le mouvement dans un communiqué publié sur son site le 21 février dernier.  

« Certaines grandes surfaces ont trouvé une autre alternative en restant vagues sur la provenance des fruits avec des affiches ‘’non UE’’ ou ‘’Import’’, alors que d’autres suppriment carrément leur origine »

- Fateh Kimouche, fondateur du site Al Kanz

Selon l’un des animateurs de la campagne, José-Luis Moraguès, la fraude à l’étiquetage des produits israéliens est devenue massive ces derniers mois et prend une plus grande ampleur en perspective du Ramadan, qui devrait débuter le 10 ou le 11 mars.

« Sur une liste WhatsApp que nous avons créée, une avalanche de photos et de vidéos montrant les fraudes aux étiquettes ont été postées. Pour les fameux avocats israéliens, par exemple, il est arrivé que des enseignes attribuent plusieurs origines à un même lot : Maroc, Chili, Colombie, etc. pour les vendre sans susciter de controverse », indique le militant BDS à Middle East Eye.

Dans un article, Fateh Kimouche, contributeur de MEE et fondateur du site Al Kanz, spécialisé dans la défense des consommateurs musulmans, constate aussi l’augmentation depuis quelques semaines des cas de fraude à l’étiquetage dans la grande distribution.

« Plus grande vigilance des consommateurs qui soutiennent le boycott d’Israël ou volonté de nombreux magasins de continuer à vendre des produits israéliens tout en en dissimulant à leurs clients l’origine ? Difficile de trancher », questionne le bloggeur.

Outre le changement de la provenance des marchandises sur les étiquettes, des clients ont remarqué que certaines enseignes mélangeaient les produits maraîchers israéliens à d’autres de même catégorie pour tromper la vigilance des boycotteurs.

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« Auchan vient d’inventer une combine pour contourner le boycott contre Israël, c’est la technique de l’amalgame. Peut-être qu’il ne s’agit en réalité que d’avocats israéliens mais en ajoutant Maroc sur le panneau, le doute est instillé », a notamment relevé un internaute sur Facebook.

Selon Fateh Kimouche, cette technique de vente en vrac frauduleuse est surtout appliquée pour les dattes. « Certaines grandes surfaces ont trouvé une autre alternative en restant vagues sur la provenance des fruits avec des affiches ‘’non UE’’ ou ‘’Import’’, alors que d’autres suppriment carrément leur origine », affirme-t-il à MEE.

« La systémisation » de la triche

Légalement, les grands distributeurs n’ont pas le droit de travestir la provenance des denrées alimentaires, dont les produits maraîchers. Selon la réglementation en vigueur, l’indication d’origine est obligatoire pour tous les fruits et légumes et doit « être affichée en caractères d’une taille égale à celle du prix ».

Dans le cas où des mentions fausses sont repérées, les professionnels de la grande distribution s’exposent à des sanctions pénales punies de deux ans de prison et de 200 000 euros d’amende, conformément au code de la consommation.

Pour calmer la colère des agriculteurs français qui se sont mobilisés en février dernier contre la concurrence déloyale des produits venant de l’étranger, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a multiplié les contrôles dans les grandes surfaces.

« Nous allons augmenter les contrôles dans les magasins car nous sommes sûrs que les fraudes vont se multiplier pendant le Ramadan »

- José-Luis Moraguès, BDS Montpellier

Quelque 2 000 inspections réalisées à la suite d’une instruction du ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, ont dévoilé ces derniers jours des centaines de cas de fraude sur les origines des produits, vendus comme étant français.

Pour alerter sur ce qu’il considère comme « la systémisation » de la triche sur les produits israéliens, Fateh Kimouche demande aussi aux partisans du boycott d’Israël de s’adresser directement à la DGCCRF et de rapporter tous les faits délictueux sur sa plateforme de signalement, SignalConso.

À Montpellier, la campagne BDS prépare une action similaire, avec toutes les preuves de fraude fournies par ses sympathisants. « Nous allons également augmenter les contrôles dans les magasins car nous sommes sûrs que les fraudes vont se multiplier pendant le Ramadan », promet José-Luis Moraguès.

Le militant précise que les tours de passe-passe sur les étiquettes concernent particulièrement les enseignes de hard-discount comme l’Allemand Lidl, qui se trouvent dans les quartiers populaires où vit une importante communauté musulmane.

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