Le soutien inconditionnel de l’Occident à Israël déclenche une guerre à l’échelle régionale
Les événements de début avril nous ont rapprochés d’une guerre à l’échelle régionale au Moyen-Orient.
Aux premières heures du vendredi 19 avril, Israël a mené des opérations militaires contre l’Iran. Des explosions ont été vues et entendues dans le ciel au-dessus des villes d’Ispahan et de Tabriz alors que des drones israéliens étaient abattus. Les médias israéliens ont rapporté que des cibles avaient également été touchées en Irak et en Syrie.
Il s’agissait de la réponse d’Israël à l’attaque menée le 13 avril par l’Iran, qui avait lancé des dizaines de drones et de missiles en direction de sites militaires sur le territoire israélien.
Les deux séries d’attaques n’ont fait aucune victime ni aucun dommage sérieux.
Mais dans un contexte en train de rapidement devenir incontrôlable, c’est une grave escalade. Il est crucial de comprendre ce qui en est à l’origine et quelles politiques sont nécessaires pour désamorcer la situation.
Le 1er avril, Israël a assassiné plusieurs hauts responsables militaires iraniens par une frappe de drone sur la section consulaire de l’ambassade iranienne à Damas.
Toute attaque contre une mission diplomatique constitue une violation du droit international et est considérée comme une violation de la souveraineté de ce pays. Pourtant, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas condamné les actions d’Israël.
Impunité
David Cameron, le ministre britannique des Affaires étrangères, a admis lors d’un entretien avec Sky News que le Royaume-Uni prendrait des « mesures fermes » contre tout pays qui attaquerait ses consulats.
De telles déclarations rendent encore plus étonnant le fait que le Royaume-Uni n’ait pas condamné les actions d’Israël. Au lieu de cela, le Royaume-Uni a publié une déclaration semblant justifier la violation par Israël du droit international en faisant référence aux liens de l’Iran avec le Hamas et le Hezbollah.
J’ai renoncé à crier au « double standard » ou à l’« hypocrisie » parce que la Grande-Bretagne se comporte de la sorte depuis longtemps au Moyen-Orient, et c’est pourquoi personne n’y attend rien de différent.
Peu après son attaque de missiles, l’Iran a déclaré que l’opération avait « atteint tous ses objectifs », mais a mis en garde Israël contre une attaque plus importante s’il ripostait, y compris en menaçant de frappes sur des bases américaines dans la région si Washington soutenait les actions d’Israël. Israël a riposté et l’Iran sera sans aucun doute contraint de réagir.
Comment diable en sommes-nous arrivés là ? J’en impute la responsabilité uniquement aux États occidentaux qui ont apporté un soutien inconditionnel à Israël et lui ont permis d’agir en toute impunité. Pas seulement au cours des six derniers mois, mais au cours des 75 dernières années. Et pas seulement envers les Palestiniens, mais aussi envers ses voisins.
Combien faudra-t-il encore de violence pour qu’Israël ne soit contraint d’accepter que les Palestiniens ont le droit à l’autodétermination et qu’empêcher ce processus déstabilise l’ensemble du Moyen-Orient ?
Si vous pensez qu’il s’agit d’une guerre menée uniquement par Israël contre les Palestiniens à Gaza avant les actions de l’Iran le 13 avril, détrompez-vous.
Le 17 février, Tzachi Hanegbi, conseiller à la Sécurité nationale d’Israël, a affirmé : « Nous menons la guerre dans sept arènes : la Judée et la Samarie [terme utilisé par Israël pour désigner la Cisjordanie occupée], Gaza, le Liban, la Syrie, l’Iran, l’Irak et le Yémen. »
Combien faudra-t-il encore de violence pour qu’Israël ne soit contraint d’accepter que les Palestiniens ont le droit à l’autodétermination ?
Depuis le 7 octobre, Israël a tué plus de 450 Palestiniens en Cisjordanie occupée, arrêté plus de 7 000 autres, détruit des infrastructures, et donné carte blanche à ses colons lourdement armés pour attaquer les Palestiniens et leurs biens.
À Gaza, les opérations d’Israël causent des dommages et des souffrances incommensurables.
Depuis le 7 octobre, Israël a tué plus de 34 000 Palestiniens, blessé plus de 76 000 autres, déplacé 75 % de la population de Gaza, causé 18,5 milliards de dollars de dégâts aux infrastructures de Gaza et créé les conditions d’une famine massive.
De nombreux experts des droits de l’homme et d’États comme l’Afrique du Sud ont conclu qu’Israël était en train de perpétrer un génocide contre les Palestiniens à Gaza.
Un Conseil de sécurité remarquablement silencieux
Au nord, des combats transfrontaliers éclatent entre Israël et le Liban. Mais encore une fois, ce n’est pas nouveau.
Israël commet des assassinats, des invasions et des massacres au Liban depuis 1972. Le Hezbollah a en réalité été créé pour résister à l’invasion israélienne de 1982, mais peu de dirigeants occidentaux le reconnaissent.
En mai 2000, Israël s’est retiré du sud du Liban après l’avoir occupé pendant quinze ans. Mais depuis le 7 octobre, plus de 4 700 attaques transfrontalières ont eu lieu. Au cours de ces opérations, Israël a tué plus de 70 civils libanais et 300 combattants. Le Hezbollah a tué une douzaine de soldats israéliens et cinq civils.
Plus tôt cette année, le 2 janvier, le leader du Hamas Saleh al-Arouri a été assassiné lors d’une frappe de drone à Beyrouth, avec six autres membres du Hamas.
En réponse, le Liban a déposé une plainte officielle auprès du Conseil de sécurité de l’ONU, accusant Israël d’avoir violé la souveraineté du Liban. Mais tout comme lors de la violation par Israël de la souveraineté syrienne et iranienne le 1er avril, le Conseil de sécurité de l’ONU est resté remarquablement silencieux.
Passant dans le Golfe, depuis octobre, les Houthis du Yémen attaquent les navires dans la mer Rouge et le golfe d’Aden, affirmant qu’ils s’arrêteront s’il y a un cessez-le-feu permanent à Gaza.
Mais quelle a été la réponse des États-Unis et du Royaume-Uni ? Bombarder le Yémen, l’un des pays les plus pauvres de la région, déjà ravagé par des années de guerre civile et de bombardements par une coalition dirigée par l’Arabie saoudite.
En Syrie, Israël a mené à plusieurs reprises des frappes aériennes, dont le nombre et la portée se sont intensifiés depuis le 7 octobre 2023.
D’autres dynamiques
Israël ne peut pas attribuer tout cela uniquement aux attaques du Hamas du 7 octobre.
Il existe clairement d’autres dynamiques et rivalités régionales à prendre en compte, notamment entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Je ne suis pas naïve au point de l’ignorer.
Le Hezbollah, les Houthis, le Hamas et la Syrie sont des alliés régionaux de l’Iran, mais l’Arabie saoudite (comme Israël) bénéficie du soutien des États-Unis et n’est donc guère en danger.
Toutefois, ces antagonismes ne sont pas à l’origine de l’escalade actuelle. Les opérations d’Israël à Gaza ont enflammé une région déjà furieuse après des décennies d’intervention occidentale et de double standard.
En 2002, l’Initiative de paix arabe, approuvée par la Ligue arabe et ses 22 États membres, a offert à Israël une paix globale et des relations normales. En échange, il était convenu qu’Israël se retire entièrement des territoires occupés depuis 1967, accepte un État palestinien indépendant en Cisjordanie et à Gaza et à s’entende sur une solution juste pour les réfugiés.
Cette offre est sur la table depuis plus de vingt ans et pourtant Israël fait comme si elle n’existait pas.
La menace d’une guerre à l’échelle régionale est désormais bien réelle. Un cessez-le-feu permanent à Gaza et une stratégie visant à mettre fin au régime d’apartheid israélien contre les Palestiniens sont le seul moyen de désamorcer la situation.
- Mandy Turner est chercheuse principale chez Security in Context (une initiative en réseau qui promeut la recherche critique et l’analyse des politiques sur la paix et le conflit) et chercheuse principale invitée à l’International State Crime Initiative (communauté d’universitaires qui s’efforcent d’exposer, de documenter, d’expliquer et de résister à la criminalité d’État) à la Queen Mary University of London.
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Traduit de l’anglais (original).
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