Une société britannique a embauché d’anciens enfants soldats africains pour combattre en Irak
Un sous-traitant britannique dans le domaine de la défense a engagé des mercenaires d’Afrique pour un montant rapporté de 16 dollars par jour afin de combattre en Irak pour les États-Unis, l’un des anciens administrateurs de la société affirmant qu’aucune vérification n’avait été faite pour déterminer si les personnes embauchées étaient d’anciens enfants soldats.
James Ellery, qui était un des responsables d’Aegis Defence Services entre 2005 et 2015, a déclaré que des sous-traitants avaient été recrutés dans des pays tels que la Sierra Leone afin de réduire les coûts de la présence américaine en Irak.
S’exprimant dans The Guardian, l’ancien général de brigade dans l’armée britannique a déclaré qu’aucun des quelque 2 500 hommes recrutés en Sierra Leone n’avait fait l’objet de vérification pour déterminer s’il s’agissait d’anciens enfants soldats qui avaient été contraints de se battre au cours de la guerre civile sierra-léonaise.
Ils constituaient des options moins chères et ont rempli des contrats visant à défendre des bases américaines en Irak, a-t-il dit.
« On aurait probablement obtenu une meilleure force en recrutant exclusivement dans la région des Midlands anglais », a-t-il ajouté.
« Cependant, c’était trop cher. Donc, on passe des Midlands anglais au Népal, etc., aux Asiatiques, et puis à un moment vous dites : j’ai bien peur que tout ce que nous pouvons nous permettre désormais, ce sont les Africains. »
Aegis avait signé des contrats valant des centaines de millions de dollars pour protéger des bases américaines en Irak à partir de 2004. Il a d’abord employé des mercenaires britanniques, américains et népalais, mais a élargi son recrutement en 2011 pour y inclure des Africains.
Ellery, qui a précisé qu’il s’exprimait à titre personnel, a déclaré à The Guardian qu’il serait « tout à fait injuste » de demander si les gens avaient été des enfants soldats, car cela les pénaliserait pour des choses qu’ils avaient souvent été obligés de faire.
Il a affirmé qu’ils n’étaient pas responsables des crimes de guerre commis lorsqu’ils étaient mineurs et, « ils sont, une fois qu’ils atteignent la majorité, des citoyens pleinement en droit de chercher un emploi, ce qui est un droit fondamental ».
« Donc, nous aurions été totalement dans l’erreur si, étant allés en Sierra Leone, nous avions exclu ces personnes. »
Le recrutement de mercenaires africains et, plus précisément, d’anciens enfants soldats, est l’objet d’un nouveau documentaire de Mads Ellesøe, un journaliste danois qui a passé deux ans à faire des recherches sur le sujet.
Ellesøe a indiqué à Middle East Eye qu’il avait interviewé un « petit nombre » d’anciens enfants soldats qui avaient combattu en Irak pour Aegis, bien qu’il puisse y en avoir beaucoup plus.
« Il n’y a aucun registre, de sorte qu’il est difficile de savoir exactement combien ils étaient », a-t-il expliqué.
« J’ai parlé à des gens qui étaient des enfants soldats qui avaient fait tout ce qu’on fait de pire : couper des bras, mutiler des gens. Ils m’ont dit qu’ils vivaient dans la pauvreté. Personne ne voulait reprendre les armes, mais ils avaient besoin d’emplois, donc ils sont allés en Irak. »
Il était en désaccord avec l’assertion d’Ellery, selon laquelle les anciens enfants soldats doivent être autorisés à prendre les armes contre de l’argent en tant qu’adultes.
« La pire chose à faire est de redonner une arme à feu à d’anciens enfants soldats. Cela réduit à néant tous les efforts pour les réhabiliter après avoir été déshumanisés lorsqu’ils étaient enfants. Les spécialistes m’ont dit que cela fait tout simplement reculer le processus visant à les rendre à nouveau humains. »
Le documentaire de Ellesøe a fourni des preuves détaillées d’anciens enfants soldats employés par Aegis. Selon les documents contractuels, les soldats de Sierra Leone ont été payés 16 dollars par jour.
Un des sujets de l’enquête, Gibrilla Kuyateh, déclare dans le documentaire : « Chaque fois que je tiens une arme, cela ne cesse de me rappeler le passé. Cela me rappelle beaucoup de souvenirs. »
Il a raconté que les rebelles l’ont forcé à amputer des membres, « pas toujours avec un instrument tranchant », et l’ont formé pour tirer à la Kalachnikov – une arme qu’il avait du mal à porter parce qu’il était trop petit.
Dan Collison, le directeur des programmes à l’organisation caritative War Child UK, a déclaré : « Selon notre expérience, les enfants qui ont été impliqués dans des groupes armés portent les cicatrices de cette expérience profondément ancrées dans leur vie d’adulte.
« Il est vrai que les anciens enfants soldats ne doivent pas être victimes de discrimination en ce qui concerne leurs futurs choix de carrière, et que ce sont des agents libres et indépendants.
« Cependant, chercher les plus pauvres et les plus vulnérables pour effectuer ce genre de travail est un modèle d’affaires qui semble tirer profit de leur situation et pourrait bien susciter un traumatisme futur. »
Aegis a été fondée en 2002 par Tim Spicer, un ancien officier des Scots Guards qui a été au centre du scandale des « armes pour l’Afrique » en 1998, dans lequel son entreprise précédente, Sandline, avait été impliquée pour violation des sanctions du fait de l’importation de 100 tonnes d’armes en Sierra Leone en appui au gouvernement.
L’un des responsables actuels est Nicolas Soames, député conservateur et petit-fils de Sir Winston Churchill.
La Sierra Leone a été déchirée par une guerre civile qui a commencé en 1991 et a duré onze ans. Lorsqu’elle a pris fin, la mission de l’ONU a dépensé des millions pour la démobilisation de plus de 75 000 combattants, dont 7 000 enfants.
Ellery fut le chef du personnel de la mission de l’ONU en Sierra Leone tandis que l’organisation démobilisait des milliers d’anciens enfants soldats.
Les sollicitations de MEE auprès d’Aegis sont restées sans réponse.
Le documentaire « The Child Soldier's New Job » doit être diffusé cette semaine au Danemark et sera distribué dans d’autres pays.
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation
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