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Guerre Israël-Palestine : quand le Hezbollah libanais va-t-il se lancer dans la bataille ?

L’invasion terrestre imminente de Gaza pourrait déclencher une intervention plus importante du groupe libanais
Les drapeaux palestiniens et du Hezbollah flottent à Khiam, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban, le 9 octobre 2023 (Reuters)

Après le bombardement israélien de l’hôpital al-Ahli al-Arab à Gaza, qui a tué près de 500 personnes selon les autorités locales, et parmi les tensions actuelles à la frontière sud du Liban avec Israël, beaucoup imaginent la façon dont l’implication du Hezbollah dans le conflit pourrait évoluer dans les jours à venir.

Ces questions interviennent dans le cadre d’escarmouches sporadiques entre le Hezbollah et l’armée israélienne dans le sud du Liban, une région souvent qualifiée de « front nord » d’Israël, et se focalisent sur la possibilité d’une escalade. 

Le Hezbollah se prête à des affrontements de représailles avec Israël depuis le début du conflit à Gaza : le parti vise à maintenir un effet dissuasif tout en adhérant aux règles établies d’engagement. 

Il est clair que le Hezbollah suit une trajectoire délicate dans le sud. Il renforce non seulement les règles d’engagement avec l’armée israélienne, mais envoie également un message clair aux establishments à la fois israélien et américain, indiquant qu’il est prêt à engager le combat à ce point critique.

Dans le même temps a eu lieu une mobilisation notable des forces israéliennes vers la frontière nord, y compris des réservistes d’unités et de bataillons d’élite, tandis que des chars et l’artillerie se positionnent en prévision d’une escalade possible.

L’ambiguïté qui entoure l’implication éventuelle du Hezbollah dans la guerre à incidemment servi les factions armées de Gaza en gardant les forces israéliennes en alerte, dispersant l’attention et les ressources de l’establishment de la défense. 

Cela constitue un avantage stratégique, empêchant l’armée israélienne de concentrer toutes ses forces uniquement sur l’offensive de Gaza, tout en ajoutant une couche de complexité au paysage géopolitique en pleine évolution.

Tirs de roquettes

La réaction du Hezbollah aux actes d’Israël va au-delà de leurs échanges de tirs. Un aspect important et pourtant négligé de ce conflit est l’implication des Palestiniens des camps de réfugiés au Liban, qui ont mené des attaques de l’autre côté de la Ligne bleue (ligne tracée le 7 juin 20001 par l’ONU après le retrait israélien du Liban mettant fin à l’occupation commencée en juin 1982 ) dans les colonies israéliennes. 

Le Hezbollah reste attaché à ses principes, en particulier concernant la cause palestinienne – indication forte qu’il n’hésiterait pas à soutenir le Hamas si les circonstances justifiaient une intervention

Bien que beaucoup négligent ces attaques, en particulier étant donné leur impact relativement minime sur l’armée israélienne, cette initiative représente une évolution notable. Généralement, les Palestiniens au Liban ne peuvent pénétrer dans la zone du Secteur sud du Litani, qui est considérée comme une zone militaire, par crainte d’engagement militaire imprévu avec les forces israéliennes. 

Mais récemment, et avec l’approbation du Hezbollah, des individus affiliés à la branche libanaise des Brigades al-Qassam, aile armée du Hamas, et de Saraya al-Muqawama, branche armée du Jihad islamique, ont tiré des roquettes depuis le Liban en direction des colonies israéliennes. On peut affirmer qu’on n’a pas vu de telles attaques sur la scène libanaise au moins depuis la libération du Sud-Liban en mai 2000. Leur retour témoigne de la véritable volonté du Hezbollah de s’engager dans la guerre actuelle.

En outre, cela suggère que s’il devait y avoir ouverture d’un nouveau front au nord, Israël pourrait être face non seulement au Hezbollah mais également aux factions palestiniennes qui se sont énormément entraînées pour de tels engagements.

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Les actes du Hezbollah dans le Sud-Liban peut être interprétés de deux façons divergentes. La première interprétation, celle que partagent de nombreux analystes israéliens et américains, avance que la réponse limitée du Hezbollah montre un désintérêt pour une contribution à l’offensive actuelle à Gaza. 

Malgré la solidarité exprimée avec la cause du peuple palestinien via l’allégeance à la notion de « fronts unifiés », principe fondamental de l’« axe de la résistance », le parti libanais semble réticent à s’engager pleinement, principalement en raison de facteurs locaux et internes qui pourraient entraver sa capacité à mener une guerre d’ampleur contre Israël. 

Cette réticence est perçue dans un contexte de grave crise économique au Liban. En outre, même si le Hezbollah possède un arsenal qui s’est considérablement étoffé au fil du temps, les responsables américains et israéliens pensent que le groupe manque de ressources humaines du fait de son implication dans les conflits à travers la région, en particulier en Irak, en Syrie et au Yémen.

« Instant zéro »

Cependant, les perceptions occidentales des partis islamistes ne correspondent souvent pas à leurs véritables idéologies et actions. L’attaque du 7 octobre par le Hamas le prouve. Les gouvernements occidentaux semblaient croire qu’ils avaient maté le Hamas à Gaza, de manière comparable à la façon dont le Fatah a été incorporé au sein de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie occupée

La stratégie coordonnée entre les membres de l’« axe de la résistance » semble caractérisée par une approche mesurée et calculée

Mais cette attaque surprise a montré la volonté constante du Hamas de camper sur ses exigences de longue date. De même, le Hezbollah reste attaché à ses principes, en particulier concernant la cause palestinienne – indication forte qu’il n’hésiterait pas à soutenir le Hamas si les circonstances justifiaient une intervention. Si on se base sur cette interprétation, restent les questions relatives au timing et aux conditions dans lesquelles le Hezbollah pourrait intervenir.

Le Hezbollah a déjà démontré sa volonté d’intervenir, bien que dans une capacité limitée. La stratégie coordonnée entre les membres de l’« axe de la résistance » semble caractérisée par une approche mesurée et calculée plutôt qu’un déploiement de toutes les ressources disponibles simultanément.

Les médias libanais, en particulier ceux alignés avec le Hezbollah, ont pointé le fait qu’il faudrait un consensus au sein de l’« axe de la résistance » avant de choisir le moment décisif – qualifié d’« instant zéro » – où le Hezbollah s’impliquerait davantage. 

Contrairement aux acteurs étatiques, les groupes armés tels que le Hamas pourraient employer un paradigme décisionnel dans lequel les massacres à grande échelle ne servent pas de catalyseur primaire aux représailles ou à un engagement accru. Les schémas de réaction et de justification aux actes militaires du Hezbollah et du Hamas soulignent cette distinction.

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Le moment exact de cet « instant zéro » reste indéterminé, les spéculations suggèrent que l’invasion terrestre imminente de Gaza, approuvée par les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France, pourrait déclencher une intervention plus importante du Hezbollah. Cette interaction reflète la relation intégrante entre les différents acteurs au sein de l’« axe de la résistance ».

L’Iran par exemple semble être le fer de lance des engagements diplomatiques, comme l’ont prouvé les tournées régionales effectuées par son ministre des Affaires étrangères. Bien que Téhéran semble tendre vers la désescalade, les actes du Hezbollah dans le sud du Liban envoient un message clair quant à la volonté du groupe de s’engager militairement s’il le juge nécessaire.

- Amena ElAshkar est assistante de recherche au Center for Conflict and Humanitarian Studies.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Amena ElAshkar is a research assistant at the Center for Conflict and Humanitarian Studies.
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