Netanyahou, agent du chaos, ressortira comme le gagnant de cette situation
Le dernier round entre Israël et Gaza – j’ai perdu le compte du nombre de fois où cela s’est produit – a surpris les responsables politiques et militaires des deux côtés. Pourtant, cela n’aurait pas dû être le cas.
Ils auraient dû comprendre et savoir ce que leurs actions stupides allaient engendrer. L’avertissement était clair, net et précis. Certes, toutes les parties prenantes ne désiraient pas une guerre totale et n’en veulent toujours pas, mais elles récoltent la violence qu’elles ont semé étape par étape.
Le premier signal indiquant que le conflit israélo-palestinien était sur le point d’être ravivé une fois de plus, après un calme relatif de plus d’un an, fut la décision de repousser les élections palestiniennes prévues le 22 mai.
L’Autorité palestinienne, et son mouvement dirigeant le Fatah dirigé par le président Mahmoud Abbas, qui contrôle la Cisjordanie occupée est profondément divisée entre factions rivales.
Pour l’armée israélienne et le service de sécurité intérieure (Shin Bet), le Hamas avait de bonnes chances de remporter les élections et d’accroître son influence en Cisjordanie. Ils ont persuadé Abbas, qui était parvenu à la même conclusion, d’annuler les élections, sans véritable motif.
Le Hamas était en colère, a blâmé Israël et décidé de provoquer ce dernier en lançant– à petite échelle – des cerfs-volants et des ballons incendiaires, qui ont brûlé des champs de blé et de pommes de terre prêts pour la récolte.
Cet incendie aérien a commencé à s’intensifier au milieu du mois du Ramadan, une période au cours de laquelle, comme le savent les autorités israéliennes d’après les expériences passées, les tensions sont souvent vives et ont le potentiel de raviver les frictions entre Israéliens et Palestiniens, en particulier à Jérusalem-Est.
Et effectivement, de violents incidents se sont produits : des policiers israéliens agressifs et zélés ont attaqué de jeunes Palestiniens.
Bal des folies
L’ouverture du bal des folies fut la décision de la police de barricader la place de la porte de Damas, fréquentée par les jeunes Palestiniens le soir après la rupture du jeûne du Ramadan.
Ces barricades ont compliqué l’accès à la mosquée al-Aqsa et à son complexe pour les prières. Les jeunes Palestiniens ont réagi par des pétards et ont affronté la police.
Le préfet de police Yaakov Shabtai, nommé fin 2020 par le ministre de droite de la Sécurité intérieure, Amir Ohana, a peu d’expérience du maintien de l’ordre traditionnel au quotidien.
Sa nomination a été approuvée et même encouragée par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, qui est à la tête d’un gouvernement de transition.Tout au long de sa carrière professionnelle, il a servi au sein de la police des frontières, un corps connue pour son racisme à l’égard des Palestiniens de Cisjordanie et des citoyens palestiniens d’Israël. Ses opinions antilibérales et de droite sont de notoriété publique en Israël.
Le Shin Bet a décidé d’intervenir pour rétablir le calme dans les rues de Jérusalem et a contraint Shabtai à démonter les barricades. Mais il était trop tard. Le mal était fait.
Le Hamas a cru qu’Israël cédait face à la pression et a accentué ses menaces et son discours réfractaire incitant à la violence. Dans le même temps, les policiers israéliens ont mené des raids au sein de la mosquée al-Aqsa et ils s’en sont pris aux fidèles.
L’initiative suivante fut une autre décision irréfléchie de la police. Pour accommoder ses responsables politiques, Ohana et Netanyahou, Shabtai a autorisé la tenue d’un événement annuel connu sous le nom de « danse des drapeaux », malgré les tensions croissantes.
Il s’agit d’une manifestation annuelle des ultranationalistes de droite et des colons israéliens qui défilent dans le quartier musulman de la vieille ville de Jérusalem.
En fin de compte, le préfet de police a une fois de plus cédé face à la pression du Shin Bet et ordonné une modification de l’itinéraire du défilé. Netanyahou, qui s’est rendu compte qu’il jouait avec le feu, a donné pour consigne à la police de tenter d’apaiser les tensions. Mais une fois de plus, c’était trop tard et l’engrenage était lancé.
Ultimatum de Gaza
Le Hamas et le mouvement du Jihad islamique ont lancé un ultimatum à la police israélienne lundi soir, leur ordonnant de quitter le complexe de la mosquée al-Aqsa. Israël ne pouvait pas se permettre de céder à une telle demande.
Pour prouver qu’il est fidèle à sa parole, le Hamas a lancé plusieurs roquettes en direction de Jérusalem et de sa campagne environnante.
L’armée israélienne, dirigée par le général Aviv Kochavi, a ordonné le bombardement de sites militaires du Hamas et du Jihad islamique à Gaza.
Mais comme toujours avec les frappes aériennes israéliennes, des civils palestiniens, dont des enfants, ont été tués. L’armée israélienne a également renouvelé sa campagne d’assassinats ciblés contre des chefs à Gaza.
Les deux groupes armés ont riposté avec un barrage de roquettes tirées en direction des villes israéliennes, notamment Ashkelon et Ashdod ainsi que des collectivités rurales du sud.
En Israël, de petits groupes de citoyens palestiniens vivant dans des villes mixtes telles que Jaffa, Haïfa, Ramla et Lod, ont manifesté en solidarité avec Gaza.
À peine 24 heures après le début de la campagne d’Israël contre la bande assiégée, des dizaines de Palestiniens ont été tués et blessés, et des dizaines de bâtiments détruits. Dans le même temps, deux Israéliennes ont été tuées et des maisons endommagées tandis que 300 roquettes ont été tirées depuis Gaza.
De chaque côté, Kochavi et les dirigeants du Hamas continuent avec leur rhétorique menaçante et dure. Pourtant, il semblerait que les deux côtés font preuve d’une certaine retenue. Le Hamas et le Jihad islamique n’avaient pas tiré sur Tel Aviv avant mardi soir, tandis que l’armée israélienne semble – pour l’instant – ne pas avoir l’intention de franchir la frontière pour envahir Gaza.
Dans le même temps, comme lors des confrontations passées entre Israël et Gaza, l’Égypte, le Qatar et la Turquie vont tenter de négocier un cessez-le-feu. Mais les experts en sécurité préviennent que si les violences ne s’apaisent pas au cours des deux prochaines semaines, la situation pourrait devenir hors de contrôle.
Les experts en sécurité préviennent que si les violences ne s’apaisent pas au cours des deux prochaines semaines, la situation pourrait devenir hors de contrôle
Mais même si une paix et une tranquillité relative reviennent, et même s’il n’a pas initié ces violences, il est très probable que Netanyahou ressortira comme le gagnant de cette situation.
Après quatre élections indécises, alors même qu’il est jugé pour corruption, Netanyahou est devenu l’agent du chaos.
Avant lundi dernier, il y avait une forte probabilité que Netanyahou doive démissionner et soit remplacé par une coalition de centre-droit et de gauche, avec le soutien de Raam, le mouvement islamique palestinien. Aujourd’hui, cette éventualité s’éloigne.
- Yossi Melman est un commentateur spécialiste de la sécurité et du renseignement israéliens. Il est co-auteur de Spies Against Armageddon.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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