Les musulmans doivent se joindre à la lutte contre le populisme autoritaire
La victoire inattendue de Trump aux élections présidentielles américaines du 8 novembre et le vote du Brexit au Royaume-Uni le 23 juin semblent indiquer que l’Occident est en train de prendre une direction politique nouvelle et incertaine.
Beaucoup ont commencé à craindre que cette politique « anti-establishment », certains la qualifieront plutôt de populisme autoritaire, puisse mettre fin aux valeurs démocratiques et au caractère inclusif de l'Occident moderne
L'Amérique et l’Angleterre moyennes ont voté avec leurs pieds contre leurs establishments politiques dirigés par l'élite métropolitaine – grâce au style arrogant des camps victorieux, aux attaques humiliantes contre les opposants et aux commentaires effrayants sur les immigrés et d’autres communautés vulnérables telles que les musulmans. Il reste à voir si ces résultats électoraux auront un effet boule de neige dans d’autres pays, comme la France, sur le continent européen.
En tant que pays le plus puissant sur terre, l’Amérique a affecté la politique internationale et l’économie mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale. En raison de la façon dont Donald Trump a mené sa campagne électorale et a gagné, le spectre d'une Amérique intolérante et plus clivante hante désormais ses nombreux citoyens et le reste de la communauté mondiale.
Comme on l’a vu avec la très forte montée de l’intolérance contre les minorités suite au Brexit au Royaume-Uni, la victoire de Trump a également été suivie par une vague de crimes de haine contre des minorités à travers l'Amérique. Alors que la nouvelle de sa victoire a été absorbée et que le choc s’est estompé, de nombreuses régions du pays ont connu des manifestations de lycéens, de collégiens et d’étudiants ainsi que d'autres jeunes et sections progressistes de la société.
Trump ira-t-il jusqu’au bout ?
L'Amérique et le reste du monde attendent avec impatience de voir si le président Trump sera différent du candidat Trump. Malheureusement, ses nominations, en particulier celle de l'ancien directeur du média d'extrême droite Breitbart News au poste de stratège en chef, ne sont pas de bon augure.
Certains groupes puissants ont exhorté le président élu à retirer la nomination de Steve Bannon, mais il n'y a pas encore de signe qu'il cèdera sur ce point. Son annonce selon laquelle l'Amérique quittera le Partenariat commercial trans-pacifique (PTP) le premier jour de son mandat est vue comme une rebuffade par de nombreux pays amis.
Bien que Trump lui-même appartienne au club d'élite des gens super riches qu’il dénonce publiquement et qu’il ait lui-même bénéficié du système qu’il accuse d’être truqué, il a réussi à déchaîner la colère de nombreux Américains ordinaires contre l'establishment politique. Son adversaire Hillary Clinton, en revanche, a eu du mal à établir le contact avec les électeurs.
Faux anti-élitisme
Le slogan de Trump de « Rendre sa grandeur à l'Amérique » et ses remarques grossières sur de nombreux groupes pendant la campagne électorale ont touché la corde sensible de nombreux électeurs, notamment de droite. Le leader du Parti travailliste britannique, Jeremy Corbyn, a récemment attaqué son faux anti-élitisme, disant qu'il était « grotesque à un niveau, mais en réalité ce n'est pas une blague du tout ».
Beaucoup ont commencé à craindre que cette politique « anti-establishment », certains la qualifieront plutôt de populisme autoritaire, puisse mettre fin aux valeurs démocratiques et au caractère inclusif de l'Occident moderne, déjà érodé depuis le 11 septembre. L'usage systématique du langage et du style Trump dans la campagne a déjà fait d'énormes dégâts en encourageant l'intolérance politique, la misogynie et la rhétorique haineuse en Amérique. Cela a galvanisé certains politiques européens d'extrême-droite qui pensent désormais que la victoire électorale est à leur portée, et on ne peut certes pas les en blâmer.
Les élites dirigeantes américaines, en collaboration avec le complexe militaro-industriel et les lobbies d’entreprises, ont effectivement déçu de nombreux citoyens ordinaires pendant des décennies. Les inégalités indécentes et l’impuissance de ces dernières années ont quant à eux galvanisé ceux qui sont en colère et ont polarisé le pays. Le désordre créé par l'invasion brutale de l'Afghanistan et de l'Irak après le 11 septembre, et le manque de plan ou de volonté de reconstruction qui l’a accompagnée, a entraîné toutes sortes de catastrophes de par le monde.
Un président perçu comme un mâle dominant par ses partisans et comme un sociopathe par ses détracteurs peut-il corriger certains des problèmes urgents de l'Amérique et du monde ? Si sa présidence met en place un recensement pour les musulmans, les dégâts seront définitifs.
Défier Trump
Certains ne sont pas disposés à attendre de voir ce qu'il va faire et prennent position. Le directeur juif de la Ligue anti-diffamation (ADL) a déjà déclaré qu'il s'inscrirait comme musulman si un recensement venait à être créé, et d'autres ont suivi son exemple.
Les gens sont très en colère, mais la colère n'est pas un plan. Ils doivent s'unir et prendre leur destin en mains, car ils ne peuvent pas attendre que d'autres fassent le gros du travail à leur place
La politique d'aujourd'hui basée sur une vision à court terme et une rhétorique souvent trompeuse ont rendu amers les gens ordinaires laissés de côté par le système politique. Ils s'attendent à ce que la politique nationale soit au service de tous et pas seulement de quelques-uns.
Mais dans un monde politique post-vérité qui a connu un déclin brutal de sa boussole morale, cela ne se produira pas, à moins que les gens ne se réveillent et s'unissent pour lutter eux-mêmes pour leurs droits.
À cette fin, ils doivent prendre des mesures innovantes pour changer le statu quo. Les gens sont très en colère, mais la colère n'est pas un plan. Ils doivent s'unir et prendre leur destin en mains, car ils ne peuvent pas attendre que d'autres fassent le gros du travail à leur place.
Les musulmans ont un rôle à jouer
Pour les musulmans qui vivent en Occident, l’enjeu de ce combat pour la justice sociale est énorme car, depuis le 11 septembre, ils sont inlassablement utilisés comme des pions par les establishments politiques et médiatiques d'extrême-droite d'une part, et par les terroristes, au nom de la religion, de l’autre.
Les jeunes musulmans, en particulier, ont la tâche monumentale de diriger leurs propres communautés afin qu’elles s’impliquent de façon efficace dans la société dans son ensemble en vue du bien commun, car ceux sont eux qui souffriront le plus si l'autoritarisme se propage au sein des démocraties occidentales. Ils sont naturellement plus doués dans la compréhension des dynamiques sociétales et ont de meilleures compétences pour rejoindre la lutte contre la vague de politiques populistes et clivantes.
Il est vital qu'ils s'élèvent au-dessus de leur étroite zone de confort et participent activement à des alliances civiles avec d'autres groupes minoritaires et mouvements progressistes – aux niveaux local et national - dans leurs quartiers et à travers les villes de toutes tailles.
- Le Dr Muhammad Abdul Bari est un pédagogue, auteur et consultant en éducation. Il est membre du conseil de Citizens UK. Vous pouvez le suivre sur Twitter @MAbdulBari
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : Manifestation contre le président républicain élu, Donald Trump, devant la Trump Tower à Chicago (Reuters).
Traduit de l’anglais (original) par Monique Gire.
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