Mon neveu adolescent a été frappé par les forces israéliennes. Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé
Mon neveu, Akram Obaid, est un adolescent de 16 ans qui vit à Jérusalem-Est occupée. À deux reprises, il a été interrogé par des officiers des renseignements israéliens et, la seconde fois, il en est ressorti avec un léger traumatisme crânien après avoir été frappé. L’interrogateur a confisqué son téléphone avec son mot de passe et ne le lui a pas rendu.
Le fait que ce qui lui est arrivé n’est pas exceptionnel n’est pas une consolation pour lui. Ces agressions visent à enseigner aux jeunes Palestiniens à obéir sans discuter aux autorités. Comme d’autres adolescents palestiniens qui vivent à Jérusalem, Akram sait qu’il peut être arrêté, fouillé, attaqué voire tué à tout moment par les soldats israéliens.
À chaque fois lors de ses détentions, l’interrogateur israélien a téléphoné à son père et lui a demandé d’amener Akram pour interrogatoire à 8 h.
Lorsque son père a expliqué qu’Akram devait aller à l’école et passer ses examens, l’interrogateur lui a rétorqué que ce n’était pas son problème.
Cela ne surprendra aucun Palestinien de Cisjordanie occupée. Après tout, c’est l’état d’esprit officiel israélien poussé à son paroxysme : on commande, vous obéissez.
La première fois, Akram a été interrogé à propos d’une vidéo TikTtok qui le montre, lui et ses amis, en train de se moquer de soldats israéliens. Pour son second interrogatoire, il a été interrogé à propos d’une autre vidéo du même type.
Le père d’Akram n’a pas été autorisé à soutenir son fils pendant l’interrogatoire. Dans d’autres contextes, plus civilisés, ce serait une obligation légale, pas en Palestine occupée. Les responsables israéliens considèrent la sécurité comme sacrée, au-dessus de toute considération morale ou légale.
Il a ensuite été frappé, ses interrogateurs visant délibérément sa tête et sa nuque. Mais cela ne leur suffisait pas et ils lui ont ordonné de dire qu’il était un « fils de pute ». Lorsqu’il a refusé, il a été passé à tabac. Il a été tellement secoué par cette expérience qu’une fois que les interrogateurs israéliens en ont eu fini avec lui, il a été admis à l’hôpital où on lui a diagnostiqué un léger traumatisme crânien.
Haine omniprésente
Lorsque Akram m’a rendu visite au Royaume-Uni, il a fait tout ce que les enfants devraient pouvoir faire. Cependant, à Jérusalem-Est occupée, il doit traverser un poste de contrôle chaque jour pour aller à l’école, où il voit des Palestiniens de tous âges être humiliés et rabaissés par les soldats israéliens. Il doit vivre dans l’incertitude et dans un environnement où la violence est monnaie courante.
Les tensions sont nombreuses dans la ville, en ce moment, à cause des tentatives d’Israël de chasser les Palestiniens de Sheikh Jarrah et de donner leurs maisons à des colons. La police israélienne a également fait irruption dans la mosquée al-Aqsa à de multiples occasions récemment.
Mais apparemment, il ne vient pas à l’esprit des Israéliens que les Palestiniens ont le droit de résister à ça et aux autres atteintes à leurs droits fondamentaux. D’ailleurs, ils n’en ont pas simplement le droit : la dignité humaine et le respect de soi leur ordonnent de résister.
Cela n’est sûrement pas venu à l’esprit de l’interrogateur qui a demandé à Akram pourquoi il détestait les juifs. Bien sûr, c’est en soi un préjugé. En d’autres circonstances, Akram aurait peut-être pu demander à cet interrogateur pourquoi tant d’Israéliens, y compris ceux qui ont défilé dans les rues souhaitant la mort des Arabes, le haïssent.
En fait, cette haine est tellement omniprésente qu’elle s’étend à une forme de racisme interne : les juifs qui habitaient dans les pays arabes sont considérés comme inférieurs de façon inhérente à leurs homologues européens.
David Ben Gourion, le premier Premier ministre israélien, affirmait que les juifs arabes n’avaient pas « les connaissances les plus élémentaires » et ne recélaient « pas la moindre trace d’éducation humaine ou juive ».
Moshé Sharett, en tant que ministre des Affaires étrangères, avait déclaré : « Nous ne pouvons pas compter sur les juifs du Maroc pour bâtir le pays, parce qu’ils n’ont pas été éduqués pour cela ». Et Ze’ev Jabotinsky, influence politique majeure sur la droite israélienne, avait nié l’existence même des juifs mizrahi lorsqu’il déclarait que les juifs, merci, n’ont rien en commun avec l’Est ».
J’aimerais demander à l’interrogateur d’où vient cette haine. Comment ces gens en sont arrivés à croire que les Arabes sont intrinsèquement arriérés, primitifs, hostiles et cruels ? Comment en est-il arrivé à croire que l’ensemble des Arabes déteste les juifs ?
Mais bien évidemment, il ne s’agirait là que de questions rhétoriques car on connait déjà les réponses : un système éducatif qui enseigne aux enfants à considérer les Arabes comme inférieurs par nature, un système politique bâti sur un racisme et un héritage colonial, avec une idéologie politique associée qui instille le militarisme et la suspicion à l’égard du monde extérieur.
Je me demande également quelle sorte de délire, ou même de maladie, s’est emparé de l’esprit d’une personne qui ne voit pas de problème à parler de haine en infligeant des violences à un enfant – ou lorsqu’elle ne remet pas en cause le fait qu’elle fait partie d’une structure coloniale raciste qui considère les Palestiniens comme intrinsèquement inférieurs, méritant d’être dénigrés, humiliés, déshumanisés, voire tués.
Les Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie occupée, de Jérusalem-Est et au sein d’Israël, sans compter les réfugiés palestiniens, sont ainsi confrontés un système qui ne les prive pas seulement de leurs droits fondamentaux, mais aussi de leur droit même à exister.
En effet, l’interrogateur israélien a été mesure de faire ce qu’il a fait uniquement parce qu’il considérait Akram comme un inférieur ne méritant rien de plus que la violence et l’humiliation. L’histoire nous enseigne – et on pourrait s’attendre à ce que les juifs israéliens, entre tous, en soient conscients – que la déshumanisation n’est pas simplement un précurseur mais un prérequis essentiel au plus grotesque et inhumain des crimes.
En réfléchissant aux crimes d’Israël, on fait peut-être l’erreur de se concentrer uniquement sur ceux qui infligent le plus de dommages où prennent le plus grand nombre de vies. On agrandit le cadre et on se concentre sur le global.
Peut-être devrions-nous à la place prendre en compte l’infinitésimal et nous demander où va finir par nous mener le fait d’infliger un traumatisme crânien à un enfant ou le contraindre à insulter sa propre mère.
- Nadia Naser Najjab est maître de conférences en études palestiniennes à l’Institut d’études arabes et islamiques de l’université d’Exeter.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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