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L’Union africaine a commis une autre grave erreur en accordant à Israël le statut d’observateur

La décision de l’UA reflète son long soutien à une solution à deux États, laquelle a certainement échoué à répondre aux justes aspirations des Palestiniens et a rendu possible la poursuite du projet de colonisation israélien avec le soutien de l’Occident
Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, à Addis-Abeba (Éthiopie), le 13 mars 2019 (AFP)

Le 22 juillet, le président de la Commission de l’Union africaine a reçu les lettres de créance de l’ambassadeur de l’État d’Israël en Éthiopie, au Burundi et au Tchad.

La rencontre entre Moussa Faki Mahamat et Aleli Admasu, qui s’est tenue au siège de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba (Éthiopie), a officiellement scellé le statut d’observateur d’Israël auprès de l’UA. Israël avait par le passé détenu le statut d’observateur auprès de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), mais n’avait pas réussi à le récupérer après la dissolution de l’OUA en 2002 et son remplacement par l’UA.

La moribonde solution à deux États a depuis longtemps normalisé les agressions israéliennes et la déshumanisation multidimensionnelle des Palestiniens

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, a qualifié l’événement de « jour de fête pour les relations israélo-africaines ». L’Afrique du Sud, en revanche, a décrit cette décision surprenante comme « injuste » et « choquante ». Et la Namibie a déclaré qu’« accorder le statut d’observateur à une puissance occupante [était] contraire aux principes et objectifs de l’Acte constitutif de l’Union africaine ». Quatorze pays auraient rejeté le statut d’observateur d’Israël.

La Commission de l’Union africaine aurait décidé d’accorder à Israël le statut d’observateur sans consulter la totalité des États membres. Néanmoins, cette décision doit être considérée dans le contexte plus vaste du long soutien de l’UA à une solution à deux États au conflit au Proche-Orient. Sa position déclarée est claire : les Palestiniens méritent d’avoir un État indépendant sur la base des frontières du 4 juin 1967.

Impasse à deux États

Depuis près de 60 ans, l’UA déclare qu’une solution à deux États est nécessaire à la coexistence pacifique d’Israël et d’un État palestinien indépendant. Néanmoins, au fil des ans, le processus de paix s’est enraillé à plusieurs reprises et un État palestinien ne s’est pas matérialisé. En réalité, la « grande » solution à deux États n’a servi qu’à faire des Palestiniens des « autres » et à rendre possible le projet de colonisation de peuplement israélien, avec le soutien de l’Occident.

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Ainsi, chaque fois qu’Israël attaque Gaza et tue des femmes et des enfants innocents, ses alliés occidentaux soulignent le « droit légitime d’Israël à se défendre » et s’empressent de mentionner l’insaisissable solution à deux États.

Chaque fois qu’Israël impose à Gaza des restrictions qui engendrent pauvreté et difficultés au quotidien sur tout le territoire enclavé, ses alliés occidentaux font allusion à la solution à deux États et à la nécessité de « trouver un équilibre entre les préoccupations d’Israël en matière de sécurité » et les besoins des Palestiniens.

Et chaque fois qu’Israël approuve de nouvelles colonies illégales en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupées, lesquelles compromettent davantage l’établissement d’un État palestinien géographiquement contigu, en violation du droit international, Israël se fait seulement taper sur les doigts par l’Union européenne et les États-Unis, qui réitèrent sans vergogne leur soutien à la solution à deux États dans des déclarations généralement inutiles.

Faux équilibre

Aujourd’hui, quelque 600 000 à 750 000 Israéliens vivent dans au moins 250 colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupées. Ainsi, l’amère réalité de la solution à deux États en août 2021 est qu’elle s’est transformée en un conduit sans fin pour l’expansion coloniale d’Israël sur fond de complicité occidentale.

Bien qu’au moins 279 Palestiniens aient été tués dans la guerre israélienne contre Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est en mai, les États-Unis ont récemment approuvé une vente d’armes à Israël d’un montant de 735 millions de dollars et la potentielle vente d’hélicoptères au prix de 3,4 milliards de dollars. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Un tel soutien est rendu possible par le faux équilibre promu par les médias et les acteurs politiques occidentaux, qui sert à donner à la discrimination, au racisme et à la violence systémiques d’Israël un cadre à la logique et moralité douteuses. Mais seuls les Palestiniens ont eu à subir l’indignité que constituent les énormes vols de terre et privations qu’ils subissent sous une occupation de longue date et le spectre d’une solution à deux États chancelante.

Une fillette palestinienne tient sa peluche à l’intérieur de sa maison fortement endommagée lors de la dernière offensive israélienne contre Gaza, le 5 août 2021 (AFP)
Une fillette palestinienne tient sa peluche à l’intérieur de sa maison fortement endommagée lors de la dernière offensive israélienne contre Gaza, le 5 août 2021 (AFP)

En effet, seuls les Palestiniens ont été laissés pour compte par leurs anciens camarades, qui se sont livrés au faux équilibre de la solution à deux États à des fins égoïstes. Le Rwanda, l’Éthiopie, le Kenya et le Ghana, par exemple, ont adopté la rhétorique de la solution à deux États afin d’établir des liens étroits avec Israël.

En réalité, de nombreux pays africains doutent de la faisabilité de la solution à deux États et n’ont aucun problème à collaborer avec Israël à plusieurs niveaux. La solution à deux États a certainement échoué à répondre aux justes aspirations des Palestiniens, et les États membres de l’UA ne peuvent prétendre le contraire.

Inaction honteuse

L’UA doit abandonner cette politique et soutenir activement l’établissement d’un État démocratique unique pour les Palestiniens et les Israéliens. Travailler à la création d’un État unitaire obligerait l’UA à mettre en œuvre un examen complet des politiques d’apartheid d’Israël.

Israël n’a pas eu à faire face à une action internationale globale contre ses nombreuses violations des droits de l’homme – et l’UA a participé à cette inaction honteuse

Cela obligerait également l’UA à établir un plan d’action concret pour aider à sécuriser la terre et les droits sociaux et économiques des Palestiniens maintenant, et ce dans un cadre véritablement démocratique.

Human Rights Watch, une ONG de premier plan, a décrit Israël comme similaire à l’Afrique du Sud de l’apartheid. C’est certainement le cas, mais Israël n’a pas eu à faire face à une action internationale globale contre ses nombreuses violations des droits de l’homme – et l’UA a participé à cette inaction honteuse.

Cette dernière n’a pas cherché à savoir pourquoi Israël démolissait régulièrement des écoles, des maisons et des villages palestiniens. Ni pourquoi les Palestiniens de Sheikh Jarrah sont menacés d’expulsion imminente des maisons qu’ils possèdent depuis 1956. Ni pourquoi des milliers de mineurs palestiniens qui languissent dans le système de détention militaire israélien subissent des abus physiques et mentaux.

L’Union africaine n’a pas cherché à savoir pourquoi les Palestiniens étaient soumis à des traitements humiliants et à des morts pareilles à des exécutions aux check-points israéliens. Pourquoi Israël construit toujours davantage de colonies illégales sur les terres occupées. Pourquoi Gaza est un chaudron de souffrance humaine. Ou pourquoi 5 739 Palestiniens ont perdu la vie à cause de la violence gratuite d’Israël entre 2008 et 2021.

Le bloc progressiste

Ce sont les questions dont l’UA devrait être saisie en ce qui concerne les droits des Palestiniens, mais la moribonde solution à deux États a depuis longtemps normalisé les agressions israéliennes et la déshumanisation multidimensionnelle des Palestiniens.

L’établissement d’un État démocratique unique dans lequel les Palestiniens et les Israéliens coexisteraient pacifiquement en tant qu’égaux ne devrait pas être inconcevable pour l’UA.

Un État démocratique qui reconnaît et répare les nombreuses injustices que les Palestiniens ont endurées au cours des 73 dernières années devrait être le juste objectif à atteindre. Il est temps que le bloc progressiste au sein de l’UA se fasse le champion d’une démocratie unique qui donnerait des pouvoirs égaux aux Palestiniens et aux Israéliens.

Tafi Mhaka est un commentateur et écrivain basé à Johannesburg qui s’intéresse tout particulièrement à l’Afrique, surtout le Zimbabwe et l’Afrique australe. Il est titulaire d’une licence obtenue avec mention à l’Université de Cape Town. Ses travaux ont été publiés sur Al Jazeera, News24, Nehanda Radio, Newsday et New Zimbabwe. Vous pouvez le suivre sur Twitter @tafimhaka

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original).

Tafi Mhaka is a Johannesburg-based commentator and writer with a keen interest in African affairs, with special focus on Zimbabwe and Southern Africa. Tafi has a BA Honours degree from the University of Cape Town. His works have been published on Aljazeera, News24, Nehanda Radio, Newsday, and New Zimbabwe. He tweets at @tafimhaka
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