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Comment les réseaux sociaux sont devenus une « filiale » du FBI et de la CIA

Les Twitter Files ont levé le voile sur une alliance secrète entre la Silicon Valley, les services de renseignement et la classe politique des États-Unis
Les Twitter Files suggèrent un partenariat entre les services de renseignement, la Silicon Valley et les médias traditionnels (Illustration MEE)
Les Twitter Files suggèrent un partenariat entre les services de renseignement, la Silicon Valley et les médias traditionnels (Illustration MEE)

La dernière fois que le Congrès américain a tenté de se confronter aux activités des tentaculaires services de sécurité du pays, c’était il y a près d’un demi-siècle.

En 1975, la commission Church a réussi à avoir un fugace aperçu, loin d’être complet, des limbes dans lesquelles opèrent les agences telles que l’Agence centrale de renseignements (CIA), le Bureau fédéral d’enquête (FBI) et l’Agence de sécurité nationale (NSA). 

À la suite du scandale du Watergate, la commission du Congrès et d’autres enquêtes connexes ont découvert que les services de renseignement du pays disposaient de pouvoirs de surveillance de grande envergure et étaient impliqués dans une ribambelle d’actes illégaux ou inconstitutionnels. 

Secrètement, ils subvertissaient ou assassinaient des dirigeants étrangers. Ils avaient coopté des centaines de journalistes et de nombreux organes de presse à travers le monde pour promouvoir de faux récits. Ils ont espionné et infiltré des organisations politiques et pour les droits civiques. Et ils ont manipulé le débat public pour protéger et étendre leurs pouvoirs. 

Le sénateur Frank Church lui-même avait prévenu que la puissance de la communauté du renseignement pourrait à tout moment « se retourner contre le peuple américain et plus aucun Américain n’aurait de vie privée, telle est la capacité à tout surveiller… Il n’y aurait nulle part où se cacher. » 

Depuis lors, les possibilités technologiques pour s’introduire dans la vie privée des gens se sont multipliées, et la portée des agences de renseignement, en particulier après le 11 septembre 2001, a progressé d’une manière que Church n’aurait jamais pu imaginer. 

C’est pourquoi cela fait bien longtemps qu’une nouvelle commission Church aurait dû être établie. Et au bout du compte, on pourrait enfin assister prochainement à une sorte de réminiscence dans les circonstances les plus controversées et pour les raisons les plus partisanes qui soient. 

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En janvier, une longue bataille au sein du Parti républicain pour élire Kevin McCarthy en tant que nouveau président de la Chambre des représentants a contraint ce dernier à céder aux demandes de l’aile droite de son parti. Il a en particulier acceptéde mettre en place une commission sur ce qui est qualifié de « transformation en arme » du gouvernement fédéral. 

Sa première réunion a eu lieu début février. Ses membres indiquent que sa tâche sera d’examiner « la politisation du FBI et du département de la Justice et les attaques contre les libertés civiles américaines ». 

Plus tôt, dans un discours concernant cette nouvelle commission devant la Chambre, le représentant républicain Dan Bishop a déclaré qu’il était temps de couper « les branches pourries » du gouvernement fédéral. « Nous prévenons l’État profond. Nous venons vous chercher. » 

Les démocrates dénoncent déjà cette commission comme étant un outil manié dans l’intérêt de Donald Trump et de ses partisans, affirmant que les républicains de droite veulent jeter le discrédit sur les services de sécurité et suggérer que des délits ont été commis dans le traitement de l’ancien président. 

Des pouvoirs de plus en plus importants

Mais si la commission finira certainement par être manipulée à des fins politiques, elle pourrait toutefois mettre en lumière certains des nouveaux pouvoirs terrifiants que les services de sécurité ont acquis depuis le rapport de la commission Church.

L’ampleur qu’ont pris ces pouvoirs devrait sauter aux yeux de tous. Des documents dévoilés par le lanceur d’alerte Edward Snowden il y a dix ans montraient la surveillance de masse illégale tant au plan national qu’à l’étranger opérée par la NSA. Et l’organisation pour la transparence de Julian Assange, Wikileaks, a publié des dossiers révélant non seulement les crimes de guerre américains en Irak et en Afghanistan, mais aussi un énorme programme de piratage mondial mis en place par la CIA. 

Il faut noter – éventuel signe de la capacité des agences de sécurité à infliger des représailles à ceux qui remettent en cause leur puissance – qu’Assange et Snowden ont payé un lourd tribut pour leurs actes. 

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Snowden a été contraint à l’exil en Russie, l’une des rares juridictions où il ne peut être extradé vers les États-Unis et emprisonné. Assange est incarcéré tandis que les autorités américaines demandent son extradition afin de le faire disparaître dans une prison de sécurité maximale pour le reste de sa vie. 

Aujourd’hui, improbable retournement de situation, un milliardaire a levé un nouveau coin du voile sur les manipulations secrètes des services de sécurité – cette fois en lien avec les réseaux sociaux et le processus électoral américain. Cette fois, ce sont le FBI et le département de la Sécurité intérieure, établi par l’ancien président George W. Bush au lendemain des attentats du 11 septembre, qui tiennent la vedette. 

Après avoir acquis Twitter l’année dernière, Elon Musk a donné accès aux archives de l’entreprise à quelques journalistes indépendants. Dans une série d’enquêtes de longue haleine intitulées les Twitter Files publiées sous forme de longs fils sur la plateforme, ces journalistes détricotent ce qui se passait du temps des anciens propriétaires de Twitter. 

En résumé, après l’élection de Trump, les agences de sécurité américaines – aidées par les pressions politiques, en particulier du Parti démocrate – se sont taillé un chemin de manière agressive dans les processus de décision de Twitter. D’autres grands réseaux sociaux semblent avoir conclu des arrangements similaires.  

Une « chose insignifiante » ?

Les Twitter Files suggèrent un partenariat caché mais qui a rapidement émergé entre les services de renseignement étatiques, la Silicon Valley et les médias traditionnels, lequel visait à manipuler le débat national aux États-Unis – ainsi que dans une grande partie du reste du monde. 

Les membres de cette alliance justifient leur ingérence dans la politique américaine – dissimulée à la vue du public – comme une réaction nécessaire à l’essor rapide d’un nouveau populisme. Trump et ses partisans avaient réussi à prendre le dessus dans le Parti républicain et une gauche populiste menée par le sénateur Bernie Sanders avait un peu progressé au sein du Parti démocrate. 

Les réseaux sociaux inquiétaient particulièrement les services de sécurité parce qu’ils étaient considérés comme le vecteur à l’origine de cette vague de mécontentement populaire. Selon un article de The Intercept, un responsable du FBI faisait remarquer l’année dernière que « les informations subversives sur les réseaux sociaux pourraient saper le soutien envers le gouvernement américain ». 

La sécurité nationale voyait, semble-t-il, une alliance avec le secteur privé de la Big Tech comme une opportunité de protéger la vieille garde politique, en particulier au sein du Parti démocrate. Des personnalités telles que le président Joe Biden et l’ancienne présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi étaient vues comme des gens sûrs, en position de préserver la légitimité d’un capitalisme néolibéral débridé et des guerres sans fin qui constituent l’énergie vitale de la communauté des renseignements. 

Elon Musk, patron de Twitter, photographié en Californie, le 24 juillet 2023 (AFP)
Elon Musk, patron de Twitter, photographié en Californie, le 24 juillet 2023 (AFP)

Ce partenariat a bien servi tous les camps. La Silicon Valley offre une carrière de choix pour de nombreux libéraux qui sont persuadés que le meilleur moyen de servir le progrès passe par les moyens technologiques qui dépendent de la stabilité sociale et du consensus politique. Le populisme et la polarisation qu’il engendre naturellement les mettent mal à l’aise. 

Les services de sécurité et les politiciens plus au centre dans les Partis républicains et démocrates savent qu’ils sont dans la ligne de mire des politiques populistes en raison de leurs échecs depuis des décennies : des écarts de richesses croissants, une économie américaine qui craque, des services sociaux non existants ou délabrés, la capacité des riches à acheter une influence politique, les vies et fonds perdus sans cesse dans des guerres qui semblent inutiles menées sur des terres lointaines, et des médias qui traitent rarement des inquiétudes des personnes lambda.

Au lieu de se concentrer sur les véritables causes de la colère qui gronde et du sentiment anti-establishment, les services de sécurité ont offert aux politiciens et à la Silicon Valley un discours plus réconfortant et pratique. Les populistes – de gauche comme de droite – n’expriment pas une frustration face à l’échec du système économique et politique américain. Ils œuvrent pour semer le mécontentement social afin de faire progresser les intérêts de la Russie

En pratique, les allégations de « désinformation russe » ont simplement servi à polariser davantage la politique américaine

Ou comme l’a enregistré le procès-verbal d’une réunion du département de la Sécurité intérieure en mars dernier, il fallait se concentrer sur le fait de mettre un terme aux « données subversives utilisées pour creuser un fossé entre la population et le gouvernement ». 

Cette stratégie a atteint son zénith avec le « Russiagate », des années d’hystérie sans preuve promue par la communauté des renseignements et le Parti démocrate. Principale allégation : Trump n’a pu l’emporter sur sa rivale démocrate Hillary Clinton lors de la présidentielle de 2016 qu’à cause de la collusion avec Moscou et des opérations d’influence russes à travers les réseaux sociaux. 

Comme dans le jeu de la taupe, tout signe de mauvaise conduite ou de criminalité des services de sécurité, ou les défaillances systémiques de la classe politique américaine, étaient désormais étiquetés comme de la « désinformation russe ». 

L’exil de Snowden en Russie – unique choix qui s’offrait à lui – a été utilisé pour discréditer son action de lanceur d’alerte contre la NSA. Et les révélations d’Assange et de Wikileaks concernant les crimes de guerre et les infractions de la communauté du renseignement ont été remises en cause par une supposée collusion avec des « hackers russes » pour révéler la corruption au sein du Parti démocrate lors des élections de 2016. 

En pratique, les allégations de « désinformation russe » ont simplement servi à polariser davantage la politique américaine. 

Les principales questions soulevées par les Twitter Files – la collusion de l’État profond avec les secteurs des médias et de la technologie, l’ingérence dans les élections et la manipulation et le détournement du discours – ont été diluées, et rendues obscures, par la politique politicienne. 

L’intérêt pour les Twitter Files reste largement confiné à la droite. Par réflexe, les démocrates ont pour la plupart rejeté ces révélations comme si c’était une « chose insignifiante ». 

Contrôler le débat politique

C’est peut-être une coïncidence, mais depuis sa prise de contrôle de Twitter, Musk est passé de chouchou des libéraux – pour ses voitures électriques Tesla – à quasi-paria. En octobre, l’administration Biden a démenti des informations selon lesquelles elle envisageait un examen de sécurité nationale de ces activités face à la « posture de plus en plus russophile » d’Elon Musk. Son statut d’homme le plus riche du monde s’est rapidement effondré, de même que sa réputation. 

L’ironie, c’est que ce sont les agences de sécurité ayant monté en épingle l’hystérie du « Russiagate » qui sont aujourd’hui exposées dans les Twitter Files comme ayant perpétré les ingérences dont elles accusaient Moscou.

Lors de l’élection présidentielle de 2016, la Russie aurait été de connivence avec Trump et l’aurait aidé en se servant des réseaux sociaux pour semer la discorde et manipuler l’électorat américain. Par la suite, l’enquête officielle de Robert Muller n’a pas réussi à étayer ces allégations.

Traduction : « 3. Les ‘’Twitter Files’’ racontent une histoire incroyable au sein de l’un des plus grands et influents réseaux sociaux au monde. C’est un récit à la Frankenstein, un mécanisme construit par l’homme ayant échappé à tout contrôle de son concepteur. »

Au contraire, je pense que les Twitter Files indiquent que ce n’était pas la Russie mais le FBI, le département de la Sécurité intérieure et la CIA – ces agences mêmes qui font valoir que la Russie menaçait l’ordre politique aux États-Unis – qui ont de manière agressive et clandestine cherché à influencer l’opinion publique américaine. 

Les Twitter Files suggèrent que c’est l’appareil de sécurité américain, bien plus que la Russie, qui constitue une véritable menace pour la démocratie américaine. Le climat de peur alimenté par ces agences concernant la supposée « désinformation russe » a non seulement influencé l’opinion publique, mais aussi donné à la communauté des renseignements un levier encore plus important sur les réseaux sociaux et davantage de liberté pour accumuler de plus grands pouvoirs

Les acteurs étatiques décident de plus en plus qui est autorisé à être entendu sur les réseaux sociaux – même Trump a été banni alors qu’il était président – et ce qui peut y être dit. Ces décisions sont souvent prises non pas pour prévenir un crime ou pour appliquer les lois, ou même pour le bien public, mais pour contrôler étroitement le débat politique en vue de marginaliser les sérieuses critiques de l’establishment. 

Le fait que la collusion entre les plateformes des réseaux sociaux et ces agences ait eu lieu en secret est en soi une indication de la nature néfaste de ce qui se passe.

Pression cachée

Les Twitter Files ouvrent une fenêtre sur un phénomène qui semble se reproduire sur tous les réseaux sociaux. 

Traditionnellement, les libéraux ont défendu l’utilisation de la censure par les réseaux sociaux au motif que ces plateformes sont des sociétés privées qui peuvent faire ce qu’elles veulent. Leur comportement ne constituerait pas une infraction aux protections de la liberté d’expression, laquelle est garantie par le Premier amendement aux États-Unis.

La réalité révélée par les Twitter Files, c’est que ces réseaux ont souvent réagi à des pressions cachées, qu’elles proviennent directement du gouvernement fédéral ou via ses agences de renseignement, en restreignant ce qui peut être dit. Comme le font remarquer à plusieurs reprises les Twitter Files, Twitter, comme d’autres réseaux sociaux, ne fonctionne plus vraiment comme une société privée mais plus comme « une sorte de filiale du FBI ». 

En 2017, point culminant de la panique du Russiagate, le FBI a mis en place un groupe de travail sur l’influence étrangère dont les effectifs n’ont pas tardé à atteindre les 80 agents. Sa mission manifeste était de faire la liaison avec les différents réseaux pour mettre un terme aux ingérences étrangères alléguées lors des élections. 

Le sceau du FBI devant son siège de Washington, le 15 août 2022 (AFP)
Le sceau du FBI devant son siège de Washington, le 15 août 2022 (AFP)

Les cadres de Twitter n’ont pas tardé à rencontrer et à communiquer avec des membres hauts placés du FBI de manière régulière, tout en recevant un flux sans fin de demandes de suppression de contenus pour prévenir la « désinformation russe ». La CIA semble avoir assisté également à ces réunions, sous l’étiquette « autre agence gouvernementale ». Bien que les attributions de ce groupe de travail aient été l’influence étrangère, il serait devenu un « conduit pour les montagnes de demande de modération nationale, des gouvernements locaux, voire de la police locale ». 

Sous la pression croissante exercée en coulisses par les renseignements, et en public par les politiciens, les réseaux sociaux auraient commencé à dresser des listes noires secrètes, aidés en cela par les informations des services de sécurité, pour limiter la portée de certains comptes ou empêcher des sujets d’arriver dans les tendances. Souvent, il était difficile de rater leurs effets ; Trump a déclaré qu’il allait enquêter sur cette pratique en 2018. 

En réaction, les cadres de Twitter ont publiquement nié pratiquer le « shadow banning » – terme utilisé pour désigner les publications ou les comptes qui sont difficiles voire impossibles à trouver. En fait, Twitter avait tout simplement inventé un terme différent pour désigner cette même répression du discours. Ils appelaient ça le « filtre de visibilité ». 

Plutôt que de s’en prendre au Parti démocrate – et plus probablement derrière lui au FBI, inquiet des révélations du mémo –, Twitter a suivi « un schéma servile consistant à ne pas mettre en cause publiquement les allégations sur la Russie »

Cette censure n’était pas utilisée uniquement contre les comptes suspectés d’être des bots, ou ceux qui colportaient de la désinformation évidente. Même d’importantes personnalités publiques faisant autorité sur certains sujets ont été secrètement visées si elles remettaient en cause les grands discours de l’establishment. 

L’épidémiologiste de Stanford Jay Bhattacharya, par exemple, a souffert d’un « filtre de visibilité » lors de la pandémie de covid-19 après avoir critiqué les confinements selon lui néfastes pour les enfants. Il a été mis sur une « liste noire de tendances ».

D’autres médecins de premier plan qui remettaient en cause l’orthodoxie gouvernementale ont également été écartés par Twitter, indiquent les Twitter Files, et souvent sous pression directe de la Maison-Blanche ou des lobbyistes des sociétés pharmaceutiques produisant les vaccins. 

Mais la victime la plus importante de la censure de Twitter a été Trump lui-même. Il a été banni le 8 janvier 2021, même si le personnel aurait en coulisse convenu du fait qu’il ne pouvait pas baser cette décision sur une violation directe des règles de la plateforme. 

En pleine vague de renvois au sein de l’entreprise, Middle East Eye n’a pas réussi à contacter Twitter pour qu’elle commente ces révélations et d’autres allégations contenues dans les Twitter Files. La CIA n’avait pas répondu au moment de la publication, tandis que le FBI avait envoyé la réponse suivante : « La correspondance entre le FBI et Twitter ne montre rien de plus que des exemples de nos engagements traditionnels de longue date avec le secteur privé et le gouvernement fédéral […] Comme étayé dans cette correspondance, le FBI fournit des informations critiques [aux entreprises du] secteur privé pour leur permettre de se protéger, elles et leurs clients. »

« Influence » russe

Les répercussions du Russiagate ont poussé davantage Twitter dans les bras des services de sécurité. Début 2018, un représentant républicain, Devin Nunes, a déposé un mémo classifié à la Commission des renseignements de la Chambre des représentants détaillant les abus allégués du FBI dans la surveillance d’une personnalité liée à Trump. 

Le FBI aurait compté sur le « dossier Steele », qui aurait été en partie financé par Clinton et le Parti démocrate mais avait été initialement présenté par les médias comme une enquête indépendante menée par les services de renseignement afin d’examiner toute collusion entre l’équipe de Trump et Moscou. 

Les informations concernant ce mémo ont provoqué une tempête sur les réseaux sociaux parmi les partisans de Trump, alimentant un hashtag viral : #ReleaseTheMemo (publiez le mémo). Les allégations de Nunes ont été vérifiées près de deux ans plus tard lors d’une enquête du département de la Justice. Néanmoins, à l’époque, les politiciens démocrates et les médias se sont empressés de tourner en ridicule ce mémo, caractérisant toute demande de publication d’« opération d’influence russe ». 

La pression s’accumulait sur la Big Tech. Les propres investigations de Twitter n’ont pas pu pointer une quelconque implication russe, suggérant que le hashtag était en tendance de manière naturelle, alimenté par les VIT (Very Important Tweeters). 

Traduction : « 6. Les assertions de Nunes seraient quasiment toutes vérifiées dans un rapport de l’inspecteur général du département de la Justice Michael Horowitz en décembre 2019.

7. Néanmoins, les médias nationaux en janvier et début février 2018 ont dénoncé le rapport dans un langage bizarrement identique, le qualifiant de ‘’plaisanterie’’. »

Mais les cadres de Twitter n’étaient pas d’humeur à se battre. Plutôt que de s’en prendre au Parti démocrate – et plus probablement derrière lui au FBI, inquiet des révélations du mémo –, Twitter a suivi « un schéma servile consistant à ne pas mettre en cause publiquement les allégations sur la Russie », a noté Marc Taibbi, l’un des journalistes qui a travaillé sur les Twitter Files. 

Peu après, la Russie était accusée par les principaux organes de presse d’être responsable de tout hashtag embarrassant devenu viral, tels #SchumerShutdown, #ParklandShooting et #GunControlNow. Lorsque la campagne d’allégations du Russiagate s’est intensifiée, Twitter a fait l’objet d’une pression encore plus grande pour agir.

En 2017, l’entreprise a manuellement examiné quelque 2 700 comptes identifiés comme potentiellement suspects. La grande majorité d’entre eux ont été disculpés. Twitter a suspendu 22 comptes comme étant de possibles comptes russes, tandis que 179 autres ont été jugés comme ayant des « liens possibles » avec ces comptes. 

Les politiciens démocrates étaient furieux, comptant apparemment sur les sources des renseignements pour soutenir leurs allégations selon lesquelles les réseaux sociaux étaient submergés de bots russes. Twitter a réagi en mettant en place un « groupe de travail sur la Russie » pour enquêter davantage, mais là encore, n’a trouvé aucune preuve de campagne d’influence russe. Tout ce que le réseau a identifié, c’étaient quelques profils isolés dépensant un peu d’argent en publicité. 

Néanmoins, Twitter était plongé dans une crise de relations publiques, les politiciens et les médias de l’establishment l’accusant d’inertie. Le Congrès a menacé d’adopter une loi draconienne qui priverait Twitter de ses revenus publicitaires.

L’incapacité de Twitter à découvrir des comptes d’influence russes a mené Politico à accuser la plateforme de « [suppression] de données potentiellement cruciales pour les enquêtes sur la Russie ». L’enquête originelle de Twitter sur les 2 700 comptes a alimenté des allégations excentriques dans les médias selon lesquelles un « nouveau réseau » de bots russes avait été découvert. 

Au milieu de cette tempête, Twitter a subitement changé d’approche, déclarant publiquement qu’il allait supprimer le contenu « à sa seule discrétion » – mais en vérité, c’était bien pire que cela. Comme l’a signalé Taibbi dans l’un des Twitter Files, c’était comme si la société décidait à sa discrétion de « débarquer » tout ce qui était « identifié par la communauté des renseignements américains comme une entité financée par un quelconque État menant des cyber opérations ». 

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Twitter s’est retrouvé de plus en plus assiégé. Un Twitter File publié fin janvier fait valoir qu’un grand lobby en ligne baptisé Hamilton 68 – ayant des liens avec la communauté des renseignements – a perpétré un « scam » (supercherie) à propos de la désinformation russe. 

Le site suscitait sans arrêt des unes dans les médias américains après avoir indiqué qu’il avait découvert une campagne d’influence russe sur les réseaux sociaux, impliquant des centaines d’internautes. Les médias ont publié ces allégations comme preuve que les réseaux sociaux étaient infestés de bots russes. Le personnel de Hamilton 68 a même été invité à témoignerdevant des membres du Congrès. 

Malgré ce tollé, Hamilton 68 n’a jamais rendu publique la liste des bots qu’il dit avoir découverts. Les investigations internes de Twitter ont révélé que presque tous ceux qui figuraient sur cette liste étaient des utilisateurs lambda. 

L’Alliance for Securing Democracy (ASD), qui accueillait Hamilton 68 et son successeur Hamilton 2.0, a publié une « fiche d’information » en réponse au Twitter Files niant les allégations et suggérant que ces données « avaient été sans cesse mal comprises ou présentées de façon erronée » par les médias et les législateurs, malgré « les nombreux efforts pour corriger les incompréhensions à l’époque ». L’ASD fait remarquer qu’elle n’avait jamais suggéré que tous les bots étaient russes, mais en surveillait certains qui auraient pu l’être. 

Il convient de noter que Hamilton 68 était dirigé par un ancien haut responsable du FBI. Les cadres de Twitter n’ont pas affronté publiquement cette frénésie médiatique, et eux-mêmes n’ont pas été pris au sérieux lorsqu’ils ont tenté de faire part de leurs inquiétudes en privé avec la presse. 

Le FBI comme « nombril »

Signe de l’étroitesse de la relation entre le FBI et Twitter, la plateforme a recruté comme conseiller juridique James Baker, ancien avocat de haut rang du FBI. Baker était l’une des figures centrales des efforts déployés pour dresser le tableau – aujourd’hui discrédité – d’une collusion entre Trump et Moscou. 

Beaucoup d’autres anciens du FBI ont directement pris la route de Twitter, notamment Dawn Burton, cheffe adjointe du personnel pour l’ex-patron du FBI James Comey, qui a lancé l’enquête sur le Russiagate. Elle est devenue directrice de la stratégie de Twitter en 2019. 

Des liens similaires existaient avec les services de sécurité britanniques. Twitter a recruté Gordon MacMillan comme conseiller éditorial principal sur le Moyen-Orient. Il s’agissait d’un poste à temps partiel, car il servait en même temps au sein de la 77e Brigade, l’unité britannique de guerre psychologique

James Baker, ancien conseiller général adjoint de Twitter, témoigne lors d’une audition devant la commission de la Chambre des représentants en charge de la surveillance et de la responsabilité, le 8 février 2023 à Washington (AFP)
James Baker, ancien conseiller général adjoint de Twitter, témoigne lors d’une audition devant la commission de la Chambre des représentants en charge de la surveillance et de la responsabilité, le 8 février 2023 à Washington (AFP)

En 2020, dans le contexte de la pandémie, d’autres agences gouvernementales ont vu une occasion de mener une campagne parallèle contre Twitter axée sur les efforts prétendument déployés par la Chine pour diffuser une désinformation liée au covid-19. Utilisant des données du gouvernement fédéral, le Global Engagement Center, un service de renseignement du département d’État, a allégué que 250 000 comptes Twitter contribuaient à amplifier la « propagande chinoise », une fois de plus pour semer le trouble. Parmi ces comptes figuraient l’armée canadienne et CNN.  

Des échanges d’e-mails entre des dirigeants de Twitter montrent qu’ils avaient leur propre opinion quant aux objectifs de la campagne. Des responsables du département d’État souhaitaient « s’insérer » dans le consortium d’agences, telles que le FBI et le département de la Sécurité intérieure, autorisées à supprimer du contenu de Twitter. 

Fait révélateur, Twitter s’est opposé à l’inclusion du département d’État et ce, en employant des termes qui contrastent fortement avec son approche vis-à-vis du FBI et du département de la Sécurité intérieure. Les dirigeants jugeaient le département d’État plus « politique » et « trumpien ». 

Selon les Twitter Files, la plateforme « acceptait les demandes de tous les organismes gouvernementaux imaginables », et souvent en masse. Elle ne disait presque jamais non aux demandes de suppression de comptes accusés d’être des bots russes 

Finalement, il a été suggéré que le FBI serve de « nombril » par lequel la Silicon Valley tiendrait les autres agences gouvernementales informées. Ainsi, selon les Twitter Files, la plateforme « acceptait les demandes de tous les organismes gouvernementaux imaginables », et souvent en masse. Elle ne disait presque jamais non aux demandes de suppression de comptes accusés d’être des bots russes. 

Alors que Twitter présentait un profil de plus en plus passif, même des responsables politiques américains de haut rang ont essayé de s’engouffrer dans la brèche. Adam Schiff, alors chef de la commission de la Chambre des représentants en charge du renseignement, a demandé qu’un journaliste qu’il n’aimait pas soit chassé du réseau social. En dépit de sa réticence à accéder à de telles demandes, Twitter a « désamplifié » certains comptes

À l’approche de l’élection de 2020, le flux de demandes émanant des services de sécurité est devenu un déluge qui menaçait de submerger Twitter. Beaucoup n’avaient aucun lien avec des influences étrangères – cibles affirmées du groupe de travail du FBI. Il s’avère que les requêtes concernaient souvent des comptes nationaux. Elles décrivaient rarement des infractions à la loi ou des menaces terroristes, lesquelles constituent en théorie le principal centre d’intérêt du FBI, mais se focalisaient plutôt sur des violations beaucoup moins bien définies des « conditions de service » de Twitter. 

Souvent, les comptes étaient victimes d’une « exécution numérique » non pas pour avoir diffusé de la désinformation vérifiable, mais parce que les tweets franchissaient des lignes rouges politiques, par exemple en relevant un problème néonazi en Ukraineou en faisant preuve d’une trop grande sympathie envers le dirigeant vénézuélien Nicolás Maduro ou le président russe Vladimir Poutine. 

L’affaire de l’ordinateur

Une fois intégrés au cercle des géants technologiques, les services de sécurité auraient usé de leurs pouvoirs pour façonner secrètement la conversation nationale autour de l’élection présidentielle de 2020. 

La plus grande révélation à ce jour – qui confirme les soupçons de la droite – concerne peut-être le fait que les réseaux sociaux et les agences de sécurité d’État aient contribué à étouffer l’« affaire de l’ordinateur » du fils de Joe Biden, Hunter, quelques semaines avant l’élection de 2020. 

À l’approche du scrutin, le groupe de travail du FBI a préparé le terrain en affirmant aux dirigeants de la Silicon Valley que la Russie tenterait de « déverser » des informations interceptées illégalement dans le but de nuire au candidat démocrate à la présidence, Joe Biden. Il était prétendument question d’un retour aux méthodes observées lors de l’élection de 2016, où la publication d’e-mails internes du Parti démocrate avait porté préjudice à la candidate de l’époque, Hillary Clinton. 

Après l’élection de Trump, une grande partie du discours en lien avec le Russiagate s’est développée à partir d’affirmations sans preuves des services de sécurité selon lesquelles ces e-mails embarrassants, indiquant une corruption politique parmi les dirigeants du Parti démocrate, avaient été interceptés par la Russie. 

Traduction : « 1. TWITTER FILES : PARTIE 7
Le FBI et l’ordinateur de Hunter Biden
Comment le FBI et la communauté du renseignement ont discrédité les informations factuelles sur les transactions commerciales de Hunter Biden à l’étranger après et *avant* la révélation par le
New York Post du contenu de son ordinateur le 14 octobre 2020. »

Les éléments de preuve renvoyant à une autre explication, à savoir que les e-mails auraient été divulgués par un initié mécontent, ont été largement ignorés. La fureur provoquée par cette affaire a masqué la réalité de ces e-mails et de leurs révélations accablantes sur le Parti démocrate.  

Sur la base des mises en garde formulées par la communauté du renseignement, les réseaux sociaux se sont empressés de faire barrage à l’affaire de l’ordinateur de Hunter Biden, qui s’accompagnait d’allégations portant sur des liens problématiques entre la famille Biden et des responsables étrangers en Ukraine. L’équipe de Joe Biden a nié tout acte répréhensible de la part du candidat à la présidence, tandis que Hunter est lui-même resté évasif quant à savoir si l’ordinateur lui appartenait. Révélée par le New York Post, un journal de droite, l’affaire a immédiatement été qualifiée d’opération d’influence russe par des dizaines d’anciens responsables du renseignement.

En vérité, cependant, le FBI savait près d’un an avant la révélation de l’affaire au public que l’ordinateur appartenait à Hunter Biden et que les informations qu’il contenait n’avaient probablement été ni falsifiées ni interceptées. Le propriétaire d’un magasin d’informatique du Delaware à qui Hunter Biden avait apporté son ordinateur pour le faire réparer avait fait part de ses inquiétudes au FBI, qui avait même cité l’appareil dans le cadre d’une assignation à comparaître.

[Le FBI] semble avoir manipulé les médias, y compris les réseaux sociaux, en les poussant à considérer toute affaire préjudiciable à Biden en amont du scrutin comme de la désinformation russe

Cet enchaînement des événements soulève des questions quant à savoir si le FBI a effectivement décidé d’anticiper les répercussions de l’affaire de l’ordinateur, qui menaçait les chances électorales de Joe Biden en 2020, avant que la presse de droite ne puisse la publier. Il semble avoir manipulé les médias, y compris les réseaux sociaux, en les poussant à considérer toute affaire préjudiciable à Biden en amont du scrutin comme de la désinformation russe. 

Les géants technologiques avaient à l’époque d’autres raisons de croire que les faits étaient probablement vrais. Le New York Post avait effectué les vérifications d’usage. D’autres journalistes ont rapidement confirmé que les informations provenaient de l’ordinateur de Hunter Biden. 

Néanmoins, Twitter s’est empressé d’accepter la version indiquant que les informations en question représentaient une violationde sa politique de lutte contre la publication de contenus interceptés, reprenant l’affirmation du FBI selon laquelle il s’agissait de désinformation russe. D’autres dirigeants, comme Mark Zuckerberg, ont également adopté la position du FBI sur la base de leur confiance envers l’organisation, comme le patron de Facebook l’a reconnu par la suite.

Les réseaux sociaux ont pris une mesure sans précédent en bloquant les tentatives de partage de l’affaire sur leurs plateformes, qui auraient pu avoir un impact sur l’issue de l’élection de 2020 – ce qui est considéré par une grande partie de la droite républicaine comme un crime contre la démocratie, et par de nombreux partisans du Parti démocrate comme un mal nécessaire pour défendre l’ordre démocratique.

Une guerre psychologique

La collusion entre les réseaux sociaux et l’État sécuritaire américain autour du Russiagate n’était pas une aberration. Selon les Twitter Files, la plateforme a accordé au Pentagone une dérogation spéciale, en violation de ses propres politiques, pour lui permettre de créer des comptes afin de mener « des opérations d’influence psychologique en ligne ». 

Twitter a aidé l’armée à mettre sur « liste blanche » 52 faux comptes en langue arabe pour « amplifier certains messages ». Ces comptes faisaient la promotion des objectifs militaires américains au Moyen-Orient, notamment à travers des messages attaquant l’Iran, soutenant la guerre menée par l’Arabie saoudite au Yémen ou affirmant que les frappes de drones américaines ne touchaient que des terroristes. 

Le Pentagone, siège du département américain de la Défense (AFP)
Le Pentagone, siège du département américain de la Défense (AFP)

En mai 2020, Twitter avait détecté des dizaines d’autres comptes non divulgués par le Pentagone qui tweetaient en russe et en arabe sur des sujets tels que la Syrie et l’État islamiqueSelon Lee Fang, l’un des journalistes ayant travaillé sur les Twitter Files, « de nombreux e-mails datant de toute l’année 2020 montrent que des dirigeants de haut rang de Twitter étaient parfaitement au courant du vaste réseau de faux comptes et de propagande secrète [du département de la Défense] et n’ont pas suspendu les comptes ».

D’autres recherches ont révélé l’existence d’un vaste réseau de propagande du Pentagone sur d’autres réseaux sociaux tels que Facebook et Telegram. 

L’indulgence de Twitter à l’égard de ces comptes secrets du Pentagone contraste fortement avec le traitement réservé par la plateforme aux médias et individus accusés d’être affiliés à des pays considérés par le gouvernement américain comme des États ennemis. Ces médias et individus sont clairement identifiés comme tels, notamment des journalistes et universitaires dissidents occidentaux accusés d’avoir travaillé avec des médias russes, chinois, iraniens ou vénézuéliens. 

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Selon des recherches menées par le groupe de surveillance des médias FAIR, Twitter continue de dissimuler les affiliations étatiques des comptes financés par le gouvernement américain, y compris ceux qui servent ses objectifs de propagande en Ukraine et ailleurs. FAIR n’a pu trouver aucun exemple de comptes identifiés comme des « médias affiliés à l’État américain », ni aucun compte étiqueté comme tel en Grande-Bretagne ou au Canada. 

« Twitter permet aux organes de propagande américains de préserver un semblant d’indépendance sur la plateforme, se livrant ainsi à une approbation tacite du soft power et des opérations d’influence des États-Unis. […] Twitter participe activement à la guerre de l’information qui se poursuit actuellement », a conclu le groupe.

Un épais voile de secret

Lorsque les Twitter Files ont commencé à apparaître en décembre, le FBI a répondu non pas en abordant la question de la véracité des documents, mais en déployant le même jeu qu’avant. L’institution a accusé les journalistes concernés de diffuser des « théories du complot » et de la « désinformation » dans le but de « discréditer l’agence ». 

Hillary Clinton, la doyenne de l’establishment démocrate, continue de reprocher les malheurs de son pays à la désinformation russe. 

[Les Twitter Files] montrent que la communauté du renseignement en est venue à redéfinir son rôle principal – protéger le public américain contre les menaces étrangères – pour intégrer le public américain lui-même à cette menace

À vrai dire, tant les services de sécurité que l’establishment politique ont bien trop investi dans leurs arrangements secrets actuels avec les réseaux sociaux pour accepter un changement.

Et les pressions en ce sens ne devraient pas s’accroître alors que les États-Unis continuent de naviguer de crise en crise, de la « guerre contre le terrorisme » à l’invasion russe de l’Ukraine, en passant par la présidence de Trump et la pandémie de covid-19. Toutes ces crises – chacune à leur manière, il convient de le noter – sont l’héritage de décisions politiques prises par ces mêmes acteurs qui se refusent aujourd’hui à toute surveillance. 

Ces crises servent de prétexte non seulement à cette inaction, mais aussi à un contrôle toujours plus étroit de la place publique numérique exercé par l’État – et ce, non pas de manière transparente, mais sous un épais voile de secret.

Comme Church l’a signalé il y a près d’un demi-siècle, la plus grande menace à laquelle les États-Unis sont confrontés est la possibilité que leurs agences de sécurité dirigent leurs énormes pouvoirs vers l’intérieur, contre le public américain. Et c’est exactement ce processus que les Twitter Files décrivent. 

Ils montrent que la communauté du renseignement en est venue à redéfinir son rôle principal – protéger le public américain contre les menaces étrangères – pour intégrer le public américain lui-même à cette menace. 

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En 2021, l’une des priorités de l’administration Biden a été de dévoiler une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme intérieur. Celle-ci faisait état d’une perte de confiance vis-à-vis du gouvernement et d’une polarisation extrême « alimentées par une crise de désinformation et de mésinformation souvent acheminées par les réseaux sociaux ».  

La montée du mécontentement parmi les citoyens américains ne serait pas liée à un leadership politique défaillant ou à un État profond démesuré. Non, ce même establishment défaillant considère la grogne populaire – et le mécontentement électoral – uniquement d’un point de vue égocentrique, comme la preuve d’une ingérence étrangère. 

Avec les Twitter Files, Elon Musk a soulevé un coin du rideau pour montrer un fragment de ce qui se passe en coulisses. Mais le rideau retombera lui aussi bientôt. Et l’obscurité reviendra, à moins que le public ne revendique son droit d’en savoir davantage. 

Jonathan Cook est l’auteur de trois ouvrages sur le conflit israélo-palestinien et lauréat du prix spécial de journalisme Martha Gellhorn. Vous pouvez consulter son site web et son blog à l’adresse suivante : www.jonathan-cook.net.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Jonathan Cook is the author of three books on the Israeli-Palestinian conflict, and a winner of the Martha Gellhorn Special Prize for Journalism. His website and blog can be found at www.jonathan-cook.net
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