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Le nouveau gouvernement israélien pousse le pays vers le précipice

La coalition d’extrême droite continuera d’opprimer les Palestiniens, tout en méprisant plus que jamais la censure mondiale
Le député israélien de droite Itamar Ben-Gvir assiste à la cérémonie de prestation de serment du nouveau gouvernement, le 15 novembre 2022 à Jérusalem (AFP)
Le député israélien de droite Itamar Ben-Gvir assiste à la cérémonie de prestation de serment du nouveau gouvernement, le 15 novembre 2022 à Jérusalem (AFP)

Était-ce vraiment une grande surprise de se réveiller le matin du 2 novembre en découvrant que le gouvernement israélien et la Knesset seraient désormais dirigés par une majorité dominante de juifs religieux nationalistes, de sionistes et de figures politiques radicales qui ont préconisé par le passé des politiques officielles de nettoyage ethnique et de « tirer pour tuer » à l’encontre des Palestiniens ?

L’un d’entre eux devrait devenir ministre de la Sécurité publique, tandis que d’autres occuperont des postes clés au sein du gouvernement. Cela ne devrait pas être une surprise : Israël glisse vers la droite depuis deux décennies et cette coalition a déjà failli remporter les élections précédentes, il n’est donc pas si choquant de la voir désormais au pouvoir. Pourtant, une question mérite d’être posée : dans quelle mesure l’issue de ces élections changera-t-elle Israël ?

[…] cette élite politique à la fois ancienne et nouvelle continuera de faire tout ce que les gouvernements précédents ont fait au cours des 74 dernières années – mais avec encore plus de zèle, de détermination et de mépris envers les condamnations internationales

Avec une majorité claire à la Knesset et une mainmise ferme sur le pouvoir exécutif, cette élite politique à la fois ancienne et nouvelle continuera de faire tout ce que les gouvernements précédents ont fait au cours des 74 dernières années – mais avec encore plus de zèle, de détermination et de mépris envers les condamnations internationales.

Elle commencera probablement par étendre la judaïsation de la Cisjordanie occupée et du Grand Jérusalem et par accroître l’activité militaire dans ce qui est déjà en passe d’être une année exceptionnellement meurtrière pour les Palestiniens. Depuis le début de l’année 2022, les forces israéliennes et les colons ont tué plus de 130 Palestiniens, dont plus d’une trentaine d’enfants, à travers la Cisjordanie occupée. 

Le nouveau gouvernement intensifiera certainement les visites provocantes de personnalités politiques juives au complexe de la mosquée al-Aqsa. Nous pouvons également nous attendre à une escalade des démolitions de maisons, des arrestations sans procès, mais aussi à ce que les justiciers colons se voient offrir carte blanche pour semer la destruction à volonté. 

Répression de l’identité palestinienne

On sait moins jusqu’où ira la politique de cette nouvelle élite à l’égard de la bande de Gaza. Depuis 2008, la politique d’Israël à Gaza est si cruelle et inhumaine qu’il est difficile d’imaginer ce qui pourrait être pire qu’un siège, un blocus et des épisodes de bombardements aériens brutaux sur une population civile. 

De la même manière, il est difficile de prévoir les politiques du nouveau gouvernement à l’égard des Palestiniens en Israël. Par la loi sur l’État-nation de 2018, Israël a officialisé son statut d’État d’apartheid. On imagine que comme en Cisjordanie occupée, la situation pourrait rester sensiblement la même ou même empirer. Nous observerons probablement un mépris intact pour la montée de la criminalité, ainsi que des politiques plus strictes à l’égard des agrandissements de maisons dans les zones rurales palestiniennes.

Des soldats israéliens arrêtent un manifestant palestinien près du village de Yatta (Cisjordanie occupée), le 15 janvier 2021 (AFP)
Des soldats israéliens arrêtent un manifestant palestinien près du village de Yatta (Cisjordanie occupée), le 15 janvier 2021 (AFP)

Nous pouvons également nous attendre à une poursuite de la répression de tout effort collectif palestinien visant à exprimer l’identité nationale de la minorité – que ce soit en brandissant des drapeaux palestiniens sur les campus, en commémorant la Nakba ou en invoquant de toute autre manière le riche héritage culturel de cette communauté. 

En bref, tout semblant de démocratie qui subsiste disparaîtra sous ce nouveau régime.

Pourtant, en dépit de l’évolution massive des perceptions mondiales à l’égard d’Israël au cours de ces dernières années – qui s’est traduite par la description de ce pays comme un État d’apartheid par des groupes de défense des droits de l’homme de premier plan, tels qu’Amnesty International et Human Rights Watch, ainsi que par la volonté de la Cour internationale de justice de discuter de la décolonisation de la Cisjordanie occupée –, il semble y avoir une réticence générale à reconnaître la possibilité qu’il existe un racisme juif, au même titre qu’un racisme chrétien, musulman ou bouddhiste.

Une idéologie dangereuse 

Soudainement, la résolution 3379 de l’Assemblée générale des Nations unies (adoptée en 1975 puis révoquée), qui assimile le sionisme au racisme, ne semble plus être une déclaration détachée des réalités et complexités observées en Israël et en Palestine. Les États membres africains et arabes qui ont porté la résolution ont fait preuve de clairvoyance en désignant le racisme comme le principal danger qui accompagne le sionisme en tant qu’idéologie d’État – non seulement pour les Palestiniens, mais aussi pour la région dans son ensemble. 

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La disparition de la gauche sioniste dans ce scrutin peut également être facilement comprise si l’on observe la profondeur et l’ampleur du racisme au sein de la société israélienne, en particulier chez les jeunes. En tant que fils de juifs allemands ayant échappé au racisme allemand au début des années 1930, que j’étudie désormais en tant qu’adulte, cette image d’une société hypnotisée par un racisme qu’elle lègue à la génération suivante me trouble profondément.

Les communautés juives reconnaîtront-elles cette réalité ou continueront-elles de l’ignorer ? Les gouvernements occidentaux, et en particulier l’administration américaine, reconnaîtront-ils ou ignoreront-ils cette tendance ? Le monde arabe, qui s’est engagé dans un processus de normalisation avec Israël, jugera-t-il que cette évolution ne le concerne pas, dans la mesure où les intérêts fondamentaux de ses régimes ne sont pas affectés ?

Je n’ai pas de réponses à ces questions. D’un point de vue militant, il n’est en réalité pas nécessaire d’y répondre. Il convient plutôt de faire tout ce qui est possible pour qu’un jour, on y réponde d’une manière qui puisse sauver à la fois les Palestiniens et les juifs d’un destin désastreux –, mais aussi empêcher Israël de tous nous mener vers un précipice dont le bord n’a jamais été aussi visible. 

- Ilan Pappé est professeur d’histoire, directeur du Centre européen d’études sur la Palestine et co-directeur du Centre d’études ethno-politiques d’Exeter à l’université d’Exeter, en Angleterre.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Ilan Pappe is a professor of history, and director of the European Centre for Palestine Studies and co-director for the Exeter Centre for Ethno-Political Studies at the University of Exeter.
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