L’Occident a raison de demander des comptes à Moscou pour ses crimes, mais qu’en est-il d’Israël ?
Dans le contexte d’horreur apocalyptique de la guerre russe en Ukraine, les perspectives sont sombres : cette guerre d’agression va engendrer d’indicibles pertes, un déplacement massif de la population et des souffrances à long terme, non seulement en Ukraine mais également en Russie, où les civils paieront pour la folie meurtrière du Kremlin.
Toutefois, on peut noter un signe positif. L’Europe et les États-Unis ont réaffirmé leur soutien à la primauté du droit international. Eux qui ont si peu réagi lorsque Poutine a envahi et annexé la Crimée en 2014 ont cette fois une réaction bien plus affirmée. Les dirigeants ont vanté la nécessité de s’élever pour la souveraineté de l’Ukraine et pour le principe juridique international de ne pas acquérir de territoire par la guerre.
Pour les Palestiniens, ce zèle renouvelé de l’Occident pour le respect du droit international est particulièrement agaçant
Pourtant, ce qui ressort pour beaucoup dans les pays en développement – à commencer par le Moyen-Orient –, c’est pourquoi tout ceci n’intervient que maintenant. La plupart ne trouvent rien à redire sur le soutien accordé aux Ukrainiens, mais se demandent où était ce soutien lors de leurs propres luttes. Dans les pays marqués par la guerre tels que la Syrie, les gens sont bien trop conscients de ce que traversent les Ukrainiens.
Après tout, la Syrie a été le terrain d’entraînement pour les armes russes aujourd’hui utilisées en Ukraine. Ses écoles et hôpitaux ont été rasés par les bombes russes. Et si cela a suscité de l’indignation, ce n’était rien par rapport à ce qu’on constate actuellement. L’inquiétude pour les réfugiés syriens s’est révélée fugace et l’attention des médias est rapidement passée à autre chose.
Et pour les Palestiniens, ce zèle occidental renouvelé pour le respect du droit international est particulièrement agaçant. Pendant des décennies d’occupation israélienne, la communauté internationale n’a pratiquement rien fait pour appliquer ses propres lois sur l’occupation. Les déclarations officielles américaines et européennes ignorent essentiellement le problème, hésitant même à mentionner le terme « occupation ».
Similarités évidentes
Il y a d’évidentes similarités entre l’occupation russe de la Crimée et l’occupation israélienne des territoires palestiniens et du plateau du Golan syrien. La Russie aurait installé des centaines de milliers de ses ressortissants dans la péninsule annexée, tout comme Israël l’a fait en Palestine occupée. Ces deux opérations sont des processus coloniaux et illégaux.
Dans le même temps, les réfugiés ukrainiens sont chaleureusement accueillis dans l’Union européenne, en particulier s’ils sont blancs – mais qui soutient les réfugiés palestiniens lorsqu’il s’agit de leur assurer le droit au retour et une compensation bien trop longtemps retardée ?
Lorsque les civils ukrainiens commencent à fabriquer des cocktails Molotov pour résister aux Russes, ils sont à juste titre salués comme de courageux héros. Mais si un enfant palestinien jette une pierre sur un soldat israélien, il risque de passer devant un tribunal militaire et est qualifié de terroriste, sans que le monde ne trouve à y redire.
Les Palestiniens à Gaza noteront également les similarités avec l’Ukraine en ce qui concerne les circonstances. Dans ses guerres répétées, Israël a bombardé les infrastructures civiles, y compris la centrale électrique de Gaza, ses hôpitaux, ses universités et ses écoles. Où étaient alors tous ces appels internationaux à une zone d’exclusion aérienne ou pour un corridor humanitaire ?
Depuis quinze ans, les deux millions de Palestiniens de Gaza sont sanctionnés collectivement par le blocus israélo-égyptien. Les sanctions collectives constituent un crime de guerre. S’il est vrai que le Hamas et d’autres groupes lancent des roquettes contre des cibles civiles en Israël – il s’agit là aussi de crimes de guerre –, la communauté internationale isole le Hamas tout en ouvrant les bras à Israël.
La différence la plus frappante et rageante est la façon dont l’Occident tient déjà la Russie responsable de ses crimes en Ukraine, contrairement à Israël en Palestine. La guerre en Ukraine n’a que deux semaines, et déjà une flopée de sanctions extrêmement dures sont imposées à la Russie. Les entreprises internationales telles que BP et Ikea se retirent du pays. La Russie est également exclue d’un tas d’événements sportifs et culturels, allant de la Coupe du monde au concours de l’Eurovision. La Fédération internationale féline a même interdit de compétition les chats russes.
Une longue attente
Beaucoup de ceux qui réclament ces actions sont les mêmes qui critiquaient les initiatives de bien moindre ampleur contre Israël pour ses atteintes au droit international, telles que le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), qui est décrié et qualifié d’antisémite. Aux États-Unis, certains États ont utilisé des lois anti-boycott contre les sociétés qui refusent de faire des affaires avec les colonies israéliennes illégales.
Les boycotts sont sans doute un outil très émoussé. Les mesures prises pour faire rendre des comptes devraient se concentrer autant que possible sur les véritables responsables des crimes de guerre. C’est peut-être encore davantage le cas pour les Russes, qui n’ont pas d’occasion crédible pour évincer démocratiquement leur dirigeant.
Déjà, la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête sur les possibles crimes russes en Ukraine. Les Palestiniens ont dû attendre longtemps pour la même chose et les États-Unis ont lourdement critiqué la décision de la CPI de lancer une enquête sur la Palestine.
Les partisans d’Israël n’ont pas tardé à s’en prendre à toute ébauche de comparaison entre l’Ukraine et la Palestine. Jonathan Greenblatt, qui dirige l’Anti-Defamation League, a tweeté : « Comparer cette complexité à l’utilisation brutale de la force par la Russie contre la nation pacifique et souveraine d’Ukraine revient à déformer délibérément le conflit israélo-palestinien, et ne tient aucun compte de la sécurité et de la crise humanitaire à laquelle sont confrontés les Ukrainiens aujourd’hui. »
Les Ukrainiens et Russes innocents, comme tous les peuples rattrapés par la guerre, méritent notre soutien. Mais aujourd’hui encore, alors que l’ordre international est en lambeaux, nous devons faire campagne afin que l’ordre mondial que nous voulons émerge ensuite.
Accueillons cet attachement renouvelé au droit international et à la justice, ainsi que les effusions publiques d’empathie pour les réfugiés ukrainiens. Et espérons que bientôt, tout cela puisse s’étendre en réaction à toutes les guerres et agressions – à tous les peuples et à tous les réfugiés qui ont besoin de notre soutien.
- Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding (CAABU). En tant que principal porte-parole de CAABU et expert reconnu de la région, Chris Doyle intervient régulièrement à la télé et à la radio et donne de nombreuses conférences sur des questions telles que le printemps arabe, la Libye, la Syrie, la Palestine, l’Irak, l’islamophobie et les arabes en Grande-Bretagne. Il a publié de nombreux articles dans la presse britannique et internationale. Il a organisé le voyage et accompagné de nombreuses délégations parlementaires britanniques dans les pays arabes.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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