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« C’est notre montagne » : les Palestiniens repoussent des colons enhardis par Trump et Netanyahou

Depuis fin février, les habitants de Beita tiennent un sit-in au sommet du mont al-Urma pour empêcher les colons de s’emparer de ce site archéologique pour en faire une attraction touristique. Ce mercredi, un adolescent palestinien a été tué
Des soldats israéliens devant des Palestiniens défendant le mont al-Urma, à l’est de la ville de Beita, en Cisjordanie occupée (Reuters)
Par Shatha Hammad à BEITA, Cisjordanie occupée

Une trentaine de Palestiniens se rassemblaient autour du poêle dans une grande tente au sommet du mont al-Urma, à l’est de la ville de Beita en Cisjordanie occupée, quand Middle East Eye s’est rendu sur les lieux lundi dernier. Ils se reposaient et se préparaient à la confrontation à venir avec les soldats et colons israéliens.
 
Quelques heures plus tôt, des colons avaient tenté une deuxième fois d’atteindre le sommet de la montagne, mais les habitants de Beita, au sud de Naplouse, s’étaient rapidement rassemblés pour défendre leurs terres.
 
Des affrontements avaient éclaté, au cours desquels l’armée israélienne avait ouvert le feu, blessant deux Palestiniens à balles réelles et une dizaine d’autres avec des balles recouvertes de caoutchouc. 

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Les habitants de Beita poursuivent néanmoins leur sit-in quotidien au sommet d’al-Urma depuis fin février, après avoir été alertés par des posts de colons sur les réseaux sociaux appelant à s’emparer de la montagne au riche passé archéologique et à la transformer en itinéraire touristique religieux israélien.

Vendredi dernier, les colons ont tenté pour la première fois de s’emparer du mont al-Urma, mais ont été repoussés par des centaines d’habitants.

La confrontation a fait 93 blessés par balles réelles et balles recouvertes de caoutchouc.
 
Un énorme drapeau palestinien, mesurant 4 mètres sur 3,5, a été hissé à 25 mètres de haut au sommet de la montagne, et les habitants du coin ont commencé à se rendre régulièrement sur le site, en faisant un sit-in ouvert.

Lundi dernier, des dizaines de jeunes Palestiniens participant au sit-in ont vu les colons essayer de s’emparer de la montagne pour la deuxième fois.

« Nous avons contacté les villageois », a raconté Adham Zuhair, l’un d’entre eux. « Les prêcheurs dans les mosquées ont commencé à demander aux gens de se diriger vers le mont al-Urma… en moins de 10 minutes, des centaines de personnes étaient arrivées », a poursuivi le Palestinien de 19 ans.

« Je suis ici 24 heures sur 24, je ne suis pas fatigué et je ne m’ennuie pas… Je resterai ici pour protéger nos terres, quoi qu’il m’en coûte. »
 
Les colons ont battu en retraite sous le couvert des tirs à balles réelles de l’armée israélienne. 

Mais ce mercredi matin, un adolescent palestinien de 15 ans, Mohammed Hamayel, a été abattu par des soldats israéliens lors de nouveaux affrontements sur le site, durant lesquels 112 autres personnes ont été blessées.

Promesses de Netanyahou

La semaine dernière, dans le village voisin de Qusra, des bulldozers israéliens avaient commencé à défricher des terres – une tentative, selon les habitants, de les confisquer pour de futures colonies illégales.

Des habitants de Qusra qui travaillaient dans un champ près de la colonie de Migdalim ont défié les soldats israéliens qui protégeaient les bulldozers.

« Je suis ici 24 heures sur 24, je ne suis pas fatigué et je ne m’ennuie pas… Je resterai ici pour protéger nos terres, quoi qu’il m’en coûte »

- Adham Zuhair

Les Palestiniens disent que les colons ont été enhardis par le plan du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient et la promesse du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou d’annexer les colonies.

Le parti de droite de Netanyahou, le Likoud, a remporté les élections législatives de lundi dernier, sans toutefois obtenir suffisamment de sièges pour former automatiquement une coalition permettant de gouverner.

S’il y parvient, un nouveau gouvernement Netanyahou ouvrirait la voie à sa promesse d’annexer les colonies en Cisjordanie dans le cadre du plan de Trump.

Précédentes batailles

Autour de la tente sur le mont al-Urma, des dizaines de jeunes aidaient à maintenir en place le mât du drapeau, tandis que des enfants jouaient avec les restes de bombes lacrymogènes laissées par l’armée israélienne et que les hommes plus âgés conversaient. Les discussions portaient essentiellement sur la fierté de pouvoir protéger leurs terres.
 
Pendant qu’un jeune homme distribuait du café, d’autres volontaires préparaient de la soupe au freekeh, un plat palestinien populaire habituellement servi en hiver pour fournir à l’organisme énergie et chaleur.

À l’intérieur de la tente, des bénévoles préparent de la soupe au freekeh, un plat populaire palestinien (MEE/Shatha Hammad)
À l’intérieur de la tente, des bénévoles préparent de la soupe au freekeh, un plat populaire palestinien (MEE/Shatha Hammad)

Appuyé sur sa béquille, l’un des volontaires, Muhammad Khrweish, a raconté à MEE comment il avait été blessé lors d’affrontements à Beita le 6 avril 1988, lors d’une attaque de colons contre le village.

« Depuis 1923, 70 personnes de la ville de Beita ont perdu la vie en martyrs et 300 ont été blessées », a-t-il indiqué à MEE.
 
« Depuis 1967, l’Occupation [Israël] a détruit 25 maisons et arrêté environ 3 000 personnes. Tout cela s’est produit pour la défense de notre territoire, et c’est ce que nous continuerons de faire. »
 
L’homme s’est souvenu de la façon dont les habitants de son village avaient protégé le mont Jabal Sabih de Beita il y a deux ans, lorsque les colons avaient tenté de le prendre.
 
« Nous avons passé deux semaines assis sur la montagne pour empêcher les colons de s’en emparer. »

« Nous n’abandonnerons pas nos terres »

« Aujourd’hui, les colons se frottent à nouveau à Beita », a déclaré Muhammad Khrweish.
 
« Ils ont rassemblé 750 colons et 200 soldats le vendredi 28 février, et plus de 1 200 habitants du village sont venus défendre leurs terres. L’armée et les colons vont essayer de profiter de chaque instant où nous quittons la montagne, nous continuerons donc à rester ici… Nous ne cèderons pas la montagne et n’abandonnerons pas nos terres. »

« Nous ne cèderons pas la montagne et n’abandonnerons pas nos terres »

- Muhammad Khrweish, habitant de Beita

Muhammad Jamal Bani Muflih, un jeune Palestinien de 12 ans qui participait au sit-in, a pris la parole : « J’avais l’habitude de venir ici avec ma famille ou mes amis pour faire une promenade et prendre des photos. Désormais, je viens tous les jours pour défendre la montagne et empêcher les colons de s’en approcher.
 
« La seule façon de protéger la montagne est de rester dessus… Nous ne leur permettrons pas de nous la voler, c’est notre montagne, et les monuments qui s’y trouvent le prouvent. »

« Nous exigeons sa libération immédiate »

Le jeudi 27 février, lorsque des colons ont publié des messages sur Facebook appelant à monter sur le mont al-Urma le lendemain, le journaliste palestinien Mujahid Beni Mafelah les a traduits et republiés sur sa page Facebook pour alerter la communauté.
 
Suite à cette publication, il a été arrêté par la police israélienne pour incitation à la haine sur les réseaux sociaux.

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Assad Bani Mafelah, le frère du journaliste, a rapporté à MEE que la police avait arrêté Mujahid dans la soirée alors qu’il se rendait en famille à Beita, laissant sa femme et ses deux enfants, âgés de 2 et 3 ans, seuls près de la colonie israélienne.
 
« La police israélienne détient toujours Muhajid au centre de détention israélien et a prolongé sa détention à deux reprises jusqu’à présent », a précisé Assad.
 
« Nous sommes surpris par l’arrestation de Mujahid, qui jouait son rôle de journaliste en publiant cette traduction.
 
« Il a seulement republié ce que les colons avaient écrit sur leurs pages. Nous, sa famille, sommes inquiets pour lui et exigeons sa libération immédiate afin qu’il puisse retourner auprès de ses enfants. »

Aucune preuve de monuments juifs

Le mont al-Urma, qui s’étend sur 250 dounams (kilomètres carrés), est l’une des zones archéologiques les plus importantes de Naplouse ainsi que le plus haut sommet de Beita. 
 
Selon les historiens, il est habité depuis le début de l’Âge du bronze, il y a environ 3 200 ans.
 
Au sommet de la montagne, les murs qui existent encore indiquent qu’un ancien château y a été construit, sous lequel sept réservoirs d’eau ont été creusés dans la roche.
 
Mufid Salah, directeur du Département des antiquités à Naplouse, a expliqué à MEE que la capacité de chaque réservoir était d’au moins 375 litres, avec des canaux de pierre entre eux atteignant une profondeur d’un mètre et demi. Ils étaient utilisés pour stocker l’eau de pluie.
 
Selon des histoires populaires non prouvées, dans le passé, les réservoirs de stockage étaient utilisés comme prisons et pour stocker des armes.

Les réservoirs de stockage situés sous le château sur le mont al-Urma auraient été utilisés comme prisons et pour stocker des armes (MEE/Shatha Hammad)
Les réservoirs de stockage situés sous le château sur le mont al-Urma auraient été utilisés comme prisons et pour stocker des armes (MEE/Shatha Hammad)

D’après Mufid Salah, les objets découverts jusqu’à présent sur le mont al-Urma remontent à l’Âge du bronze et aux périodes romaine, byzantine et islamique, jusqu’à l’époque ottomane.

« Les fouilles sur le site ne sont pas encore terminées et de nombreuses ruines ne sont toujours pas visibles ni découvertes, mais nous pensons qu’il y a encore de nombreux monuments enterrés », a ajouté le spécialiste, précisant que des fouilles avaient été effectuées dans la région au début des années 1960 et qu’aucune preuve de monuments juifs n’avait été trouvée.

« Les recherches israéliennes se sont renouvelées autour du mont al-Urma en 2018 après l’expansion de la colonie voisine d’Itamar et les tentatives de relier la montagne au complexe israélien du Prophète Noun », a précisé Salah.

Pas de colonies à Beita

Beita, avec une population de 13 000 habitants, s’étend sur 23 000 dounams, dont la plupart sont classés selon les accords d’Oslo comme appartenant à la zone B, où l’Autorité palestinienne exerce une administration civile mais où la sécurité reste contrôlée par Israël.
 
Malgré les tentatives constantes de confisquer les terres de Beita, la ville est totalement dépourvue d’expansion de colonies car les habitants ont réussi à plusieurs reprises à repousser les colons.

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« Nous insistons obstinément sur le fait que nous défendrons notre terre et que nous ne la laisserons pas devenir un centre de colonisation », a affirmé à MEE Fouad Ma’ale, le maire de Beita.
 
« La colonie d’Itamar, sur les terres du village d’Awarta, est adjacente à une maison du côté nord et ses colons mènent des attaques continues contre les agriculteurs et les oliviers. Cependant, [la colonie] ne s’est pas étendue sur les terres de Beita.
 
« Le mont al-Urma est la plus haute montagne de la partie sud de Naplouse, culminant à 840 mètres d’altitude. Il surplombe les villages de Beita, Aqraba, Osrin, Awarta, Odla, ainsi que la Jordanie à l’est et la côte méditerranéenne à l’ouest.
 
« C’est en raison de cette importante position stratégique que les colons et l’armée israélienne tentent de prendre le contrôle de la montagne », a conclu Ma’ale.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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