Des forces arabo-kurdes syriennes se préparent à l’offensive contre la capitale de Daech
AÏN ISSA, Syrie – Sur la ligne de front à proximité de Raqqa, la capitale de l’« État islamique », le calme prévaut. Cependant, dans un avenir proche, une coalition de forces arabes et kurdes appuyée par les États-Unis va marcher d’Aïn Issa à Raqqa pour anéantir l’organisation État islamique (EI).
La ville arabe d’Aïn Issa a été détruite dans les combats entre les forces kurdes et le groupe État islamique à la mi-juin et est devenue une zone militaire où les civils ne sont pas autorisés.
La ville est située à environ 50 km au nord de Raqqa et servira de base opérationnelle contre le groupe EI.
Chaque semaine, des kamikazes tentent d’attaquer les lignes de front des combattants kurdes et arabes près d’Aïn Issa. Le 6 juillet, les combattants kurdes ont été contraints de chasser des combattants du groupe EI de la ville.
Lundi soir, des affrontements ont éclaté entre les Kurdes et des militants du groupe EI dans le village de Bayr al-Issa, à l’est d’Aïn Issa, après qu’un combattant des YPG a déjoué un attentat-suicide d’un combattant du groupe EI en le tuant, obligeant un autre combattant du groupe à fuir.
La coalition contre le groupe EI dirigée par les États-Unis a parachuté 50 tonnes d’armes à la Coalition arabe syrienne créée lundi dans la province d’Hassaké, afin de ne pas froisser la Turquie.
Ces armes seront partagées avec leurs alliés kurdes des YPG afin de lutter contre l’État islamique.
Cependant, on ne voit aucune arme américaine sur le front à proximité de Raqqa jusqu’à présent, ni aucun signe de préparatifs des troupes rebelles.
« Nous n’avons pas encore reçu d’armes. La dernière fois que les États-Unis nous ont soutenus avec des armes, c’était il y a un an à Kobané. Mais ils les ont promises », a déclaré Heval Serfiraz, un combattant des YPG, dans la base servant de quartier général aux YPG à proximité de la ville d’Aïn Issa.
« Nous ne disposons pas d’armes lourdes contrairement au groupe État islamique. Nous n’avons que des kalachnikovs et des Douchka [mitrailleuses]. Le groupe EI dispose de bien meilleures armes que les YPG », a-t-il ajouté.
« Il nous faut des armes antichars et des armes lourdes », a précisé ce combattant des YPG, originaire de Turquie.
Les États-Unis ont décidé d’appuyer l’ASL et les rebelles kurdes dans les provinces de Raqqa et d’Hassaké, après que les rebelles de l’ASL dans la province d’Alep ont remis leurs armes au front al-Nosra, branche syrienne d’al-Qaïda.
« Comme vous le savez, l’opposition qui a été formée par les États-Unis a rejoint al-Nosra et, pour cette raison, les États-Unis ont perdu confiance dans l’opposition. C’est pourquoi les YPG sont le seul espoir des Américains », a déclaré Öcalan Issa, le responsable adjoint en charge de la défense pour l’administration kurde locale à Kobané.
La manœuvre pourrait irriter la Turquie qui considère que les YPG sont trop proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), lequel est considéré comme une organisation terroriste par Ankara.
Mercredi, la Turquie a mis en garde la Russie et les États-Unis, déclarant qu’il était « inacceptable » d’armer les Kurdes.
Jusqu’à présent, les lignes de front avec la capitale de l’État islamique sont tenues par de petits groupes de l’Armée syrienne libre (ASL), des rebelles de la brigade des révolutionnaires de Raqqa et les Unités de protection du peuple kurdes (YPG).
La brigade des révolutionnaires de Raqqa est composée d’Arabes et de Kurdes arabophones originaires des villes de Deir ez-Zor et Raqqa. C’était l’un des premiers groupes à combattre le groupe État islamique à Raqqa, mais ils en ont été chassés en janvier 2014 par l’EI.
Les Arabes « doivent mener la lutte à Raqqa »
Jusqu’à présent, les rebelles kurdes sont plus nombreux que les rebelles arabes mais, pour les YPG, les Arabes doivent être les premiers responsables de la libération de Raqqa car eux-mêmes ne veulent pas être vus comme des occupants de Raqqa.
« Nous attendons l’Armée syrienne libre pour lancer l’offensive, puisque Raqqa n’appartient pas au Rojava [territoire kurde], et nous irons avec eux », a déclaré Serfiraz, combattant des YPG.
« Les frappes aériennes toucheront l’État islamique grâce à la coordination avec la salle des opérations du Volcan de l’Euphrate », a déclaré Serfiraz à Middle East Eye.
Avant de pénétrer dans Aïn Issa, il y a des points de contrôle tenus par des combattants arabes avec les YPG.
« Nous sommes prêts à nous battre pour notre honneur, et nous sommes prêts pour Raqqa ; même si nous ne sommes que quelques centaines, nous pouvons nous battre contre des milliers », a déclaré Khalid Sinjari, un combattant arabe de la tribu Jibouri se tenant à un barrage à l’entrée d’Aïn Issa.
Certains spécialistes doutent que les YPG disposent d’assez de combattants arabes pour prendre Raqqa. Les États-Unis et leurs alliés locaux pourraient avoir à recruter plus d’Arabes de la région pour que l’offensive soit un succès.
« Sur le plan militaire, les Kurdes syriens peuvent tout à fait attaquer le groupe EI à Raqqa », a déclaré Sirwan Kajjo, un analyste des affaires kurdes basé à Washington.
« Évidemment, cela n’est possible que s’ils ont des alliés arabes locaux. Le seul souci est que les Kurdes syriens [YPG] ne sont pas appréciés dans la ville de Raqqa », a-t-il expliqué.
Prêt au martyre
Abou Mohammed Ansari, qui commande l’un des derniers check-points de l’ASL entre les rebelles pro-occidentaux et le groupe État islamique, affirme qu’ils sont prêts au martyre.
« Nous ne nous arrêterons pas à Raqqa, nous libérerons toute la Syrie. Il n’y a pas de différences entre Turkmènes, Arabes, Kurdes et chrétiens », a-t-il déclaré à Middle East Eye.
Au début d’octobre, l’armée tribale arabe a été créée dans la province de Raqqa pour que les tribus de Raqqa coordonnent la lutte contre le groupe EI.
Ils recruteront davantage de membres des tribus arabes pour lutter à Raqqa, suivant l’exemple américain en Irak (les États-Unis avaient utilisé des tribus arabes pour combattre al-Qaïda en Irak).
« Il y a un mois, nous avons établi des relations entre la brigade des révolutionnaires de Raqqa, la salle des opération du groupe Volcan de l’Euphrate et les tribus arabes », a déclaré Abou Mohammed Ansari. « Ils veulent maintenant créer une armée nationale », a-t-il ajouté.
Les rebelles de l’ASL ont pu observer un avion de chasse américain dans les airs mardi.
« La salle des opérations se coordonne avec ce pilote, que nous appelons Abou Hussein », a plaisanté un combattant de l’ASL, faisant référence au président américain Barack Hussein Obama.
Des civils vont à Raqqa
Les rebelles de l’ASL et les combattants des YPG affirment qu’ils ont des cellules dormantes à l’intérieur de la ville pour attaquer.
« Nous ne pouvons pas dire de combien de membres [arabes] nous disposons, parce que les combattants de l’ASL se trouvent dans des zones du groupe État islamique et attendent de libérer la ville de Daech [groupe EI] », a déclaré le responsable de la défense kurde Öcalan Issa.
En mars, la coalition menée par les États-Unis a parachuté 60 000 tracts de propagande à Raqqa, montrant des membres de l’ASL et des YPG marchant dans les rues, avec les mots « La liberté viendra ».
Bien que la coalition américaine communique sur la prochaine guerre contre l’EI à Raqqa, des civils arabes vont encore à Raqqa en raison de l’absence de services.
Chaque semaine, environ 500 civils font des allers et retours entre le territoire contrôlé par le groupe EI à Raqqa et Tal Abyad pour recevoir des soins médicaux.
« Il n’y a pas médecin ou d’hôpital à Tal Abyad », a déclaré Obeid al-Assi (65 ans), un civil qui a voyagé de Tal Abyad jusqu’à Raqqa pour recevoir des soins médicaux. « Dites à votre agence de presse que nous avons besoin d’hôpitaux à Tal Abyad », a-t-il demandé, désespéré.
Un combattant de l’ASL, Ali Allawi Hussein, originaire de Deir ez-Zor, affirme que les habitants de Raqqa soutiendront tout progrès à venir de la coalition ASL-YPG.
« Ils veulent notre venue et ils espèrent que l’ASL viendra à Raqqa. Les gens disent qu’ils ont beaucoup d’armes et qu’ils nous aideront quand nous viendrons », a-t-il déclaré.
« Je suis prêt à mourir en martyr. Je suis un expert en explosifs et je suis prêt à me faire exploser à Raqqa », a affirmé Hussein à Middle East Eye.
On ne sait pas encore si l’assaut de Raqqa est pour bientôt. Les responsables kurdes ne sont pas disposés à donner le calendrier des opérations.
« Nous annoncerons les opérations deux jours avant leur lancement, mais parfois la situation évolue », a déclaré le responsable kurde Öcalan Issa.
« Parfois, nous annonçons les opérations une semaine avant pour que les civils vivant dans les zones contrôlées par Daech puissent fuir », a déclaré Issa.
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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