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Des milliers de personnes acclament les réformes du Premier ministre irakien

Haider al-Abadi a présenté une série de réformes qui pourraient priver les législateurs et les fonctionnaires de la plupart de leurs privilèges
Des Irakiens prennent part à une manifestation de soutien au plan de réforme du Premier ministre irakien Haider al-Abadi sur la place Tahrir à Bagdad, le 9 août 2015 (AFP)

BAGDAD – Des milliers d’Irakiens sont descendus dans les rues à travers le pays dimanche soir afin de manifester leur soutien au Premier ministre Haider al-Abadi pour avoir lancé une campagne visant à réformer son gouvernement et combattre la corruption.

En réponse aux manifestations massives qui ont eu lieu à Bagdad et dans les provinces chiites du sud, al-Abadi a présenté une série de réformes qui pourraient priver les législateurs et les fonctionnaires de la plupart de leurs privilèges.

Les propositions d’al-Abadi visent notamment à réduire la corruption financière et administrative, alléger le fardeau du Trésor irakien et dégager de l’argent pour payer les arriérés de salaires des employés gouvernementaux.

Douze ans après le renversement de Saddam Hussein par l’armée américaine, et en dépit de l’accession au pouvoir des chiites, qui constituent la majorité de la population, les Irakiens continuent de souffrir d’un manque important de services de base, notamment l’électricité et l’eau potable.

Le système de partage du pouvoir politique et la décentralisation – adoptés par les partis politiques irakiens après 2003 – ont fourni une couverture politique aux responsables gouvernementaux occupant des postes fédéraux et locaux et ont permis aux fonctionnaires corrompus de ne pas avoir à rendre de comptes.

« Nous devons lutter contre la corruption et sauver chaque dinar irakien et le remettre dans les caisses de l’État irakien car la situation financière de celui-ci est critique », a déclaré Massoud Haider, membre de la commission parlementaire chargée des finances, à Middle East Eye.

« Supprimer certains ministères et postes et en fusionner d’autres permettra d’économiser des sommes considérables au profit des finances [de l’État] », a déclaré Haider.

Al-Abadi, un chiite modéré, a révélé son projet réformiste samedi soir. La veille, le grand ayatollah Ali al-Sistani, le plus véhément ecclésiastique chiite d’Irak et le chef de la marjiya (clergé) de Nadjaf, a apporté son soutien plein et entier à la campagne d’Abadi contre la corruption.

À Bagdad, les manifestants ont afflué vers la place Tahrir en portant des drapeaux irakiens et des portraits de Sistani et d’Abadi. Sur plusieurs banderoles, on pouvait lire « le soleil a brillé sur l’obscurité des corrompus » et « le peuple veut un gouvernement par les institutions, pas un gouvernement par les armes à feu ». Les manifestants scandaient : « aujourd’hui, nous allons balayer tous les corrompus ».

« Je suis ici pour soutenir Abadi, pour qu’il aille de l’avant dans sa campagne visant à faire des réformes et à satisfaire nos revendications », a déclaré Mohammed Mahmood, un manifestant de 26 ans qui filmaient ses amis alors qu’ils chantaient et agitaient des drapeaux irakiens sur la place Tahrir.

« Je vais le défendre [Abadi] et soutenir son gouvernement tant qu’il tend la main au peuple et nous sauve de ce sabotage », a-t-il ajouté.

Depuis 2004, l’Irak a dépensé environ 730 milliards d’euros pour réhabiliter ses infrastructures. Cependant, des améliorations significatives se font attendre sur le terrain en raison de la corruption à grande échelle. La forte chute des prix mondiaux du pétrole a intensifié le manque de financement dont souffre le budget de l’État depuis le début de cette année.

Des réformes de grande envergure

Les réformes proposées par al-Abadi comprennent la suppression de plusieurs ministères et commissions indépendantes ainsi que la fusion d’autres entités, le gel des privilèges financiers de tous les fonctionnaires, la formation des policiers à la lutte contre le groupe État islamique, la limitation du nombre de conseillers dans chaque branche de l’exécutif (parlement, gouvernement et présidence), la réactivation des investissements étrangers et le redressement du secteur de l’énergie.

L’une des réformes clés d’al-Abadi consiste à supprimer les postes de vice-présidents et vice-Premiers ministres. Conformément au système politique de partage du pouvoir que les Irakiens ont adopté en 2004, le président (un Kurde) dispose de trois vice-présidents, un musulman sunnite et deux chiites, tandis que le Premier ministre (chiite) a trois députés, un Kurde, un sunnite et un chiite.

Le président a un pouvoir essentiellement honorifique, mais les vice-présidents ont une réelle influence. Une copie du budget irakien en 2015 montre que les salaires annuels des trois vice-présidents et de leurs 7 000 gardes du corps coûtent plus de 55 millions d’euros au Trésor irakien.

« Je suis venu pour soutenir la décision d’Abadi qui conduit à mettre à la porte les trois vice-présidents et les fonctionnaires corrompus et à réformer le processus politique », a déclaré à MEE Amar Jassim, un manifestant de 28 ans, alors qu’il manifestait sur la place Tahrir.

« Nous sommes descendus dans la rue sans tenir compte des confessions pour protéger notre avenir et l’avenir de nos enfants », a déclaré Jassim.

Deux des trois vice-présidents actuels, Nouri al-Maliki (l’ancien Premier ministre) et Oussama al-Nujaifi (l’ancien président du parlement) ont été accusés par de nombreux Irakiens d’avoir échoué à protéger Mossoul des extrémistes sunnites l’été dernier, tandis qu’Iyad Allaoui (le premier Premier ministre irakien après 2003) est blâmé pour ses liens « présumés » avec l’Arabie saoudite.

Le gouvernement a approuvé le projet proposé par le Premier ministre cet après-midi, mais il doit être approuvé par le parlement afin de devenir contraignant. La plupart des hauts responsables politiques irakiens ont peur d’exprimer leurs véritables positions de peur d’irriter les manifestants.

Les analystes politiques ont annoncé que le projet d’Abadi ne rencontrera pas d’obstacle majeur au parlement.

« Tous les blocs politiques sont aujourd’hui convaincus que le processus politique est au bord du gouffre et pourrait basculer à tout moment en raison de la corruption, de Daech et de l’intervention étrangère ; l’avancée d’Abadi vers une réforme pourrait sauver la donne », a rapporté Yazen al-Jobouri, un analyste politique indépendant, à MEE.

« Abadi est aujourd’hui le seul capable de changer la situation, il a le soutien du peuple, de la marjiya et de la communauté internationale, et tous les partis politiques en ont pleinement conscience », a expliqué Jobouri.

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation

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