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Ennahdha majoritaire après la démission collective de députés tunisiens

Trente-deux membres de Nidaa Tounes ont démissionné en raison de ce qu’ils considèrent comme une prise de pouvoir par les partisans du président et de son fils
Les opposants au président Béji Caïd Essebsi l’accusent d’une tentative de « putsch » visant à donner le pouvoir à son fils (AFP)

Trente-deux députés tunisiens appartenant au principal parti de la coalition au pouvoir ont démissionné dimanche, bouleversant l’équilibre du pouvoir au sein du gouvernement d’union.

La démission de plus d’un quart des 86 députés du parti Nidaa Tounes donne au parti à tendance islamiste Ennahdha, qui était le parti mineur de la coalition, une majorité parlementaire de 69 députés contre 54 pour Nidaa Tounes.

Nidaa Tounes, dont le fondateur Béji Caïd Essebsi est président du pays, est déchiré par des luttes intestines depuis des mois.

Les députés qui ont démissionné ce week-end soutiennent le secrétaire général Mohsen Marzouk qui accuse Hafedh, le fils d’Essebsi, d’essayer de prendre le contrôle du parti.

Seifeddine Ferjani, chercheur au think tank Round Table Studies, souligne que les différences au sein de Nidaa Tounes étaient trop marquées pour qu’il reste uni.

« Tout d’abord, il ne pouvait que se morceler, parce qu’ils ne forment pas vraiment un seul bloc politique », a-t-il expliqué. « Ils se sont présentés comme le sauveur qui représente la continuité du projet moderniste indépendant. »

Les 32 députés ont suspendu leur appartenance à Nidaa Tounes la semaine dernière après avoir affirmé que des partisans d’Essebsi étaient venus à une réunion du comité exécutif du parti armés de bâtons et ont empêché leurs rivaux du parti d’entrer.

L’un des députés, Abeda Kéfi, avait alors déclaré lors d’une conférence de presse qu’ils « ne cherchaient pas à diviser le parti » mais que ses structures avaient été « brisées par un désir de faire un putsch » en faveur du fils du président.

Ce fossé reflète la politique axée sur la personnalité au sein du parti, ses membres étant partagés entre Mohsen Marzouk et le vice-président Hafedh. Les partisans de Marzouk accusent Essebsi de préparer Hafedh à reprendre son poste.

Selon Ferjani, les partisans de Nidaa Tounes, qui sont des « gens culturellement de gauche » et d’anciens membres du régime Ben Ali, n’ont pas de penchant idéologique et veulent des postes de niveau supérieur et de l’influence.

Le parti, soutient Ferjani, a été créé en réaction à la puissance d’Ennahdha, lequel a remporté les élections en octobre 2011 et était chargé de réécrire la constitution du pays, de nommer un président et de former un gouvernement intérimaire. De nombreux Tunisiens avaient peur qu’un parti islamiste fût majoritaire au gouvernement, tandis que d’autres considéraient Ennahdha comme un projet marginal.

« Lorsque Nidaa Tounes s’est allié à Ennahdha, cela a créé un énorme problème existentiel pour le projet en lui-même », a déclaré Ferjani. « Beaucoup de gens ont été attirés par ce projet parce qu’il était contre Ennahdha. Lorsque les choses ont commencé à s’écarter du plan, d’autres problèmes sont apparus. Les partisans de Nidaa Tounes attendaient quelque chose en retour : la protection, l’influence, la poursuite des monopoles et la protection des contrats. Ce n’est pas le cas. »

Monica Marks, chercheuse invitée au Conseil européen des relations internationales (ECFR), estime qu’il est trop tôt pour savoir si la démission des 32 députés aura une incidence sur la stabilité politique du pays.

« Nidaa ne s’est jamais comporté comme un bloc organisé au parlement », a-t-elle indiqué. « Cependant, beaucoup reste encore à voir étant donné les conflits internes à Nidaa dans son ensemble et les différences d’opinion politique et de fond au sein du bloc des 32 députés.

« Les changements de cap, les revirements et les conflits internes ont accompagné l’évolution de Nidaa, de sorte que des surprises restent très probables. »

Fadil Aliriza, journaliste et analyste, reconnaît que ces démissions « évitent un tsunami ».

« Tout d’abord, le parti Nidaa Tounes contrôle encore la présidence et dispose de puissants alliés dans les médias et le monde des affaires », a expliqué Aliriza. « Ensuite, toute l’attention est en ce moment tournée vers Nidaa, ses faiblesses en tant que parti et ce qui, le cas échéant, unifie le parti sur le plan idéologique. Puisque ce qui a réuni les membres de Nidaa Tounes était leur point de vue anti-Ennahdha, ce dernier a tout intérêt à jouer profil bas en ce moment. »

 

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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