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EXCLUSIF : Le lourd tribut des troupes irakiennes pour la victoire de Falloujah

Des sources militaires irakiennes ont indiqué à MEE que des centaines de soldats et des milliers de militants de l’EI sont morts dans la bataille de Falloujah
La police irakienne patrouille à Falloujah, le 30 juin, après avoir repris la ville à l’EI (AFP)

BAGDAD – Middle East Eye est en mesure de révéler que des centaines de soldats irakiens ont été tués et plus de 3 000 blessés pendant les cinq semaines de bataille pour reprendre Falloujah au groupe État islamique (EI).

Depuis le début de la guerre de l’Irak contre l’EI en juin 2014, à l’époque où près d’un tiers du territoire du pays avait été envahi après l’effondrement dramatique de l’armée irakienne, les responsables ont soit refusé de commenter soit minimisé le nombre de victimes parmi les forces de sécurité irakiennes.

Le général Hadi Erzaje, commandant adjoint des opérations militaires à Falloujah, avait précédemment déclaré à MEE : « Nous déplorons des victimes, mais pas tant que ça. Nous sommes engagés dans des combats, nous ne pouvons donc pas divulguer ces informations. »

Cependant, un responsable de la sécurité a rapporté à MEE sous couvert d’anonymat qu’au moins 394 membres des forces de sécurité ont été tués et 3 308 blessés dans la bataille, qui a débuté le 23 mai et a pris fin en juin.

Des sources militaires et médicales ont cité un bilan encore plus élevé, confiant à MEE cette semaine que plus de 900 soldats ont été tués dans cette bataille.

Ces chiffres ne comprennent pas les membres des milices tués en combattant à Falloujah. Les responsables irakiens n’ont pas communiqué non plus le bilan des décès parmi les habitants de Falloujah. On estime que plus de 80 000 habitants ont été déplacés au cours des combats.

Ces mêmes sources ont indiqué que 35 000 membres des forces irakiennes, soutenues par des troupes paramilitaires multiconfessionnelles et la coalition internationale menée par les États-Unis contre l’EI, ont tué des milliers de militants lors de l’offensive.

La reconquête de la ville constitue un « coup dévastateur » pour l’organisation, selon les propos d’analystes et d’officiers militaires à MEE.

Un responsable militaire américain a déclaré au Military Times jeudi que la véritable taille de la force de combat de l’EI était remise en question après Falloujah.

Pour la deuxième fois au moins au cours des dernières semaines, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a annoncé dimanche la libération de Falloujah et a levé le drapeau irakien sur les bâtiments du gouvernement dans le centre-ville.

Mais jusqu’à présent, il a été difficile de chiffrer le coût de la campagne pour les Irakiens.

« Une bombe nucléaire »

La plupart des membres des forces de sécurité qui sont morts à Falloujah ont été tués dans des attentats-suicides à la voiture piégée ou dans des attaques de roquettes, qui ont été utilisés à grande échelle par les militants vers la fin de la bataille pour bloquer l’avancée des forces, selon les sources.

La section de lutte anti-terroriste irakienne, une unité de combat d’élite, compte le moins de décès. Les plus fortes pertes, des sources militaires, concernent les troupes de la police fédérale qui se sont battues sans couverture aérienne dans la région nord de Falloujah et ont également protégé le centre-ville.

« Nous ne sommes pas l’armée ou les services de contre-terrorisme, nous sommes la police fédérale… Nous ne disposons pas de chars ou d’avions de chasse. Nous nous battions dans notre chair », a déclaré à MEE le lieutenant-général Ra’ad Jawdat, commandant de la police fédérale irakienne.

Jawdat a déclaré que la police fédérale opérant dans le centre nord de la ville avait été visée par 90 attentats-suicides à la voiture piégée.

« Si nous les additionnions, leur impact équivaudrait à une bombe nucléaire », a-t-il estimé.

Jawdat n’a pas souhaité commenter la façon dont de nombreux policiers sont morts à Falloujah.

Victimes parmi les militants

Falloujah – également appelée la ville des mosquées après la construction de centaines de lieux de culte à l’époque de Saddam Hussein, lequel a encouragé les commerçants musulmans sunnites à construire ces établissements religieux en franchise d’impôt – avait été la base de la plupart des principaux commandants de l’EI en Irak et en Syrie.

Certains experts affirment que sa prise peut marquer le début de la fin pour l’EI en Irak, bien que le groupe contrôle toujours la ville-clé de Mossoul, au nord.

« Falloujah était le cerveau de l’insecte », a déclaré à MEE Hisham al-Hashimi, un expert irakien sur les groupes islamistes armés et conseiller en sécurité du gouvernement.

Hashimi et la plupart des responsables irakiens avec lesquels a discuté MEE ont indiqué que Falloujah était le point faible des provinces de Bagdad, Babil, Karbala, Najaf, Salah ad-Din et Anbar, et avait été utilisée comme une rampe de lancement pour la plupart des attentats-suicides qui ont visé ces provinces au cours des dix dernières années.

Des sources militaires irakiennes ont rapporté à MEE qu’au moins 2 500 combattants de l’EI ont été tués à Falloujah et ses banlieues. 2 186 autres ont été arrêtés par les forces irakiennes alors qu’ils tentaient de fuir la ville parmi les familles déplacées.

« Ils [les militants de l’EI] ont quitté la ville avec les familles en fuite. Certains d’entre eux utilisaient de faux papiers d’identité, d’autres étaient habillés en femmes », a indiqué le général Erzaje à MEE.

Le nombre de militants arrêtés est susceptible d’augmenter car les autorités irakiennes examinent encore les dossiers de 6 000 personnes détenues par les autorités locales dans des lieux de détention temporaires près de Falloujah, selon Erzaje.

On s’attend également à ce que le bilan s’alourdisse des deux côtés compte tenu que les chiffres actuels ne comprennent pas ceux qui sont considérés comme disparus ou les corps des soldats et militants encore dans la ville, selon nos sources.

Malgré les pertes, certains analystes estiment que la reprise de Falloujah devrait être considérée comme un triomphe qui a remonté le moral des forces irakiennes.

« Falloujah était le générateur de puissance de l’organisation. Celui qui a gagné la bataille de Falloujah a gagné la guerre », a affirmé Hashimi.

« Désormais, on peut dire que Daech a perdu la guerre. Quand il a perdu Falloujah, il a perdu la guerre en Irak. »

 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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