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« C’était littéralement un massacre » : des témoins racontent la fureur des frappes israéliennes sur Gaza

Le Hamas, mouvement islamiste au pouvoir à Gaza qui n’a pas, jusqu’ici, pris part à la confrontation avec Israël, a alerté contre ces « incursions » israéliennes qui pourraient mener à une situation « incontrôlable »
Un Palestinien pleure son ami tué dans la nuit de samedi à dimanche à Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza (AFP)
Un Palestinien pleure son ami tué dans la nuit de samedi à dimanche à Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza (AFP)

« Je ne peux même pas mettre des mots sur ce que je viens de voir, je tremble encore », témoigne Ahmad Arafah à Middle East Eye. « Nous regardions les informations comme tout le monde, puis nous avons entendu des cris et nous sommes sortis. J’ai vu des scènes effrayantes. Des enfants couverts de sang, des parties de corps partout dans la rue, des gens qui couraient confus. »

La violence délenchée par Israël sur la bande de Gaza, où 44 Palestiniens dont 15 enfants ont péri, se poursuit dimanche sans signe de répit dans cette confrontation entre le groupe Jihad islamique et Israël, la plus grave depuis une guerre éclair l’an dernier.

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Les autorités israéliennes contredisent ce bilan et assurent que des enfants palestiniens ont été tués samedi par un tir de roquette raté du Jihad islamique vers Israël.

Le Jihad islamique a affirmé de son côté avoir tiré des roquettes vers Jérusalem pour la première fois depuis le début des hostilités vendredi. Comme 97 % des projectiles lancés depuis Gaza, elles ont été interceptées par le bouclier antimissile israélien, d’après l’armée.

Israël, qui dit avoir lancé une « attaque préventive » visant le Jihad islamique, a affirmé avoir tué des combattants et « neutralisé » les chefs de l’organisation, qui est considérée comme terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union européenne.

Les principaux chefs militaires du mouvement à Gaza, Tayssir al-Jabari et Khaled Mansour, ont été tués dans les frappes israéliennes, selon l’armée, une annonce confirmée par le Jihad islamique.

« Ce n’étaient que des enfants  »

Des sirènes d’alerte ont retenti dimanche dans la matinée dans le secteur de Jérusalem, selon l’armée israélienne.

Des centaines d’Israéliens se rassemblent dans la vieille ville à l’occasion d’une fête juive, faisant craindre des violences alors que des nationalistes se rendent sur l’esplanade des Mosquées, aussi appelée mont du Temple. Cette partie est située à Jérusalem-Est, secteur occupé et annexé par Israël.

Le Hamas, mouvement islamiste au pouvoir à Gaza qui n’a pas, jusqu’ici, pris part à la confrontation avec Israël, a alerté contre ces « incursions » israéliennes qui pourraient mener à une situation « incontrôlable ».

Une femme pleure au milieu des décombres de sa maison frappée par un bombardement, à Gaza, le 7 août 2022 (AFP/ Mohammed Abed)
Une femme pleure au milieu des décombres de sa maison frappée par un bombardement, à Gaza, le 7 août 2022 (AFP/ Mohammed Abed)

Le Premier ministre israélien Yaïr Lapid a affirmé que l’opération à Gaza continuerait « aussi longtemps que nécessaire », qualifiant la frappe ayant tué Khaled Mansour de « résultat extraordinaire ». Cette frappe à Rafah (Sud) a fait huit morts, selon le ministère de l’Intérieur de Gaza.

L’armée israélienne se prépare à « une semaine » de raids sur le territoire de 2,3 millions d’habitants, tandis que le Jihad islamique a assuré samedi que « la bataille n’en était qu’à ses débuts ».

« Bien sûr, tout cela se passe au milieu des coupures de courant et nous pouvons à peine voir ce qui s’est passé », poursuit Ahmad Arafah. « C’était littéralement un massacre. Il n’y a pas d’autres mots pour le décrire. Je suis encore sous le choc de ce que j’ai vu. Ce n’étaient que des enfants. Quel est leur crime ? »

« Nous n’avons jamais vu ce niveau de brutalité. Nous sommes tous des civils ici. Il n’y a aucun membre d’un groupe armé », a déclaré à MEE Khamees Shammalk, 75 ans. « Ils ne nous ont donné que quinze minutes pour évacuer, et nous avons dû nous précipiter, nous n’avons pas pu sortir nos affaires. »

« Nous n’avons jamais vu ce niveau de brutalité. Nous sommes tous des civils ici. Il n’y a aucun membre d’un groupe armé »

- Khamees Shammalk, un Palestinien de 75 ans

Le ministère palestinien de la Santé a averti samedi que les établissements de santé de Gaza risquaient de fermer dans les 72 heures en raison des coupures de courant prolongées et a appelé la communauté internationale à faire pression sur Israël pour qu’il autorise les patients à sortir de l’enclave.

Plus tôt dans la journée, la seule centrale électrique de Gaza a annoncé qu’elle avait été forcée de fermer, car Israël a empêché l’entrée de camions-citernes à Gaza pendant près d’une semaine. La fermeture de la centrale signifie que la population de Gaza n’aura que quatre heures d’électricité par jour.

« La panne de courant constitue une menace sérieuse pour le travail des services vitaux des hôpitaux, en particulier les services d’urgence, les soins intensifs, les opérations, les services de dialyse, les laboratoires, les crèches, les blanchisseries, les systèmes d’oxygène et les gaz médicaux », a ajouté le ministère.

Des petits Palestiniens paniquent en attendant une frappe annoncée sur Rafah, dans le Sud de la bande de Gaza (AFP/Said Khatib)
Des petits Palestiniens paniquent en attendant une frappe annoncée sur Rafah, dans le Sud de la bande de Gaza (AFP/Said Khatib)

Le secteur de la santé à Gaza était confronté à « la pire situation depuis des années » avant même le début de l’assaut, a-t-il ajouté, connaissant une pénurie de 40 % de fournitures médicales, 30 % des fournitures d’urgence et chirurgicales nécessaires et 60 % de fournitures pour les laboratoires et la banque de sang. 

« Les forces israéliennes utilisent une force mortelle contre des citoyens palestiniens, ce qui a entraîné l’amputation des membres supérieurs et inférieurs d’enfants qui ont été transportés à l’hôpital hier », a ajouté à MEE Mohammed Abu Salmiyeh, directeur de l’hôpital al-Shifa à Gaza.

« La volonté de faire n’importe quoi pour rester au pouvoir »

Un membre palestinien de la Knesset, le Parlement israélien, Sami Abu Shehadeh, a dénoncé l’opération militaire israélienne à Gaza dans le cadre d’une campagne électorale menée par Yaïr Lapid et le ministre israélien de la Défense Benny Gantz.

« La dernière agression d’Israël à Gaza montre la volonté de Lapid et de Gantz et de leur coalition [gouvernante] de faire n’importe quoi pour rester au pouvoir, y compris le meurtre d’une fillette de 5 ans. Ce nouveau crime de guerre fait partie d’une campagne électorale immorale pour montrer qu’ils peuvent être aussi criminels que Benyamin Netanyahou », a commenté le député de la Liste unifiée à MEE en faisant référence au chef de l’opposition, qui a mené trois campagnes militaires contre Gaza alors qu’il était Premier ministre.

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« Le peuple palestinien a un besoin urgent de protection internationale. Le gouvernement israélien a multiplié les attaques et les crimes en Palestine, et il ne s’agit pas seulement d’une faction en particulier : leurs attaques vont des organisations de défense des droits de l’homme aux familles de Sheikh Jarrah », a-t-il ajouté.

« Qui arrêtera ces crimes de guerre ? La communauté internationale ne cesse de récompenser l’occupation israélienne d’une manière qui aggrave l’apartheid. Mais ce n’est pas irréversible : nous continuerons à lutter pour la justice, la liberté et l’égalité, seul moyen de parvenir à une paix durable. »

Monira Nofal, tante de Khalil Abu Hamada, 19 ans, est toujours sous le choc après la mort de son neveu, qui a été tué avec cinq autres personnes, dont quatre enfants, lors d’une attaque israélienne présumée contre le camp de Jabaliya, au nord de la bande de Gaza.

« C’était l’enfant unique de ses parents, ils l’ont eu après avoir essayé d’avoir un bébé pendant plus de douze ans », confie-t-elle Nofal au correspondant de MEE, Mohammed al-Hajjar.

Israël a affirmé qu’il n’était pas derrière l’attaque aérienne, mais des sources palestiniennes disent qu’elle ne pouvait pas venir d’ailleurs.

Le père d’Abu Hamada préparait un nouvel appartement pour le jeune homme afin de l’aider à se marier. Il était sorti de chez lui tard samedi pour vérifier un problème sur la voiture de son père, garée devant la maison, lorsque l’obus a frappé, relate Monira Nofal. « C’était un bon garçon, choyé et beau, et tout le monde l’aimait. »

Des Palestiniens veillent les corps des victimes des frappes aériennes israéliennes sur Rafah, à l’intérieur d'une mosquée, le 7 août 2022 (AFP/Said Khatib)
Des Palestiniens veillent les corps des victimes des frappes aériennes israéliennes sur Rafah, à l’intérieur d'une mosquée, le 7 août 2022 (AFP/Said Khatib)

Dimanche, les secouristes ont poursuivi leur travail pour extraire les corps piégés sous les décombres dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, où une autre frappe aérienne israélienne a tué au moins huit personnes, dont un garçon de 14 ans.

Ahmad Adeeb, un témoin oculaire de l’attaque, affirme à MEE que l’attaque s’est produite sans avertissement.

« La maison a été touchée sans préavis », assure-t-il. « Ici, les maisons sont pleines à craquer, abritant chacune sept à huit personnes, et elles sont si proches les unes des autres que lorsqu’une maison est touchée, plusieurs maisons autour d’elle sont aussi touchées. »

L’Égypte a affirmé dimanche avoir obtenu l’accord d’Israël pour une trêve avec le Jihad islamique mais dit attendre une réponse du groupe armé palestinien.

Traduit de l’anglais (original) et actualisé.

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